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Jurisprudence : Jurisprudences

vendredi 06 juillet 2018
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TGI de Grenoble, ordonnance de référé du 4 juillet 2018

M. X. / Banque Rhône-Alpes

données fiscales - données personnelles - effacement des données - Etats-Unis - loi informatique et libertés - RGPD - transfert de données

Monsieur X. est né à Ottawa, Canada. Il vit en France depuis 1980 et est de nationalité française. En 2005, il a ouvert un compte dans les livres la Banque Rhône Alpes. En 2014, la Réglementation FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act), qui impose aux établissements bancaires français, comme à ceux du monde entier, de déclarer aux autorités fiscales des Etats-Unis tout client considéré comme contribuable américain selon des critères et modalités définis dans cette réglementation. Il y figure, notamment, comme critère l’indication non équivoque d’un lieu de naissance situé aux Etats-Unis.

La Banque Rhône Alpes, le 16 décembre 2014, a adressé à Monsieur X. un courrier dans lequel, elle l’a informé qu’il présente un des critères d’américanéïté, en l’occurrence son lieu de naissance, et lui a demandé de confirmer ou pas cet élément. Elle l’a, également, informé qu’à défaut d’information contraire avant le 30 juin 2016, elle déclarerait l’existence du compte de Monsieur X. aux autorités fiscales des Etats-Unis.
Monsieur X. prétend qu’il a répondu téléphoniquement à ce courrier, a confirmé qu’il est né à Ottawa (Canada) et qu’il lui a été assuré qu’il serait tenu compte de cette information.
La Banque Rhône Alpes a, cependant, déclaré le compte aux autorités fiscales des Etats-Unis.

Apprenant cette situation, en novembre 2017, Monsieur X. a demandé que la rectification soit effectuée. La Banque Rhône Alpes s’y est cependant opposée dès lors qu’existe des villes du nom d’Ottawa aux Etats-Unis et que Monsieur X. ne justifie pas qu’il n’est pas né dans une de ces villes.
La régularisation est intervenue en février 2018, après que Monsieur X. ait communiqué à la Banque Rhône Alpes un extrait de naissance, mais simplement sous la forme d’une absence de déclaration pour 2017.
Monsieur X. a a lors demandé à la banque de rectifier pour les années antérieures, sans succès.

Par exploit d’Huissier délivré le 15 mars 2018, Monsieur X. a fait assigner la Banque Rhône Alpes devant le Juge des Référés du Tribunal de Grande Instance de Grenoble. Au terme de ses dernières écritures, il demande au Juge des Référés, en application des articles 39 et 40 de la Loi 78-17 du 06 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, 16 et 17 du règlement UE n° 2016/679 relatif à la protection des données personnels, 809 du Code de Procédure Civile, 1649 AC du CGI et L561-6 du Code monétaire et financier, de la délibération CNIL n°2015-311 autorisant le traitement FATCA, la déclaration normale n° 142886 effectuée par la Banque Rhône Alpes auprès de la CNIL, de :
– ordonner à la Banque Rhône Alpes l’effacement total de toutes informations personnelles de Monsieur X. du traitement de la Banque Rhône Alpes opère en France dans le cadre de FATCA sous astreinte de 5.000,00 € par jour de retard à compter du quatrième jour suivant le signification de de l’ordonnance à intervenir,
– ordonner à la Banque Rhône Alpes qu’elle justifie de cet effacement à Monsieur X. en lui notifiant le procès-verbal dressé par Huissier constatant l’effacement sous astreinte de 5.000,00 € par jour de retard à compter du quatrième jour suivant le signification de l’ordonnance à intervenir,
– ordonner à la Banque Rhône Alpes de faire toutes diligences à ses frais auprès des autorités fiscales des Etats-Unis afin qu’elles procèdent à l’effacement total de ses déclarations FATCA impliquant à tort Monsieur X. pour les périodes antérieures à 2017 sous astreinte de 5.000,00 € par jour de retard à compter du quatrième jour suivant la signification de l’ordonnance à intervenir,
– ordonner à la Banque Rhône Alpes qu’elle justifie auprès de Monsieur X. des diligences effectuées dans un délai de »72 heures ouvres », à compter de la réalisation de celles-ci,
– condamner la Banque Rhône Alpes au versement à Monsieur X. de la somme provisionnelle de 10.000,00 € à titre de provision en réparation du préjudice subi du fait de ses nombreux manquements à ses obligations de vérification, diligence, et au titre de la loi informatique et libertés,
– condamner la Banque Rhône Alpes au paiement de 5.000,00 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens.

La Banque Rhône Alpes s’est opposée aux demandes de Monsieur X. et a demandé qu’il soit condamné à lui payer 3.000,00 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Elle a expliqué que Monsieur X. a manqué de diligence en ne répondant pas à son courrier de 2014 et a été tout aussi négligent en 2017 en ne justifiant que tardivement de son pays de naissance. Elle a ajouté qu’elle n’a fait que respecter la réglementation et que dès qu’elle a été convenablement informée, elle a fait toute diligence pour faire cesser la déclaration 2017. Elle a, encore, ajouté qu’il n’y a aucun dommage imminent caractérisé et que pour qu’il puisse être, éventuellement, inquiété en cas de voyage aux Etats-Unis, encore faut-il qu’il soit susceptible d’être imposable, ce qu’il ne démontre pas.

DISCUSSION

L’article 809 du Code de Procédure Civile dispose que le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser une trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

En l’espèce, il est constant que Monsieur X. est né à Ottawa, capitale du Canada. Il n’est pas sérieusement contestable que la probabilité qu’il soit né dans une des bourgades portant le même nom aux Etats-Unis est extrêmement réduite au regard de la taille de celles-ci et de leur totale ignorance par les habitants de la planète hors ceux y vivant ou vivant dans leur région. Dans ces conditions, il n’est pas sérieusement contestable que la Banque Rhône Alpes a déclaré abusivement le compte de Monsieur X. à la réglementation FATCA dès lors qu’il existe plus qu’une sérieuse équivoque sur une potentielle naissance de celui-ci aux Etats-Unis (annexe 1,II.B de l’accord FATCA). Cet abus est d’autant plus caractérisé que, quand bien même Monsieur X. n’a pas répondu par écrit au courrier de la banque de 2014, il n’est pas à exclure au regard du caractère inattendu de celui-ci, que la réponse téléphonique d’un agent de la banque à laquelle il fait référence ait été celle qu’il indique. Il convient, encore de relever, que dans ce courrier, il était laissé jusqu’au 30 juin 2016 pour Monsieur X. pour régulariser sa situation, alors que la déclaration a été faite par la Banque Rhône Alpes dès 2014.

Au vu de cette déclaration manifestement abusive, de ses conséquences quant à la situation fiscale de Monsieur X. aux Etats-Unis et des tracasseries administratives que cela peut induire pour lui en cas de voyage dans ce pays, le Juge des Référés ne peut devant ce trouble manifestement illicite et les dommages qui pourraient en résulter, la Banque Rhône Alpes ne démontrant pas que la situation du compte de Monsieur X. est telle qu’il ne pourrait de toute façon être imposé, qu’ordonner à la Banque Rhône Alpes l’effacement total de toutes informations personnelles de Monsieur X. du traitement qu’elle opère en France dans le cadre de FATCA dès sa première déclaration, le fait qu’elle ait déjà procédé à l’absence de déclaration pour 2017, n’apportant pas l’assurance que les autorités fiscales des Etats-Unis ne recherchent pas Monsieur X. pour les années antérieures.
Par ailleurs, au vu des réticences affichées par cette banque à répondre favorablement aux demandes de Monsieur X., il apparaît justifié de prononcer une astreinte afin de bien assurer l’exécution de la présente décision, à raison de 1.000,00 € par jour de retard à compter du quinzième jour suivant sa signification.
Il convient encore d’ordonner à la Banque Rhône Alpes de justifier de cet effacement à Monsieur X. en lui notifiant le procès-verbal dressé par Huissier le constatant sous astreinte de 1.000,00 € par jour de retard à compter du quinzième jour suivant le signification de l’ordonnance.
Il convient également d’ordonner à la Banque Rhône Alpes de faire toutes diligences à ses frais auprès des autorités fiscales des Etats-Unis afin qu’elles procèdent à l’effacement total de ses déclarations FATCA impliquant à tort Monsieur X. pour les périodes antérieures à 2017 sous astreinte de 1.000,00 € par jour de retard à compter du trentième jour suivant la signification de l’ordonnance à intervenir. Il appartiendra à la Banque Rhône Alpes d’en justifier à Monsieur X. avant le 8ème jour suivant ces démarches.

Sur la demande provisionnelle, le Juge des Référés ne peut, en l’état, que constater que Monsieur X. ne justifie pas que la réticence de la Banque Rhône Alpes lui a causé à ce jour d’autre préjudice que l’obligation dans laquelle il s’est trouvé d’engager une action à l’encontre de cette banque, qui sera réparé dans le cadre des frais irrépétibles.
Il convient en conséquence, de constater qu’il existe une contestation sérieuse sur la réalité du préjudice résultant des manquements de la Banque Rhône Alpes. Il convient, en conséquence de débouter Monsieur X. de cette demande.

Enfin, les demandes de Monsieur X. étant pour l’essentiel déclarées fondées, il apparaît justifié de condamner la Banque Rhône Alpes aux dépens et à lui payer la somme de 2.500,00 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.


DÉCISION

Nous Juge des Référés,

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe en application des articles 450 à 453 du Code de Procédure Civile, les parties préalablement avisées, par ordonnance contradictoire, et en premier ressort ;

Ordonnons à la Banque Rhône Alpes l’effacement total de toutes informations personnelles de Monsieur X. du traitement qu’elle opère en France dans le cadre de FATCA antérieurement à 2017 sous astreinte de 1.000,00 € par jour de retard à compter du quinzième jour suivant le signification de la présente ;

Ordonnons à la Banque Rhône Alpes qu’elle justifie de cet effacement à Monsieur X. en lui notifiant le procès-verbal dressé par Huissier constatant l’effacement sous astreinte de 1.000,00 € par jour de retard à compter du quinzième jour suivant le signification de la présente ordonnance ;

Ordonnons à la Banque Rhône Alpes de faire toutes diligences à ses frais auprès des autorités fiscales des Etats-Unis afin qu’elles procèdent à l’effacement total de ses déclarations FATCA impliquant à tort Monsieur X. pour les périodes antérieures à 2017 sous astreinte de 1.000,00 € par jour de retard à compter du trentième jour suivant la signification de la présente ordonnance ;

Disons qu’il appartiendra à la Banque Rhône Alpes de justifier de ces démarches à Monsieur X. avant le 8ème jour suivant le jour desdites démarches auprès des autorités fiscales des Etats-Unis ;

Déboutons, en l’état, Monsieur X. de sa demande de provision sur dommages et intérêts ;

Condamnons la Banque Rhône Alpes à payer à Monsieur X. la somme de 2.500,00 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

Déboutons la Banque Rhône Alpes de sa demande formée en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

Condamnons la Banque Rhône Alpes aux dépens.


Le Tribunal :
Jean-Yves Durand (1er vice-président), Pascale Mazoyer (greffier)

Avocats : Me  Olivier  Iteanu, Me Gérard Legrand

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