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Jurisprudence : Marques

mercredi 08 octobre 2014
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Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – Chambre 1, arrêt du 9 septembre 2014

SAS FREE / Vanessa M.

absence d'exploitation - classe de produits - dépôt - exploitation - marque notoire - nom de domaine - spécialité

Vu le jugement contradictoire du 27 septembre 2014 rendu par le tribunal de grande instance de Paris,

Vu l’appel interjeté le 22 mars 2013 par la société FREE,

Vu les dernières conclusions du 12 mars 2014 (conclusions récapitulatives n°4) de la société appelante,

Vu les dernières conclusions du 3 février 2014 (conclusions en réplique n°2) de Vanessa M. , intimée,

Vu l’ordonnance de clôture du 1er avril 2014,

DISCUSSION

Considérant que la société dénommée FREE, qui utilise ce nom commercial, est titulaire notamment du nom de domaine ‘free.fr’ enregistré le 15 mars 1999, et, pour les services rappelés en page 4 du jugement auxquels la cour se réfère expressément, de deux marques françaises renouvelées, la marque verbale FREE n° 1 734 391 déposée le 25 octobre 1989 en classe 38, et la marque semi figurative ‘free LA LIBERTÉ N’A PAS DE PRIX’ n°99 785 839 déposée 8 avril 1999 notamment en classes 9, 35, 38 et 42 ;

Qu’ayant découvert que Vanessa M. avait, d’une part, déposé le 18 mars 2011 la marque verbale française ‘FREE-SPORT TV’ n°11 3 815 764 en classes 9, 38 et 41, pour des produits et services (également énoncés en page 4 du jugement) qui seraient selon elle similaires aux siens, d’autre part, enregistré le 8 août 2011 le nom de domaine ‘free-sport.tv’, elle l’a mise en demeure de
renoncer à ces marque et nom de domaine selon courrier du 23 septembre 2011 non réclamé ;

Qu’elle a, dans ces circonstances, fait assigner le 5 janvier 2012 Vanessa M. devant le tribunal de grande instance de Paris en nullité de marque, transfert du nom de domaine et en réparation des atteintes à ses marques, dénomination sociale, nom commercial et nom de domaine ;

Considérant que, selon jugement dont appel, les premiers juges ont débouté la société FREE de l’ensemble de ses demandes, retenant en particulier qu’il n’existerait ni contrefaçon par imitation ni atteinte à la marque renommée, à la dénomination sociale, au nom commercial et au nom de domaine, en l’état d’un simple dépôt de marque et de l’enregistrement du nom de domaine sans
aucune exploitation ;

Considérant qu’en appel le nom de domaine incriminé en première instance, et dont il est admis qu’il a disparu, n’est plus en cause ;

Considérant que si la société FREE reconnaît que la marque attaquée n’a jamais été exploitée, elle conteste l’appréciation des premiers juges quant à la portée du dépôt de cette marque et réitère ses demandes de nullité au visa articles L 711-4 et L 714-3 et en tant que de besoin des articles L 713-3
et L 713-5 du Code de la propriété intellectuelle ainsi que ses demandes en réparation pour atteinte à ses marques antérieures et à ses dénomination sociale, nom commercial et nom de domaine ;

Que l’intimée sollicite la confirmation de la décision entreprise estimant que faute d’usage dans la vie des affaires aucune atteinte, ni faute ou préjudice ne seraient caractérisés ;

Mais Considérant qu’est nul le signe qui porte atteinte à un droit antérieur, la date d’appréciation d’un signe à titre de marque étant celle de son dépôt et que par définition à cette date la marque incriminée n’a pas été exploitée ;

Qu’en l’espèce, il n’est pas discuté que la société appelante dispose de droits antérieurs sur les marques opposées ; que dans la marque semi figurative antérieure le terme ‘free’ s’avère distinctif et dominant, visuellement par son positionnement central et la taille de sa calligraphie, phonétiquement comme placé en position d’attaque, et conceptuellement comme simplement associé à un slogan ‘La liberté n’a pas de prix’ ;

Que la reprise en attaque dans la marque contestée du terme ‘FREE’, dominant dans cette marque semi figurative et signe unique dans la marque verbale antérieure, est de nature à créer un risque d’association nonobstant l’adjonction des termes ‘SPORT TV’ ; qu’en effet, au plan visuel l’attention est attirée par le terme premier ‘FREE’, qui au plan phonétique demeure distinctif par une prononciation en ‘i’ nettement distincte des termes seconds ‘SPORT TV’ plus durs, et conceptuellement l’ajout de ces deux derniers mots apparaît comme descriptif de services et renvoie à l’idée de déclinaison du terme premier ‘FREE’ évoquant un terme anglais mais également pour le consommateur français normalement attentif une société connue dans le secteur de la télécommunication ;

Considérant qu’il n’est par ailleurs pas contesté, qu’exception faite du dressage d’animaux désigné en classe 41 par la marque incriminée, les produits ou services couverts par cette marque sont tous identiques ou similaires à ceux des marques antérieures opposées, ainsi que le démontre la société FREE en pages 38 à 41/63 de ses conclusions de sorte que le risque de confusion ou d’association est caractérisé d’autant que la présence concomitante des mots ‘FREE’ et ‘TV’ dans le signe contesté renforce l’évocation des marques antérieures connues d’un fournisseur d’accès aux chaînes de télévisions ;

Considérant que s’agissant du service de dressage d’animaux l’imitation des marques antérieures jouissant d’une renommée pour des produits ou services certes différents est de nature à porter préjudice à leur propriétaire dès lors que le signe contesté évoque nécessairement les marques antérieures ainsi qu’il a été rappelé et est de nature à banaliser le pouvoir attractif de ces marques, le consommateur moyen pouvant ainsi croire à un lien entre les marques en cause ;

Considérant enfin que la reprise sans nécessité du terme ‘FREE’ qui constitue le nom commercial, la dénomination sociale et le nom de domaine de l’appelante, largement connue pour ses activités dans le secteur des télécommunications et notamment de la télévision, afin de procéder au dépôt d’une marque désignant pour l’essentiel des services similaires aux activités notoirement exercées par la
société FREE constitue à tout le moins un négligence fautive, la déposante ne pouvant ignorer que par sa composition le signe ‘FREE-SPORT TV’, comprenant les mots FREE et TV, évoquerait nécessairement les activités de la société FREE, ce qui constitue une atteinte préjudiciable aux droits antérieurs de cette dernière ;

Considérant, en conséquence, que la décision entreprise ne peut qu’être infirmée ; qu’il sera fait droit à la demande d’annulation de la marque incriminée et s’il n’apparaît pas qu’une mesure d’interdiction, ni de publication, s’impose alors que la marque n’est pas exploitée, la société FREE a
incontestablement subi un préjudice du fait des atteintes retenues même si celui-ci s’avère limité ;

Qu’il sera entièrement indemnisé par l’octroi d’une somme de 1.000 euros pour les atteintes à ses marques et d’une somme de même montant pour celles portées à sa dénomination sociale, son nom commercial et son nom de domaine ;

DECISION

Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Annule la marque ‘FREE-SPORT TV’ n°11 3 815 764 déposée le 18 mars 2011 par Vanessa M. en classes 9, 38 et 41 ;

Dit que le présent arrêt sera transmis par les soins du greffe à l’l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) aux fins d’inscription au registre national des marques et autorise la société FREE à accomplir cette formalité si nécessaire ;

Condamne Vanessa M. à payer à titre de dommages et intérêts à la société FREE la somme de 1.000 euros pour atteinte à ses marques et celle de 1.000 euros pour atteinte à sa dénomination sociale, à son nom commercial et à son nom de domaine ;

Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ;

Condamne Vanessa M. aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à verser à la société FREE une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles.

La Cour : M. Benjamin Rajbaut (président), et Anne Marie Gaber et Brigitte Chokron (conseillères), Karine Abelkalon (greffier)

Avocats : Me Yves Coursin, Me Sébastien Vialar

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.