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Jurisprudence : Jurisprudences

jeudi 06 octobre 2022
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Cour d’appel de Paris, pôle 5 – ch. 11, arrêt du 9 septembre 2022

M4 Sécurité / Société commerciale de Télécommunications

accès internet - communication tardive - faute - inopposabilité de la clause limitative de responsabilité - opérateur - relevé d’Identité - résolution de l’abonnement - ROI - téléphonie

La société M4 Sécurité, exerçant l’activité de dépannage en serrurerie et d’installation d’alarmes et de vidéo surveillance, a souscrit le 30 octobre 2015 à l’offre de la Société Commerciale de télécommunication (“société SCT”) d’un abonnement de téléphonie fixe et d’accès Internet pour une durée de soixante-trois mois avec portabilité de sa la ligne téléphonique numéro 01.**.**.**.**, et la fourniture de quatre matériels de télécommunication. Après que la société M4 Sécurité ait dénoncé l’abonnement de son précédent opérateur de téléphonie le 10 décembre 2015, avec effet le 17 décembre suivant, la Société SCT a établi le transfert de ligne le 18 janvier 2016.

Après avoir dénoncé, le 21 janvier 2016, la fourniture de matériels non conformes à ceux désignés à la commande, la société M4 Sécurité a réclamé le 4 mars 2016 une indemnisation financière du préjudice résulté des délais de transfert d’abonnement à laquelle la société STC s’est opposée, puis par lettre du 29 mars 2016, la société M4 Sécurité a dénoncé la résiliation du contrat, réclamé la communication de son code de Relevé Identité Opérateur (“RIO”) et réclamé la somme de 600.000 euros de dommages et intérêts. Déplorant n’avoir par ailleurs pas obtenu le code RIO pour la portabilité de sa ligne auprès d’un nouvel opérateur de téléphonie, la société M4 Sécurité a assigné la société SCT le 1er mars 2018 devant le tribunal de commerce de Bobigny en dommages et intérêts, la société SCT réclamant reconventionnellement le bénéfice de l’indemnité de résiliation de l’abonnement.

Par jugement du 17 décembre 2019 la juridiction commerciale a :

– débouté la société M4 Sécurité de sa demande de résolution du contrat aux torts exclusifs de la société SCT et débouté de sa demande de remboursement de la totalité des sommes versées au titre du contrat soit 1.040,62 euros TTC,
– prononcé la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société M4 Sécurité en date du 29 mars 2016,
– dit que l’indemnité de résiliation demandée par la société SCT à la société M4 Sécurité est valide et justifiée et condamné la société M4 Sécurité au paiement de la somme de 7.487,74 euros au titre de l’indemnité de résiliation,
– dit que l’indemnité de résiliation demandée par la société SCT ne fait pas l’objet de la prescription annale prévue à l’article L. 34-2 du code des Postes et des communications électroniques,
– débouté la société M4 Sécurité de l’ensemble de ses demandes de dommages et intérêts,
– dit n’y avoir pas lieu à l’article 700 du code de procédure civile,
– partagé les dépens entre les parties,
– ordonné l’exécution provisoire ;

Vu l’appel du jugement interjeté le 23 janvier 2020 par la société M4 Sécurité ;

* * *

Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 15 novembre 2021 pour la société M4 Sécurité afin d’entendre, en application des articles 1134 et 1184 du code civil et L 34-2 du code des Postes et des communications électroniques :

– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société M4 Sécurité de sa demande de résolution du contrat aux torts exclusifs de la société SCT et la déboute de sa demande de remboursement de la totalité des sommes versées au titre du contrat soit 1.040,62 euros TTC, prononcé la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société M4 Sécurité en date du 29 mars 2016, – dit que l’indemnité de résiliation demandée par la société SCT à la société M4 Sécurité est valide et justifiée et condamné la société M4 Sécurité au paiement de la somme de 7.487,74 euros au titre de l’indemnité de résiliation, dit que l’indemnité de résiliation demandée par la société SCT ne fait pas l’objet d’une prescription annale prévue par l’article L. 34-2 alinéa 2 du code des postes et des communications électroniques et déboute la société M4 Sécurité de l’ensemble de ses demandes, débouté la société M4 Sécurité de sa demande au titre des dommages et intérêts, dit qu’il n’y pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile,
– juger la Société M4 Sécurité recevable et bien fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– juger que la Société M4 Sécurité et la Société SCT ont conclu un contrat d’abonnement téléphonique avec portabilité du numéro 01.**.**.**.**,
– juger que la Société SCT a manqué gravement à ses obligations contractuelles,
– juger que la Société SCT a refusé de communiquer le numéro de RIO à la société M4 Sécurité nécessaire à la portabilité du numéro 01.**.**.**.**,
– prononcer la résolution du contrat d’abonnement téléphonique conclu entre la Société M4 Sécurité et la Société SCT aux torts exclusifs de la Société SCT,
– condamner la Société SCT à rembourser à la Société M4 Sécurité la somme de 1.040,62 euros TTC,

à titre subsidiaire,
– juger que la résiliation unilatérale de la Société M4 Sécurité aux torts exclusifs de la Société SCT en date du 29 mars 2016 est parfaitement justifiée,

en tout état de cause :
– constater la prescription de la demande d’indemnité de résiliation d’un montant de 7.487,74 euros TTC de la société SCT et par conséquent la déclarer irrecevable,
– condamner la société SCT à payer la somme de 598.330 euros, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi,
– débouter la société SCT de toutes ses demandes fins et prétentions,
– condamner la société SCT à payer à la Société M4 Sécurité la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société SCT aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction pour ces derniers au profit de Me François Teytaud conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

* * *

Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 5 juin 2020 pour la Société Commerciale de télécommunication afin d’entendre, en application des articles L.32 et L.34-2 du code des Postes et des communications électroniques et 1134,
1184 et 1315 du code civil :

– confirmer dans toutes ses dispositions le jugement,
– condamner la société M4 Sécurité au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

DISCUSSION

Il est rappelé que le contrat convenu entre les parties le 30 octobre 2015 est antérieur à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, de sorte que celles des dispositions du code civil dont elles sont issues et invoquées par la société M4 Sécurité seront écartées de la discussion.

1. Sur les torts dans la rupture du contrat et leur effet

Pour conclure à la confirmation du jugement qui a retenu la résiliation de l’abonnement aux torts de la société MA4 Sécurité et débouté celle-ci de ses demandes de dommages et intérêts fondées sur la résolution ou la résiliation judiciaire du contrat, la société SCT soutient, en premier lieu, que le délai avec lequel elle a déployé l’offre de téléphonie fixe était contraint par des délais techniques incompressibles imposés par ses fournisseurs et qu’à ce titre, elle n’était tenue que d’une obligation de moyen ainsi que cela est stipulé à l’article 8.1 des conditions générales du contrat selon lequel “En tant qu’utilisateur de technologies, ou d’infrastructures développées et fournies par des Tiers, le Fournisseur ne saurait garantir que son service soit totalement ininterrompu, sans incident, et offrant un niveau de sécurité sans failles”.

En second lieu, la société SCT conteste avoir manqué à son obligation de fournir le code RIO soutenant, ainsi qu’elle avait informée la société M4 par courrier du 21 janvier 2016, que “aucun RIO n’était rattaché à la ligne numéris”, la société STC opposant par ailleurs la prescription de la décision 2013-0830 du 25 juin 2013 de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution selon laquelle “L’opérateur receveur est l’interlocuteur unique de l’abonné fixe concernant la demande de conservation du numéro fixe et son suivi jusqu’à la mise en œuvre effective de la demande”

Au demeurant, il est en premier lieu manifeste que le délai d’un mois entre le 17 décembre 2015 et le 18 janvier 2016 avec lequel la société SCT a opéré le portage effectif de la ligne téléphonique fixe excède celui qui peut être accepté pour la migration d’une ligne téléphonique convenu entre les parties, de sorte que la société 4M Sécurité est bien fondée à revendiquer la résolution du contrat après que la société SCT lui ait refusé tout dédommagement et le jugement sera en conséquence infirmé de ce chef ainsi qu’en ce qu’il a condamné la société M4 Sécurité à payer les frais de résiliation du contrat.

En second lieu, les dispositions générales des articles L. 44 et D. 406-18 du code des Postes et télécommunications électroniques régissant la numérotation et l’adressage ne distinguent pas l’abonné selon qu’il est un particulier ou une entreprise, et en application du principe de simple guichet adopté pour le processus de conservation des numéros fixes, l’opérateur donneur est tenu de communiquer le code RIO à l’opérateur receveur qui le lui réclame en exécution du mandat de résiliation que celui-ci a reçu de l’abonné.

Et tandis, d’une part, que les attestations que la société M4 Sécurité met aux débats justifient que le code RIO de l’entreprise a été vainement réclamé par l’opérateur SFR en mars 2016 à la demande de la société M4 Sécurité, et d’autre part, que la société SCT n’établit pas avoir communiqué à l’entreprise ou à l’opérateur receveur le code RIO, la preuve du manquement de la société SCT à son obligation est suffisamment établie pour l’en tenir responsable.

2. Sur les restitutions et les demandes de dommages et intérêts

Il suit de la résolution du contrat telle qu’elle est retenue ci-dessus que la société M4 Sécurité est bien fondée à voir condamnée la société SCT à reverser la somme de 1.040,62 euros acquittée depuis l’origine du contrat.

Pour contester le principe de la réparation des préjudices dont la société M4 Sécurité se prévaut, la société SCT oppose la clause limitative de responsabilité stipulée à l’article 8.2 des conditions générales de vente annexées au contrat et selon laquelle “Dans l’hypothèse où la responsabilité de SCT TELECOM sera établie au titre de l’exécution d’un contrat de service, cette responsabilité sera limitée aux dommages matériels directs à l’exclusion de tout dommage indirect et / ou immatériel et en particulier de toute perte de chiffre d’affaires de bénéfice, de profit, d’exploitation, de renommée, ou de réputation, de clientèle, préjudice commercial, économique, et autres pertes de revenus”.

Cette clause connue et acceptée par la société M4 Sécurité est proportionnée à l’obligation de la société STC de fournir un nouvel abonnement et en l’état des allégations des parties, il ne se déduit pas la preuve d’une faute lourde de la société STC qui ne peut résulter du seul retard dans la fourniture de ligne téléphonique.

En revanche, cette clause n’est pas opposable au manquement de la société STC à son obligation, d’ordre public, après la dénonciation de la résiliation du contrat, de fournir le code RIO à son abonné ou au fournisseur receveur, de sorte que la société M4 Sécurité est bien fondée à se prévaloir des préjudices qui sont résultés de la perte de son numéro de ligne de téléphonie fixe.

Au termes de ses conclusions, la société M4 Sécurité prétend, sur la base de l’attestation de son expert comptable, à l’indemnisation, en premier lieu, des coûts pour l’affichage et la diffusion de son nouveau numéro de téléphonie fixe sur la façade du magasin (10.000 euros), sur ses véhicules (3.500 euros), sur des plaquettes (4.500 euros), sur les pages jaunes 8.300 euros, sur Internet (16.900 euros), au titre de la “maintenance” (8.000 euros), en deuxième lieu de la perte de chiffre d’affaires de 403.200 euros observée entre 2015 et 2016, en troisième lieu, le temps employé pour le suivi du contrat et du litige, par des assistantes (8.100 euros), un dépanneur (7.830 euros), des commerciaux (18.000 euros), le temps de négociation (25.000 euros), des frais d’avocats (10.0000 euros) et en troisième lieu, la réparation d’un préjudice moral pour 85.000 euros.

Néanmoins, la société 4M Sécurité n’offre pas la preuve qu’elle a effectivement exposé les coûts qu’elle revendique autrement que sur des affirmations, la base de devis ou de prétentions forfaitaires, et tandis qu’il ne se déduit pas la preuve du lien de causalité direct entre la baisse annuelle du chiffre d’affaire de l’entreprise et le mois pendant lequel son numéro de téléphonie fixe a été indisponible, il convient de la débouter de ces chefs de demandes.

En revanche, il est certain que l’indisponibilité de la ligne téléphonique a entraîné un préjudice moral dont la cour fixera l’indemnité propre à le réparer à 6.000 euros.

Enfin, les “frais d’avocat” doivent être appréciés sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ci-dessous

3. Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société SCT succombant à l’action, le jugement sera infirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles, et statuant à nouveau y compris en cause d’appel, elle sera condamnée aux dépens et à payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

 

DECISION

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Prononce la résolution du contrat aux torts de la Société Commerciale de télécommunication ;

Condamne la Société Commerciale de télécommunication à payer à la société M4 Sécurité les sommes de :

1.040,62 euros TTC acquittée depuis l’origine du contrat,
6.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;

Condamne la Société Commerciale de télécommunication aux dépens de première instance et d’appel ;

Condamne la Société Commerciale de télécommunication à payer à la société M4 Sécurité société Orange la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

 

La Cour : Denis Ardisson (président de chambre), Marie-Sophie L’Eleu de la Simone, Marion Primevert (conseillères), Marylène Bogaers (greffière)

Avocats : Me Olivier Iteanu,Me François Teytaud, Me Cyril de la Fare

Source : Legalis.net

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