Jurisprudence : Vie privée
Cour d’appel de Grenoble, 1ère ch. civile, arrêt du 19 décembre 2023
Société Générale et autres / M. X.
données fiscales - données personnelles - effacement des données - Etats-Unis - loi informatique et libertés - RGPD - transfert de données
Dans le cadre de la réglementation Foreign Account Compliance Act (FATCA), un accord a été conclu le 14 novembre 2013, (dont la loi n° 2014-1098 du 29 septembre 2014 en a autorisé l’approbation) entre le gouvernement de la République Française et le gouvernement des États-Unis d’Amérique imposant aux établissements bancaires français de déclarer à la Direction Générale des Finances Publiques (DGFIP) tout client considéré comme contribuable américain, à charge, pour Ia Direction Générale des Finances Publiques (DGFIP) de transférer les informations aux autorités fiscales des États-Unis.
M. X. né à Ottawa (Canada), de nationalité française, a ouvert en 2005 un compte dans les livres de la Banque Rhône Alpes.
Suivant lettre du 16 décembre 2014, M. X. était informé par la Banque Rhône Alpes de ce qu’il présentait un indice d’américanité tenant à son lieu de naissance et qu’il était donc susceptible de faire l’objet d’une déclaration FATCA et était invité à « indiquer précisément [sa] situation fiscale au regard de la réglementation FATCA » et pour ce faire à « adresser les documents correspondant à sa situation directement auprès de l’agence gestionnaire de [son] compte, dans les meilleurs délais et au plus tard le 30 juin 2016 » étant précisé qu’à défaut de réponse de sa part, « la banque sera tenue de [le] considérer d’office comme un contribuable américain et procéderait aux déclarations fiscales correspondant à ce statut ».
En l’absence de réponse, la Banque Rhône Alpes a déclaré les 19 octobre et 14 décembre 2017, au titre de l’année 2016, le compte de M. X. à l’administration fiscale, les données mentionnées étant ainsi portées à la connaissance des autorités fiscales américaines dans le cadre de l’accord FACTA.
Au mois de novembre 2017, M. X. a sollicité vainement une rectification de la part de la Banque Rhône Alpes. Il l’a ensuite assignée devant la juridiction des référés aux mêmes fins.
Par ordonnance du 4 juillet 2018, confirmée en appel le 12 mars 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Grenoble a notamment ordonné à la Banque Rhône Alpes :
– l’effacement total de toutes informations personnelles de M. X. du traitement qu’elle opéré en France dans le cadre du FATCA antérieurement à 2017 sous astreinte de 1.000€ par jour de retard a compter du quinzième jour suivant la signification de l’ordonnance,
– de faire toutes diligences à ses frais auprès des autorités fiscales des Etats-Unis afin qu’elles procèdent à l’effacement total de ses déclarations FATCA impliquant à tort M. X. pour les périodes antérieures à 2017 sous astreinte de 1.000€ par jour de retard.
Par acte extrajudiciaire du 3 octobre 2019, M. X. a fait assigner la Banque Rhône Alpes devant le tribunal de grande instance de Grenoble pour voir ordonner sous astreinte, l’effacement total de toute information personnelle dans le cadre du FACTA, obtenir la liquidation de l‘astreinte, outre paiement de dommages-intérêts.
Par jugement contradictoire du 7 février 2022, le tribunal précité devenu tribunal judiciaire, a, rejetant toute autre demande,
– condamné la Banque Rhône Alpes à payer à M. X. la somme de 15.000€ à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral,
– ordonné à la Banque Rhône Alpes de faire toutes diligences à ses frais auprès des autorités fiscales des Etats-Unis afin qu’elles procèdent à l’effacement total de ses déclarations FATCA impliquant à tort M. X. pour les périodes antérieures à 2017 sous astreinte de 1.500€ par jour de retard à compter du soixantième jour suivant la signification du jugement,
– ordonné à la Banque Rhône Alpes de communiquer le jugement à toutes entités juridiques du Groupe Crédit du Nord susceptibles de procéder à une déclaration FATCA, les alertant de ne pas inscrire M. X. au traitement FATCA au titre de son lieu de naissance, dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement et à en justifier à M. X. dans le même délai, sous astreinte de 500€ par jour de retard et par entité juridique non notifiée,
– s’est déclaré incompétent au profit du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Grenoble sur les demandes relatives à la liquidation des astreintes prononcées par la juridiction des référés,
– condamné la Banque Rhône Alpes à payer à M. X. la somme de 5.000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire,
– condamné la Banque Rhône Alpes aux dépens.
La juridiction a retenu en substance que :
– la Banque Rhône Alpes ne peut prétendre qu’elle était dans l’obligation de procéder à la déclaration au FATCA, alors qu’il y avait un doute sur le lieu de naissance de
M. X. et qu’elle ne démontre pas non plus que la valeur du compte de celui-ci était supérieure à 50 000$, montant à partir duquel les comptes bancaires sont soumis à déclaration,
– la Banque Rhône Alpes a manqué à son devoir de vigilance et n’a pas pris les précautions utiles pour éviter que les données de M. X. soient déformées puisque le lieu de naissance a été déformé le situant aux Etats-Unis alors qu’il est au Canada, et elle a utilisé les données personnelles de celui-ci à des fins erronées, puisque elles ont été transmises alors qu’elles n’avaient pas à l’être,
– la banque n’a pas effacé ni même rectifié les données erronées lorsqu’il l’a sollicitée à cette fin,
– la Banque Rhône Alpes a commis des fautes engageant sa responsabilité dès lors qu’ il ne ressort d’aucune pièce qu’elle a procédé à l’effacement des données erronées quant à l’inscription au FACTA dans ses propres fichiers avant le 24 mai 2019, date du constat d’huissier, même si selon un courrier du 27 mars 2018 elle aurait procédé à la mise à jour du lieu de naissance dans son système d’information et confirmait l’absence d’indice d’américanité à la date de cette lettre ; c’est seulement sur injonction du juge à peine d’astreinte, qu’elle a adressé le 27 juillet 2018 à la DGFIP une simple déclaration rectificative FACTA 3, et n’a réalisé aucune démarche directe vis-à-vis des autorités américaines pourtant principale menace à la tranquillité de M. X. du fait de la déclaration erronée,
– le règlement général sur la protection des données (RGPD) ouvre droit à des dommages intérêts en de pareilles circonstances,
– seul le préjudice moral est indemnisable, le préjudice d’inquiétude allégué faisant double emploi avec celui-ci,
– s’il est établi par constat d’huissier que M. X. ne figure plus sur la base de donnée FATCA de la banque, néanmoins cette dernière ne démontre pas avoir fait de démarches envers les autorités fiscales américaines pour qu’elles procèdent à l’effacement total des déclarations FATCA impliquant son client ; celui-ci est légitime à solliciter l’effacement et non la simple rectification et l’ absence de démarche de la banque en ce sens justifie que soit prononcée une astreinte,
Par déclaration déposée le 16 mars 2022 , la Banque Rhône Alpes a relevé appel limité.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 9 octobre 2023 sur le fondement de l’accord intergouvernemental en date du 14 novembre 2013, le bulletin officiel des finances publiques n°BOI-INT-AEA-10-30-20, BOI-INT-AEA-10-40-20150805, BOI-INT-AEA-20-30, BOI-INT-AEA-10-10, la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, la délibération CNIL n°2015-311 en date du 17 septembre 2015, l’article 96 du Règlement Général sur la Protection des Données et l’article 1231-1 du code civil la Société Générale venant aux droits de la Banque Rhône-Alpes en suite de la fusion-absorption de la Banque Rhône Alpes par le Crédit du Nord puis de la fusion-absorption du Crédit du Nord par la Société Générale intervenues avec effet au 1er janvier 2023, ( ci-après désignée « la Banque ») demande que la cour déclarant l’appel recevable et bien fondé et y faisant droit,
– infirme la décision en ce qu’elle :
. l’a condamnée à payer à M. X. la somme de 15.000 €, à titre de dommages et intérêts au titre d’un préjudice moral,
. lui a ordonné de faire toutes diligences à ses frais auprès des autorités fiscales des Etats-Unis afin qu’elles procèdent à l’effacement total de ses déclarations FATCA impliquant à tort M. X. pour les périodes antérieures à 2017, sous astreinte de
1.500 € par jour de retard à compter du soixantième jour suivant la signification du jugement,
. lui a ordonné de communiquer le jugement à toutes entités juridiques du Groupe Crédit du Nord susceptibles de procéder à une déclaration FATCA, les alertant de ne pas inscrire M. X. au traitement FATCA au titre de son lieu de naissance, dans un délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement et en justifier à M. X. dans le même délai, sous astreinte de 500 € par jour de retard et par entité juridique non notifiée,
. l’a condamnée à payer à M. X. la somme de 5.000 €, en application de l’article 700 du code de procédure civile
– déclare mal fondé l’appel formé à titre incident par M. X., et,
statuant de nouveau
– déclare l’action de M. X. mal fondée, et l’en déboute,
– rejette l’appel incident de M. X.,
– condamne M. X. à lui verser la somme de 15.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– confirme la décision pour le surplus.
L’appelante fait valoir en substance que :
– le postulat sur lequel l’ensemble de ce litige est fondé, à savoir que M. X. serait considéré comme un contribuable américain voire un délinquant fiscal, est inexact, dès lors que la transmission litigieuse des données a fait l’objet d’une annulation qui a été prise en compte par l’administration fiscale américaine ; l’argumentation de M. X. est dès lors entièrement basée sur un préjudice fictif, lequel ne saurait être indemnisé,
– en vertu du principe de non cumul des responsabilités contractuelles et délictuelles, tout manquement intervenu au cours de l’exécution d’un contrat se résout sur le terrain de la responsabilité contractuelle.
– la transmission litigieuse des données personnelles de M. X. est intervenue dans le cadre de leur relation contractuelle et la validité de cette transmission doit s’analyser au regard de la règlementation FATCA, de la loi du 6 janvier 1978 et des stipulations contractuelles telles que susvisées,
– cette obligation déclarative s’impose aux banques, elles n’ont pas à recueillir le consentement exprès de leurs clients et le non-respect de cette obligation est sanctionné par les textes,
– un simple contrôle de carte d’identité soumis à l’article R.561-5 du code monétaire et financier ne permet pas de contrôler l’américanité d’un individu car le pays de naissance ne figure pas sur ce document d’identité, et la nationalité française, en tant que telle, n’exclut pas la possibilité que la personne possède également la nationalité américaine, notamment si elle est née aux Etats-Unis,
– elle n’a pas enfreint les dispositions de la loi du 6 janvier 1978 la CNIL, par une délibération extrêmement motivée, ayant constaté la conformité du traitement de données automatisé mis en place par la France au regard des dispositions de cette loi
– elle a respecté les précautions exigées par l’article 34 de la loi du 6 janvier 1978 en ce qu’elle n’a fait que respecter la convention fiscale franco-américaine indiquant que les Etats contractants échangent des informations, étant rappelé que la règlementation FATCA n’est pas soumise au RGPD, conformément à l’article 96 de ce règlement.
– l’accord FATCA ayant été régularisé entre la France et les Etats-Unis en 2013, il s’en déduit qu’il n’est pas affecté par les dispositions du RGPD adopté en 2017, de sorte qu’à la date de la déclaration FATCA 1, la Banque était soumise à la loi du 6 janvier 1978 dans sa version alors applicable, dont l’article 40 prévoyait la possibilité, pour la personne physique dont les données ont été transférées, d’exiger, selon les cas, que soient rectifiées ou effacées les données inexactes qui la concernent,
– elle a exécuté toutes les diligences nécessaires auprès des autorités fiscales américaines, en procédant au dépôt d’une déclaration rectificative dite « FATCA 3 », auprès de l’administration fiscale française, seule habilitée à recevoir un formulaire d’annulation, indépendamment du fait que M. X. a fait l’objet d’un effacement dans ses fichiers et seule l’administration fiscale française peut intervenir sur ses propres fichiers et auprès des autorités américaines,
– en lui répondant tardivement et en ne justifiant de sa nationalité qu’en février 2018,
M. X. a fait preuve d’une négligence fautive qui a eu un rôle déterminant dans la transmission de la déclaration FATCA 1 dont il a fait l’objet ; la condition de causalité entre les faits reprochés par celui-ci et le préjudice dont il se prévaut fait défaut,
– M. X. ne justifie aucunement de l’évaluation monétaire des préjudices dont il allègue, de sorte que ses demandes d’indemnisation sont, de ce seul fait, contraires au principe de réparation intégrale régissant le droit de la responsabilité civile,
– M. X. n’a fait l’objet que d’une seule déclaration FATCA au titre de l’année 2016, son préjudice est donc inférieur à celui qu’il allègue,
– indépendamment du fait que la déclaration FATCA 1 litigieuse a été annulée, elle ne saurait, en tout état de cause et à elle seule, créer ex-nihilo une obligation fiscale envers le fisc américain à la charge de M. X.,
– la DGFIP a confirmé la réception, la transmission puis l’acceptation de cette déclaration d’annulation FATCA 3 par l’administration fiscale américaine, celle-ci ayant adressé « une notification métier d’acceptation, signifiant que le dépôt correctif a bien été pris en compte et accepté par l’administration fiscale américaine».
– le préjudice dont se prévaut M. X. n’est ni actuel, ni certain : c’est une pure conjecture élaborée à partir d’hypothèses qui sont hautement improbables lorsqu’elles ne sont pas purement et simplement réfutées par une analyse objective de sa situation.
Dans ses dernières conclusions déposées le 3 octobre 2023 au visa des articles 1134 ancien, 1240 et 1241 du code civil, l’article 8 de la charte des droits fondamentaux de l’union européenne, l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, les articles 5, 12, 13, 14, 17, 25 et 82 du Règlement UE n°2016/679 relatif à la Protection des Données Personnelles (dit RGPD), la loi n°78-17 du 6 Janvier 1978 M. X. entend voir la cour :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il :
. a retenu la responsabilité de la Banque et l’a condamnée à lui payer des dommages et intérêts au titre de son préjudice moral, a ordonné à la Banque de « faire toutes diligences à ses frais auprès des autorités fiscales des Etats-Unis afin qu’elles procèdent à l’effacement total de ses déclarations FATCA impliquant à tort M. X. » sous astreinte,
. a ordonné à la Banque de communiquer ce jugement à « toutes entités juridiques du Groupe Crédit du Nord susceptible de procéder à une déclaration FATCA » comme l’a fait la Société Antarius non présente instance et membre de ce Groupe, sous astreinte,
. a condamné la Banque à lui payer la somme de 5.000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens de l’instance.
– l’infirmer quant au quantum retenu par les premiers juges au titre de la réparation du préjudice moral, quant aux différentes injonctions ordonnées et au montant des astreintes prononcées et pour le surplus et statuant à nouveau :
à titre principal,
. juger que l’inscription dans le traitement FATCA au moyen des informations et données collectées dans le cadre de l’exécution de la convention de compte courant, sans son consentement, le défaut d’effacement de ses données à caractère personnel ainsi que le traitement de ses données à caractère personnel pour une finalité différente de celle prévue dans la convention d’ouverture de compte de 2005 sont constitutifs d’une faute contractuelle au sens de l’article 1134 du code civil ancien et applicable à la convention,
à titre subsidiaire,
. juger que le défaut d’effacement de ses données à caractère personnel ainsi que le traitement erroné de ses données à caractère personnel sont constitutifs de fautes délictuelles au sens des articles 1240 et 1241 du code civil,
en tout état de cause et dans tous les cas,
. condamner la Banque au paiement de la somme de 15.000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice d’anxiété qu’il subi, outre celle de 30.000€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
. condamner la Banque au paiement de la somme de 30.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
. condamner la Banque aux entiers dépens.
L’intimé répond que :
– avant toute déclaration et inscription au traitement FATCA, la Banque devait s’assurer de l’exactitude de ses données qu’elle déclare à la DGFIP et au fisc américain, en particulier sur son lieu de naissance, l’un des critères d’ « américanité » défini par l’Accord FATCA est « l’indication non équivoque d’un lieu de naissance situé aux Etats-Unis » (Annexe 1, II.B. de l’Accord FATCA), cette mention « non équivoque » signifiant clairement qu’il revenait à la Banque de s’en assurer ,
– alors qu’il avait conclu une convention d’ouverture de compte en 2005 sur celle-ci laquelle figurait le département et la ville de sa naissance, sa nationalité et son adresse fiscale de résidence, qu’il n’avait pas fait retour du courrier de 2014, la Banque l’a, par défaut, inscrit au traitement FATCA ; elle a agit avec la plus grande légèreté, sans vérification sérieuse, et alors qu’elle disposait d’informations contraires évidentes, que son compte était en dessous du montant imposant l’obligation de déclarer le compte au traitement FATCA,
– pour transmettre ces données personnelles à la DGFIP et surtout à l’administration fiscale américaine, la Banque devait obtenir son consentement ce qu’elle n’a pas fait commettant ainsi une faute,
– elle a commis une autre faute, en se limitant à rectifier son inscription FATCA 1 en FATCA 3 mais en s’abstenant de réaliser l’effacement de ses données personnelles dans ce fichier violant ainsi l’article 17 du RGPD
– la convention d’ouverture de compte qu’il a souscrit énonce clairement : « Les informations recueillies ne seront utilisées que pour les seules nécessités de gestion » ; la Banque a donc commis une faute en utilisant ses données personnelles recueillies dans le cadre de la convention d’ouverture de compte, pour des finalités non prévues au contrat, en les transmettant aux autorités fiscales françaises puis américaines,
– en inscrivant ses données personnelles, la Banque a endossé le statut de responsable du traitement, et à ce titre, elle se devait de s’assurer avant de l’inscrire au traitement FATCA, que ses droits pourraient être respectés, et notamment le droit à l’effacement ; or, elle a procédé à son inscription dans le traitement FATCA, sans vérifier que le droit à l’effacement était possible et ne justifie à ce jour, d’aucune démarche auprès des autorités françaises ou américaines, pour rendre possible, si tant est que l’effacement soit impossible, la mesure d’effacement ; elle a donc violé l’article 25 du RGPD,
– la Banque a également commis une faute en transmettant, sans l’en informer préalablement, ses données personnelles à un tiers, la société Antarius qui l’a inscrit au traitement FATCA,
– la Banque a également engagé sa responsabilité délictuelle sur le fondement de l’article 1240 du code civil en manquant à son obligation de transparence imposée par l’article 12 du RGPD ,à son obligation d’information préalable conformément aux articles 13 et 14 du RGPD et en s’abstenant d’obtenir son consentement pour ce traitement (article 5 du RGPD),
– son inscription au traitement FATCA, les refus répétés de la Banque de procéder à l’effacement total de ses données, la crainte de voir celles-ci réutilisées dans le futur, comme c’est le cas avec la société Antarius, lui causent un préjudice moral mais aussi un préjudice d’anxiété dont il est fondé à en demander réparation.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 26 septembre 2023.
DISCUSSION
Le jugement querellé produit son plein effet à l’égard de ses dispositions non critiquées par l’appelant et par l’intimée dans son appel incident.
Quand bien même la Banque a relevé appel du jugement en ce qu’il a ordonné l’exécution provisoire, il ne peut être statué sur ce point, ce chef de prétention en relevant pas de la compétence de la cour en l’état des dispositions de l’article 514-3 du code de procédure civile, outre que l’appelante n’a formulé aucune prétention sur ce point dans le dispositif de ses conclusions.
Sur la responsabilité de la Banque
Quand bien même elle était tenue au respect de l’accord FATCA, la Banque a indiscutablement agi avec légèreté en utilisant, à l’insu de M. X., les données personnelles de celui-ci recueillies dans la convention d’ouverture de compte régularisée en 2005 (laquelle énonçait que « les information recueillies ne seront utilisées que pour les seules nécessité de gestion ») en vue de les transférer à la DGFIP pour transmission à l’administration fiscale américaine dans le cadre du traitement FATCA,
– sans s’assurer du lieu de naissance exact de son client, alors même que celui-ci ne figurait pas sur sa carte nationale d’identité et son passeport, seule la ville d’Ottawa y étant mentionné, de sorte que le critère d’américanité défini par l’accord FATCA à savoir
« l’indication non équivoque d’un lieu de naissance situé aux Etats-Unis » n’était pas rempli, et qu’elle ne pouvait pas ignorer , comme retenu par le premier juge , les difficultés techniques qu’un particulier peut rencontrer pour exercer son droit à l’effacement de ses données personnelles communiquées à un Etat hors Union européenne, ce qui devait l’inciter à redoubler de vigilance,
– puis en transférant ces mêmes données à un tiers, la banque Antarius, qui les utilisera pour effectuer à son tour une déclaration FATCA.
Ces manquements engagent la responsabilité contractuelle de la Banque envers son client, M. X., quand bien même qu’à l’époque de la déclaration FATCA 1, l’accord FATCA n’était pas soumis au Règlement Général de Protection des Données (RGPD) [à savoir le Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, ayant abrogé la directive 95/46/C non pas en vertu de son article 17 comme soutenu par la Banque mais du fait que cet accord n’est entré en vigueur que le 25 mai 2018, soit après les déclarations FATCA litigieuses effectuées par celle-ci ] étant relevé qu’en tout état de cause l’article 12 b de la directive 95/46/CE prévoyait déjà le droit pour la personne concernée d’obtenir du responsable du traitement des données à caractère personnel la rectification, l’effacement ou le verrouillage des données dont le traitement n’était pas conforme à cette directive, notamment en raison du caractère incomplet ou inexact des données.
La Banque justifie avoir effectué à son niveau les obligations qui lui incombaient en cas d’erreur de déclaration, à savoir en déposant une déclaration FATCA 3 et en effaçant dans son fichier personnel au nom de M. X. la déclaration FATCA ainsi qu’en atteste la mention « statut FATCA : PP non us conforme » (procès-verbal de constat d’huissier du 27 juillet 2018) ; l’effectivité de cette démarche a été confirmée à M. X. par courrier de la DGFIP du 5 septembre 2019, rapportant l’existence au titre de l’année 2016 d’une déclaration FATCA 1 et d’une déclaration FACTA 3.
Pour autant, le droit à l’effacement auprès des autorités fiscales américaines revendiqué par M. X. des déclarations erronées comme étant fondées sur un critère inexistant d’américanité, à savoir sa nationalité américaine alors qu’il est né à Ottawa au Canada, ne peut être opposé à la Banque, celle-ci n’en étant pas débitrice.
En effet, l’accord FACTA prévoit seulement à la charge de l’institution financière ayant procédé à une déclaration FATCA 1 erronée auprès de la DGFIP de procéder au dépôt d’une déclaration rectificative « FATCA 3 » ; l’effacement des données transmises à l’administration fiscale française et aux services fiscaux américains ne relève pas des pouvoirs conférés par cet accord à la Banque qui de plus fort n’a pas accès aux fichiers de ces administrations, l’article 5 du dit accord précisant qu’en cas d’erreur constatée par les États-Unis, ceux-ci en réfèrent à l’administration fiscale française, qui se charge de contacter l’institution financière et, le cas échéant, d’appliquer les amendes prévues par sa législation, signifiant ainsi que les autorités fiscales de chacun des Etats sont seules compétentes pour échanger entre elles.
En conséquence, le jugement déféré doit être infirmé et M. X. débouté de ce chef de prétention, en ce qu’il a ordonné à la Banque de faire toute diligence, sous astreinte, auprès des autorités fiscales des Etats-Unis pour qu’elles procèdent à l’effacement des déclarations FATCA impliquant à tort M. X. pour les périodes antérieures à 2017 (de fait uniquement l’année 2016), cette démarche relevant des pouvoirs de l’administration fiscale française.
Néanmoins le jugement déféré est confirmé en ce qu’il a ordonné, sous astreinte, à la Banque de communiquer le jugement à toutes entités juridiques du Groupe Crédit du Nord susceptibles de procéder à une déclaration FATCA, les alertant de ne pas inscrire M. X. au traitement FATCA au titre de son lieu de naissance, ce point entrant dans la sphère d’intervention de la Banque.
Les moyens longuement soutenus par les parties se rapportant à la faute contractuelle reprochée à la Banque (traitement erroné des données à caractère personnel pour une finalité différente de celle prévue dans la convention d’ouverture de compte en 2005 et défaut d’effacement de celles-ci), à la faute délictuelle reprochée à la Banque sur les mêmes motifs et aux demandes de M. X. aux fins d’ indemnisation de ses préjudices d’anxiété et moral ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a répondu, par d’exacts et pertinents motifs adoptés par la cour uniquement pour ceux non contraires au présent arrêt, sans qu’il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d’une discussion se situant au niveau d’une simple argumentation.
Sur le préjudice de M. X.
Il est avéré que la Banque n’a pas déféré immédiatement aux demandes de M. X. formulée par courriers des 2 décembre 2017 et 12 février 2018 d’avoir à effacer de ses fichiers les données FATCA erronées et à rectifier ses déclarations FATCA 1, ces diligences n’ayant été réalisées que le 24 mai 2019 pour la première et le 27 juillet 2018 pour la seconde.
Il est tout aussi avéré que M. X. a participé à la réalisation de son préjudice en négligeant de répondre au courrier de la Banque du 16 décembre 2014,dont il n’a jamais contesté en avoir été destinataire, qui l’invitait à « indiquer précisément [sa] situation fiscale au regard de la réglementation FATCA » et pour ce faire à « adresser les documents correspondant à sa situation directement auprès de l’agence gestionnaire de [son] compte, dans les meilleurs délais et au plus tard le 30 juin 2016 » étant précisé qu’à défaut de réponse de sa part, « la banque sera tenue de [le] considérer d’office comme un contribuable américain et procéderait aux déclarations fiscales correspondant à ce statut ».
Cette négligence conjuguée aux manquements contractuels de la Banque a conduit à la diffusion de la déclaration FATCA 1 à l’adresse des autorités fiscales des Etats-Unis via l’administration fiscale française.
En conséquence, le jugement déféré est confirmé, en ce qu’il a, par de pertinents motifs adoptés par la cour, reconnu un préjudice moral à M. X. à la suite de la déclaration erronée au fichier FATCA effectuée par la Banque et des retards accusés par celle-ci à rectifier ses fichiers et cette déclaration, quand bien même la déclaration FATCA 3 a annulé et remplacé la déclaration FATCA 1 erronée, le préjudice moral ayant été réel et certain entre l’émission de cette déclaration erronée et celle de la déclaration rectificative, mais infirmé sur le quantum des dommages alloués à ce titre, celui-ci devant être limité à 6.000€.
M. X. n’est pas davantage fondé en appel qu’en première instance à solliciter l’indemnisation d’un préjudice d’anxiété, le premier juge ayant justement rappelé les spécificités de ce préjudice dont les conditions ne sont pas remplies à l’égard de l’intéressé.
Sur les mesures accessoires
Les parties succombant partiellement dans leurs prétentions d’appel, elles doivent conserver la charge des dépens et frais irrépétibles qu’elles ont exposés devant la cour.
Les mesures accessoires du jugement querellé sont toutefois confirmées.
DECISION
La cour, statuant publiquement, dans les limites de l’appel, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré sauf en ses dispositions ordonnant à la Banque Rhône Alpes de faire toutes diligences à ses frais auprès des autorités fiscales des Etats-Unis afin qu’elles procèdent à l’effacement total de ses déclarations FATCA impliquant à tort M. X. pour les périodes antérieures à 2017 sous astreinte de 1.500€ par jour de retard à compter du soixantième jour suivant la signification du jugement et fixant le montant des dommages et intérêts à 15.000€,
Statuant à nouveau sur ces points et ajoutant,
Déboute M. X. de sa demande tendant à voir ordonner sous astreinte à la Banque Rhône-Alpes, aux droits de laquelle se trouve désormais la Société Générale à faire toutes diligences à ses frais auprès des autorités fiscales des Etats-Unis afin qu’elles procèdent à l’effacement total de ses déclarations FATCA l’impliquant à tort pour les périodes antérieures à 2017,
Condamne la Société Générale venant aux droits de la Banque Rhône Alpes à payer à M. X. la somme de 6.000€ à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
Dit que chacune des parties conserve la charge de ses frais irrépétibles et dépens exposés à hauteur d’appel.
La Cour : Catherine Clerc (présidente), Joëlle Blatry, Véronique Lamoine (conseillères), Frédéric Sticker (greffier)
Avocats : Me Jean- Luc Medina, Me de la Buisse, Me Fabrice Barichard, Me Olivier Iteanu
Source : Legalis.net
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