Les avocats du net

 
 


 

Jurisprudence : Marques

vendredi 30 juin 2006
Facebook Viadeo Linkedin

Cour de cassation Arrêt du 7 juin 2006

Endemol développement / Technofi, TF1

contrefaçon - marques - nom de domaine - site internet

La cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi n° S 03-19.508 formé par la société Endemol développement, société par actions simplifiées, contre l’arrêt rendu le 4 septembre 2003 par la cour d’appel de Versailles (24ème chambre des vacations), dans le litige l’opposant :
1°/ à la société Technofi, société anonyme,
2°/ à la société Télévision française TF1, société anonyme,
défenderesses à la cassation ;

Statuant sur le pourvoi n°Y 03-19.606 formé par la société Télévision française TF1, contre le même arrêt rendu dans le litige l’opposant :
1°/ à la société Technofi,
2°/ à la société Endemol développement,
défenderesses à la cassation ;

La demanderesse au pourvoi n°S 03-19.508 invoque, à l’appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi n°Y 03-19.606 invoque, à l’appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

La Cour joint les pourvois n° Y 03-19.606 et n° S 03-19.508 qui attaquent le même arrêt ;

DISCUSSION

Attendu, selon l’arrêt déféré, que la société Technofi est titulaire de la marque « Nice people » déposée le 7 juin 1999, enregistrée sous le n°99 795 947, pour désigner les produits et services en classes 35, 38 et 42, notamment les services de transmissions d’information sur réseau internet, l’élaboration et la conception de logiciels, le développement, la conception et l’hébergement de sites sur de tels réseaux ; que la société Endemol développement, titulaire de la marque « Nice People » n°3 219 062 déposée le 4 avril 2003 pour désigner des produits et services dans diverses classes dont les classes 35, 38 et 42, a produit une émission de téléréalité portant cette dénomination qui a été diffusée sur la chaîne TF1 à compter du 26 avril 2003 et a ouvert à cette date un site internet destiné à transmettre des informations sur cette émission ;
que le 19 mai 2003, la société Technofi a assigné au fond devant le tribunal de grande instance, en contrefaçon, les sociétés Endemol développement et TF1, puis a saisi le président de cette juridiction statuant en la forme des référés, sur le fondement de l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle, qui a rejeté la demande ; que la société Technofi, appelante de cette décision, a été autorisée à assigner à jour fixe les sociétés défenderesses ;

Sur le premier moyen des pourvois formés par les sociétés Endemol développement et TF1, réunis :

Attendu que ces sociétés font grief à l’arrêt d’avoir déclaré recevable la communication de certaines pièces par la société Technofi, alors, selon les moyens, que doivent être écartées des débats les pièces déposées par le demandeur à jour fixe, dès lors que l’intimé n’a pas encore conclu et que la cour d’appel n’a pas vérifié si ces pièces constituaient une réponse aux conclusions déposées par les intimés, privant ainsi sa décision de base légale et violant l’article 918 du ncpc ;

Mais attendu qu’ayant relevé que les dispositions de l’article 918 du ncpc n’interdisaient pas à l’auteur d’une assignation à jour fixe de déposer des conclusions en réponse à celles de son adversaire qui pouvaient être assorties de pièces complémentaires, la cour d’appel, qui a constaté que ces conclusions et pièces n’élevaient pas de nouvelles prétentions ni de moyens non contenus dans la requête initiale, peu important que ces pièces aient été déposées une première fois antérieurement aux conclusions en défense, a, à juste titre, déclaré recevables lesdits documents ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi formé par la société TF1 :

Attendu que la société TF1 fait grief à l’arrêt d’avoir déclaré l’action introduite par la société Technofi recevable et d’avoir interdit à titre provisoire aux sociétés Endemol développement et TF1 tout usage de la dénomination « Nice People » sur le réseau internet, alors, selon le moyen :

1°/ que le demandeur à l’action en interdiction d’action d’actes argués de contrefaçon prévue par l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle ne peut assigner le prétendu contrefacteur sur le fondement de ce texte qu’après l’avoir assigné au fond ; qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt attaqué que l’assignation en la forme des référés a été délivrée à la société TF1 le 19 mai 2003 à 11h27 soit avant l’assignation au fond qui ne lui a été délivrée qu’à 11h35 ; qu’en déclarant cependant l’action recevable, la cour d’appel a violé l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle ;

2°/ que la société TF1 faisait valoir dans ses écritures que l’assignation à jour fixe devant le président du tribunal de grande instance ne pouvait lui être délivrée qu’après saisine au fond du tribunal ; qu’en s’abstenant de répondre à ces conclusions et en se contentant de retenir que le placement de l’affaire au fond au secrétariat greffe du tribunal de grande instance avait précédé de quelques minutes le placement de l’affaire au greffe des référés de ce tribunal et que la saisine au fond n’avait pas à précéder la présentation de la requête tendant à obtenir une autorisation d’assigner à jour fixe, la cour d’appel a privé sa décision de motifs, en violation de l’article 455 du ncpc ;

Mais attendu qu’aux termes de l’article 757 du ncpc, le tribunal est saisi par la remise au secrétariat-greffe d’une copie de l’assignation ; qu’ayant relevé que les exploits introductifs d’instance au fond délivrés par la société Technofi aux sociétés Endemol développement et TF1 avaient été placées au greffe des référés du même tribunal le 22 mai 2003 à 15h15, c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que la saisine du tribunal de grande instance au fond avait été préalable à celle de son président, peu important l’heure à laquelle la requête en assignation à jour fixe a été délivrée au défendeur ; que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche du pourvoi formé par la société Endemol développement, et sur le troisième moyen de la société TF1, pris en ses trois premières branches, réunis :

Vu les articles L 713-1, L 713-2 et L 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour accueillir la demande de la société Technofi et interdire à titre provisoire aux sociétés Endemol développement et TF1 tout usage de la dénomination « Nice People » sur le réseau internet, l’arrêt relève que l’enregistrement d’une marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits et services qu’il a désignés, que sont interdits, sauf autorisation du propriétaire et constitutifs de contrefaçon, la reproduction d’une marque dans les termes prévus par les articles L 713-2 et L 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;
qu’il relève que la marque dont est titulaire la société Technofi concerne les produits et services des classes 35, 38 et 42, notamment les transmissions d’informations sur réseaux nationaux et internationaux (internet), la location de temps d’accès à un centre serveur de bases de données, l’élaboration, les conceptions et mise à jour de logiciels, la conception et l’hébergement de sites de logiciels ; qu’il retient que la contrefaçon imputée au titre d’usage de la marque « Nice People » par les sociétés Endemol développement et TF1 tant lors de l’émission de téléréalité que par l’exploitation du site internet dont l’intitulé et le nom de domaine sont pareillement dénommés présente des chances d’être accueillie par le juge du fond, compte tenu de la spécificité de l’espèce ;

Attendu, qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si les produits et services que pouvaient offrir sur le site internet les sociétés Endemol développement et TF1 étaient identiques ou similaires à ceux visés dans le dépôt de la marque n°99 795 947 déposée par la société Technofi, la cour d’appel n’a pas constaté le caractère sérieux de l’action en contrefaçon engagée par celle-ci tel que prévu par l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle ;

DECISION

Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des deux pourvois :

. Casse et annule, mais en ses seules dispositions ayant interdit à titre provisoire aux sociétés Endemol développement et TF1 tout usage de la dénomination « Nice People » sur le réseau internet, l’arrêt rendu le 4 septembre 2003, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ;
remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris ;

. Laisse à chaque partie la charge de ses dépens respectifs ;

. Vu l’article 700 du ncpc, rejette les demandes ;

. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Moyens produits au pourvoi n° S 03-19.508 par la SCP Choucroy, Gadiou et Chevallier, avocat aux conseils pour la société Endemol développement

Premier moyen de cassation

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré recevable la communication des pièces 18 à 29 par la société Technofi et, en conséquence, infirmé la décision entreprise et interdit à titre provisoire à la société Endemol développement et à la société TF1 tout usage de la dénomination Nice People sur le réseau internet sous astreinte provisoire de 2000 € par infraction constatée à compter de la signification du présent arrêt ;

Aux motifs que les dispositions de l’article 918 du ncpc n’interdisent pas à l’auteur d’une assignation à jour fixe de déposer des conclusions en réponse à celles de son adversaire qui peuvent être naturellement assorties de pièces complémentaires au soutien de sa thèse ; que ces éléments en réplique sont recevables à la condition que celui-ci n’élève pas de nouvelles prétentions ni de moyens non contenus dans sa requête initiale ; qu’il suit de là que les pièces 18 à 29 communiquées par l’appelante qui respectent cette exigence n’ont pas lieu d’être exclues des débats ;

Alors que doivent être écartées des débats les pièces déposées par l’appelant à jour fixe postérieurement à la requête, bien que l’intimé n’ait pas encore conclu ; qu’en décidant du contraire, la cour d’appel a violé l’article 918 du ncpc ;

Alors qu’en s’abstenant, en toute hypothèse, de vérifier que ces pièces tendaient à répondre à des arguments nouveaux en appel, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article 918 du ncpc.

Second moyen de cassation

Il est reproché à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir interdit à titre provisoire à la société Endemol développement et à la société TF1 tout usage de la dénomination Nice People sur le réseau internet sous astreinte provisoire de 2000 € par infraction constatée à compter de la signification du présent arrêt ;

Aux motifs que la comparaison des dépôts concurrents démontre la reproduction de la marque antérieure Nice People appartenant à la société Technofi pour désigner des services identiques au sens de l’article L 713-2 du code de la propriété intellectuelle ; qu’à cet égard, pour ce dernier, la société Endemol développement, alors même que le simple dépôt d’une marque contrefaisante constitue en soit un acte de contrefaçon, ne saurait sérieusement alléguer avoir d’ores et déjà procédé au retrait partiel de ses deux marques pour les produits et services identiques à ceux visés par la marque précédemment déposée par la société Technofi dès lors que ses déclarations de renonciation formées pourtant à deux reprises les 22 mai et 4 juillet 2003 et, au demeurant, à proximité de chacune des audiences de première instance et d’appel, n’ont été suivies d’aucun effet puisqu’il s’infère des copies officielles des marques Nice People 03/3219062 et 03/322518 des 4 et 25 avril 2003 délivrées par l’Inpi les 2 et 7 juillet 2003 que les deux dépôts n’ont subi, en réalité, aucune inscription modificative ;
que de surcroît, la contrefaçon imputé au titre de l’usage de la marque Nice People par les sociétés Endemol développement et TF1 tant lors de l’émission de téléréalité que par l’exploitation d’un site internet dont l’intitulé et nom de domaine sont pareillement dénommés présente aussi des chances d’être accueillie par le juge du fond, compte tenu de la spécificité de l’espèce et n’impliquait pas l’application automatique de la jurisprudence Zebank et se rattachait à des secteurs d’activité nouveaux qui sont en pleine évolution sur le plan matériel comme jurisprudentiel ;
qu’en effet, le droit de propriété dont est titulaire la société Technofi sur sa marque en raison de son enregistrement s’étend sur tous les produits énumérés dans le dépôt indépendamment de l’usage qu’elle en a fait ; qu’en outre, la société Technofi admet ne pas avoir exploité sa marque en sorte qu’il ne saurait être procédé à la comparaison des services et des messages véhiculés par le web par la société appelante et les sociétés intimées, lesquelles ne peuvent donc estimer démontré, au vu de l’extrait Kbis de la société poursuivante ou de l’analyse de ses sites déjà en exploitation que les réseaux internet et logiciels visés au dépôt de 1999 seraient exclusivement constitués de conseils financiers aux entreprises ;
que, dans cette hypothèse particulière d’absence de comparaison possible, comme de déchéance de marque non encore encourue, la contrefaçon peut être retenue, la marque étant présumée être déposée pour des services informatiques et s’avérant protégée de manière prioritaire parce qu’elle est un droit de propriété ;
qu’ainsi, il a déjà été jugé dans un tel cas que la réservation du nom de domaine constituait un usage de la marque, que cet usage avait eu pour effet de rendre le signe indisponible pour désigner l’un des services de la classe 38 visé par l’enregistrement et décidé qu’il constituait un acte de contrefaçon de cette dernière, l’adoption de ce nom de domaine étant susceptible d’engendrer un risque de confusion dans l’esprit du public qui pense accéder au site du titulaire de la marque ;
qu’enfin les sociétés intimées ne peuvent utilement prétendre que la mesure sollicitée par l’appelante serait devenue sans objet et inopportune puisque l’émission de télévision en question est achevée dès lors que les faits argués de contrefaçon se poursuivent sur le site internet Nice People qui a vocation à perdurer pour assurer, le cas échéant, la vente de produits accessoires et rentabiliser secondairement les investissements engagés lors de son lancement au-delà de sa diffusion, l’existence dudit site Nice People étant indiscutablement démontrée par la teneur du procès verbal de constat dressé le 16 juillet par Me Laval-Liaud, huissier de justice ;
que dans ces conditions, il importe de faire droit à la demande de la société Technofi en prononçant l’interdiction provisoire réclamée sous astreinte de 2000 € par infraction constatée, à compter de la signification du présent arrêt, au titre du réseau hertzien puisqu’il n’est pas contesté que l’émission Nice People n’est plus programmée depuis le 5 juillet 2003 ;

Alors qu’il résulte de l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle que l’action en interdiction provisoire tend exclusivement à voir interdire les actes donnant lieu à une action au fond les concernant, qui apparaît sérieuse ; que le dépôt par la société Endemol développement de la marque Nice People, comme l’usage de la marque lors de l’émission de téléréalité, seraient-ils susceptibles de donner lieu à une action en contrefaçon apparaissant sérieuse, ne sauraient, par suite, justifier une interdiction de « tout usage de la dénomination Nice People sur le réseau internet » ; qu’en décidant du contraire, la cour d’appel n’a pas justifié légalement sa décision au regard de la disposition susvisée ;

Alors qu’en se bornant à affirmer que l’exploitation par la société Endemol développement d’un site internet Nice People pouvait être jugée contrefaisante de la marque de la société Technofi par le juge du fond, sans rechercher si les produits ou services désignés par la marque de la société Technofi étaient identiques ou similaires à ceux offerts sur ce site, la cour d’appel n’a pas justifié légalement sa décision au regard de l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle ;

Alors qu’en mettant à la charge de la société Endemol développement la preuve de ce que « les réseaux internet et logiciels visés au dépôt de 1999 » seraient exclusivement constitués de conseils financiers aux entreprises, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et violé l’article 1315 du code civil ;

Alors qu’en toute hypothèse, la cour d’appel a constaté que la société Endemol développement avait effectué, comme elle le faisait valoir en se prévalant des pièces produites à cet égard, des déclarations de renonciations partielles en date des 22 mai et 4 juillet 2003 relatives aux deux marques litigieuses pour les produits et services identiques à ceux visés par la marque déposée par la société Technofi ;
qu’en se refusant à prendre en considération ces déclarations lesquelles comportent un timbre humide de l’Inpi avec la date de renonciation – au seul motif qu’une inscription modificative ne serait pas établie en date des 2 et 7 juillet 2003, la cour d’appel a violé l’article L 714-2 du code de la propriété intellectuelle ;

Alors qu’en s’abstenant de rechercher si les actes reprochés à la société Endemol développement étaient de nature à créer un risque de confusion dans l’esprit du public, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Alors que la cour d’appel a relevé, d’une part, qu’il y avait lieu de faire droit à la demande en prononçant « l’interdiction provisoire réclamée (…) au titre du réseau hertzien » (arrêt p.18), et d’autre part, a « interdit à titre provisoire à la société Endemol développement et à la société TF1 tout usage de la dénomination Nice People sur le réseau internet » (arrêt, par ces motifs, p.20) ; qu’elle s’est ainsi contredite en violation de l’article 455 du ncpc.

Moyens produits au pourvoi n° Y 03-19.606 par la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat aux conseils pour TF1

Premier moyen de cassation

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré recevable la communication des pièces 18 à 29 par la société Technofi ;

Aux motif que les dispositions de l’article 918 du ncpc n’interdisent pas à l’auteur d’une assignation à jour fixe de déposer des conclusions en réponse à celles de son adversaire qui peuvent être naturellement assorties de pièces complémentaires au soutien de sa thèse ; que ces éléments en réplique sont recevables à la condition que celui-ci n’élève pas de nouvelles prétentions ni de moyens non contenus dans sa requête initiale ; qu’il suit de là que les pièces 18 à 29 communiquées par l’appelante qui respectent cette exigence n’ont pas lieu d’être exclues des débats ;

Alors que l’appelant qui veut assigner à jour fixe doit déposer au greffe, dès la présentation de sa requête, toutes les pièces dont il entend faire usage ; qu’il ne peut déposer de conclusions ou pièces complémentaires que pour répondre aux conclusions des intimés ; que doivent dès lors être écartées des débats les pièces déposées après la présentation de la requête alors que l’intimé n’avait pas encore conclu ; qu’en déclarant recevable la communication des pièces 18 à 29 de la société Technofi produites le 10 juillet 2003 soit avant le dépôt de leurs conclusions par la société Endemol développement et la société TF1, intervenu le 11 juillet 2003, la cour d’appel a violé l’article 918 du code de procédure civile ;

Alors qu’en tout état de cause, la cour d’appel ne pouvait déclarer recevable les pièces produites par la société Technofi après la requête en autorisation d’assignation à jour fixe sans constater qu’elles constituaient une réponse aux conclusions déposées par les intimés ; qu’en s’abstenant pourtant de toute constatation sur ce point, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 918 du ncpc.

Deuxième moyen de cassation

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir déclaré l’action introduite par la société Technofi recevable et interdit à titre provisoire à la société Endemol développement et à la société TF1 tout usage de la dénomination Nice People sur le réseau internet sous astreinte provisoire de 2000 € par infraction constatée à compter de la signification de l’arrêt ;

Aux motifs qu’aux termes de l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle, lorsque le tribunal est saisi d’une action en contrefaçon, son président, saisi en la forme des référés peut interdire à titre provisoire, sous astreinte, la poursuite des actes argués de contrefaçon ou subordonner cette poursuite à la constitution de garantie destinée à assurer l’indemnisation du propriétaire de la marque ou du bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation ;
que la demande d’interdiction ou de constitution de garanties n’est admise que si l’action au fond apparaît sérieuse et a été engagée dans un bref délai à compter du jour où le propriétaire de la marque ou le bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation a eu connaissance des faits sur lesquels elle est fondée ;
que le juge peut subordonner l’interdiction à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuelle du préjudice subi par le défendeur si l’action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ; que l’article précité prescrit, tant pour l’action introduite au fond devant le tribunal de grande instance que pour celle initiée en la forme des référés devant son président, la saisine de ces juridictions ;
que lorsque, dans ces deux cas, la demande en justice prend la forme d’une assignation, la saisie de la juridiction ne résulte pas de la seule délivrance de cet acte mais n’est réalisée qu’à l’issue de l’accomplissement d’une formalité distincte consistant dans la remise au secrétariat greffe d’une copie de l’assignation ;
que la société Technofi justifie que les exploits introductifs d’instance au fond délivrés le 19 mai 2003 à 10h39 et 11h35 respectivement à la société Endemol développement et à la société TF1 ont été placés au secrétariat greffe du tribunal de grande instance de Nanterre le 22 mai 2003 à 15h10 tandis que les assignations en référé signifiées à chacune des sociétés intimées le 19 mai 2003 à 10h40 et 11h27 ont été placées au greffe des référés du même tribunal le 22 mai 2003 à 15h15 ;
qu’il apparaît donc que la saisine du tribunal de grande instance au fond a bien été préalable à celle de son président sans que les intimés ne puissent utilement prétendre, en ajoutant aux dispositions de l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle que cette condition aurait dû être remplie au jour de la requête alors même que le juge n’est nullement saisie en la matière par la présentation d’une telle requête qui avait pour unique objet de la part de la société Technofi de solliciter l’autorisation d’assigner d’heure à heure conformément à l’article 485 alinéa 2 du ncpc ;

Alors que le demandeur à l’action en interdiction d’actes argués de contrefaçon prévue par l’article L 716-6 ne peut assigner le prétendu contrefacteur sur le fondement de ce texte qu’après l’avoir assigné au fond ; qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt attaqué que l’assignation en la forme des référés a été délivrée à la société TF1 le 19 mai 2003 à « 11h27, » soit avant l’assignation au fond qui ne lui a été délivrée qu’à « 11h35 » ; qu’en déclarant cependant l’action recevable, la cour d’appel a violé l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle ;

Alors que la société TF1 faisait valoir dans ses écritures (conclusions p.6 et 7) que l’assignation à jour fixe devant le président du tribunal de grande instance de Nanterre ne pouvait lui être délivrée qu’après la saisine, au fond, du tribunal ; qu’en s’abstenant de répondre à ces conclusions et en se contentant de retenir que le placement de l’affaire au fond au secrétariat greffe du tribunal de grande instance de Nanterre avait précédé de quelques minutes le placement de l’affaire au greffe des référés de ce tribunal et que la saisine au fond n’avait pas à précéder la présentation de la requête tendant à obtenir une autorisation d’assigner à jour fixe, la cour d’appel a privé sa décision de motifs en violation de l’article 455 du ncpc.

Troisième moyen de cassation

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir interdit à titre provisoire à la société Endemol développement et à la société TF1 tout usage de la dénomination Nice People sur le réseau internet sous astreinte provisoire de 2000 € par infraction constatée à compter de la signification de l’arrêt ;

Aux motifs que la faculté réservée au juge d’ordonner une interdiction provisoire de la poursuite des actes argués de contrefaçon est soumise à l’appréciation du caractère sérieux de l’action au fond ; que cette mesure ne doit pas être limitée aux seuls cas où aucun doute n’est permis mais qu’elle peut être prononcée dès lors que les chances de succès du demandeur lui semblent sérieuses au moment où il statut, lesquelles sont cependant toujours sujettes à évolution en fonction de divers aléas potentiels susceptibles de survenir ultérieurement au cours de l’instance au fond de nature à en modifier le résultat final ;
qu’en outre, l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle n’impose pas de circonscrire l’interdiction provisoire dans l’hypothèse de pluralité de moyens de contrefaçon invoqués au soutien de la demande, à celle de l’éventualité de leur accueil intégral, les chances de réussite de leur action ne pouvant dépendre que du bien fondé de l’un d’entre eux ; qu’en l’occurrence, la validité et la distinctivité de la marque Nice People pour désigner les produits ou services visés par l’enregistrement issue du dépôt effectué le 7 juin 1999 par la société Technofi ne sont pas discutées ;
que la démarche effectuée auprès de la société Technofi par son conseil le 9 avril 2003, au demeurant après son propre dépôt du 4 avril 2003, antérieur de cinq jours, en vue de parvenir à un accord de coexistence ou à une cession totale ou partielle de la marque Nice People démontre la reconnaissance explicite par la société Endemol développement des droits de la société Technofi et de sa conscience d’y porter atteinte ; que l’enregistrement d’une marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits et services qu’il a désignés selon l’articles L 713-1 du code de la propriété intellectuelle ;
que sont interdits, sauf autorisation du propriétaire et constitutifs de contrefaçon, en application de l’article L 713-2 « dans tous les cas, la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque… pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement » et en application de l’article L 713-3 « s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque pour des produits similaires à ceux désignés dans l’enregistrement ;
que la marque dont est titulaire la société Technofi concerne notamment les transmissions d’informations sur réseaux nationaux et internationaux (internet), location de temps d’accès à un centre serveur de bases de données, élaboration, conception de logiciels, mise à jour de logiciels, développement, conception et hébergement de sites par les réseaux nationaux et internationaux, aide et consultation pour la direction des affaires dans les classes 35, 38 et 42 ; que la contrefaçon imputée au titre de l’usage de la marque Nice People par les sociétés Endemol développement et TF1 tant lors de l’émission de téléréalité que par l’exploitation d’un site internet dont l’intitulé et le nom de domaine sont pareillement dénommés présente aussi des chances d’être accueillie par le juge du fond, compte tenu de la spécificité de l’espèce et n’impliquant pas l’application automatique de la jurisprudence Zebank et se rattachant à des secteurs d’activité nouveaux qui sont en pleine évolution sur le plan matériel comme jurisprudentiel ;
qu’en effet, le droit de propriété dont est titulaire la société Technofi sur sa marque en raison de son enregistrement s’étend sur tous les produits et services énumérés dans le dépôt indépendamment de l’usage qu’elle en a fait ; qu’en outre, la société Technofi admet ne pas avoir exploité sa marque en sorte qu’il ne saurait être procédé à la comparaison des services et des messages véhiculés par le web par la société appelante et les sociétés intimées, lesquelles ne peuvent donc estimer démontré, au vu de l’extrait Kbis de la société poursuivante ou de l’analyse de ses sites déjà en exploitation que les réseaux internet et logiciels visés au dépôt de 1999 seraient exclusivement constitués de conseils financiers aux entreprises ;
que, dans cette hypothèse particulière d’absence de comparaison possible, comme de déchéance de marque non encore encourue, la contrefaçon peut être retenue, la marque étant présumée être déposée pour des services informatiques et s’avérant protégée de manière prioritaire parce qu’elle est un droit de propriété ; qu’il a déjà été jugé dans un tel cas que la réservation du nom de domaine constituait un usage de la marque, que cet usage avait eu pour effet de rendre le signe indisponible pour désigner l’un des services de la classe 38 visé par l’enregistrement et décidé qu’il constituait un acte de contrefaçon de cette dernière, l’adoption de ce nom de domaine étant susceptible d’engendrer un risque de confusion dans l’esprit du public qui pense accéder au site du titulaire de la marque ;
que les sociétés intimées ne peuvent utilement prétendre que la mesure sollicitée par l’appelante serait devenue sans objet et inopportune puisque l’émission de télévision en question est achevée dès lors que les faits argués de contrefaçon se poursuivent sur le site internet Nice People qui a vocation à perdurer pour assurer, le cas échéant, la vente de produits accessoires et rentabiliser secondairement les investissements engagés lors de son lancement au-delà de sa diffusion, l’existence dudit site Nice People étant indiscutablement démontrée par la teneur du procès verbal de constat dressé le 15 juillet par Me Laval-Liaud, huissier de justice ;
que dans ces conditions, il importe de faire droit à la demande de la société Technofi en prononçant l’interdiction provisoire réclamée sous astreinte de 2000 € par infraction constatée, à compter de la signification du présent arrêt, au titre du réseau hertzien, puisqu’il n’est pas contesté que l’émission Nice People n’est plus programmée depuis le 5 juillet 2003 sans qu’il soit nécessaire que la cour se réserve le pouvoir de la liquider ni qu’elle assortisse cette mesure de la prévision d’une quelconque consignation à la charge de Technofi pour le cas où elle serait déboutée de son action au fond, aucun élément de preuve de son impossibilité vraisemblable d’assurer l’indemnisation éventuelle du préjudice en résultant, le cas échéant, pour les intimées, n’étant invoqué, ni rapporté par la société Endemol développement ;

Alors que le président du tribunal de grande instance ne peut prononcer l’interdiction de la poursuite des actes argués de contrefaçon que si l’action au fond apparaît sérieuse ; que l’usage du terme Nice People sur des pages de site internet pour offrir aux internautes toute l’information utile sur une émission de téléréalité intitulée Nice People, diffusée sur la chaîne TF1, ne constitue pas la contrefaçon de la marque Nice People enregistrée en classes 35, 38 et 42 pour désigner les services de « transmissions d’informations sur réseaux nationaux et internationaux, location de temps d’accès à un centre serveur de bases de données, élaboration, conception de logiciels, développement, conception et hébergement de sites par les réseaux nationaux et internationaux, aide et consultation pour la direction des affaires » ;
qu’en interdisant « tout usage » par la société TF1 du terme Nice People sur le réseau internet bien que les chances de succès de l’action en contrefaçon intentée par Technofi contre TF1 n’aient pas été sérieuses, la cour d’appel a violé l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle ;

Alors que le président du tribunal de grande instance ne peut prononcer l’interdiction de la poursuite des actes argués de contrefaçon que si l’action au fond apparaît sérieuse ; que l’usage du terme Nice People comme adresse permettant d’accéder à des pages web relatives à une émission de téléréalité (nom de domaine) ne constitue pas la contrefaçon de la marque Nice People enregistrée en classes 35, 38 et 42 pour désigner les services de « transmissions d’informations sur réseaux nationaux et internationaux, location de temps d’accès à un centre serveur de bases de données, élaboration, conception de logiciels, développement, conception et hébergement de sites par les réseaux nationaux et internationaux, aide et consultation pour la direction des affaires » ;
qu’en interdisant « tout usage » par la société TF1 de terme Nice People sur le réseau internet bien que les chances de succès de l’action en contrefaçon intentée par Technofi contre TF1 n’aient pas été sérieuses, la cour d’appel a violé l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle ;

Alors que le président du tribunal de grande instance ne peut prononcer l’interdiction de la poursuite des actes argués de contrefaçon que si l’action au fond apparaît sérieuse ; que s’agissant d’apprécier la recevabilité de l’action fondée sur des produits et services similaires à ceux utilisés par le défendeur à l’action, le juge statuant en la forme des référés, doit rechercher s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ; qu’en faisant droit à l’action intentée par la société Technofi en interdiction de « tout usage » par TF1 du terme Nice People sur le réseau internet, pour assurer la promotion de son émission éponyme, sans constater l’existence d’un risque de confusion, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 716-6 et L 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Alors que dans ses motifs la cour d’appel a dit qu’il y avait lieu de prononcer « l’interdiction provisoire réclamée sous astreinte de 2000 € par infraction constatée, à compter de la signification du présent arrêt, au titre du réseau hertzien » ; que dans son dispositif, elle prononce l’interdiction de tout usage de la dénomination Nice People sur le réseau internet sous astreinte provisoire de 2000 € par infraction constatée à compter de la signification du présent arrêt » ; qu’en entachant ainsi sa décision d’une contradiction entre ses motifs et son dispositif, la cour d’appel a violé l’article 455 du ncpc.

La Cour : M. Tricot (président), Mme Garnier (conseiller rapporteur), M. Métivet (conseiller)

Avocats : SCP Choucroy, Gadiou et Chevallier, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Thomas-Raquin et Benabent

 
 

En complément

Maître Gadiou et Chevallier est également intervenu(e) dans les 3 affaires suivante  :

 

En complément

Maître SCP Boré et Salve de Bruneton est également intervenu(e) dans les 30 affaires suivante  :

 

En complément

Maître SCP Choucroy est également intervenu(e) dans les 3 affaires suivante  :

 

En complément

Maître SCP Thomas Raquin et Benabent est également intervenu(e) dans les 28 affaires suivante  :

 

En complément

Le magistrat Garnier est également intervenu(e) dans les 6 affaires suivante  :

 

En complément

Le magistrat Métivet est également intervenu(e) dans les 5 affaires suivante  :

 

En complément

Le magistrat Tricot est également intervenu(e) dans les 20 affaires suivante  :

 

* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.