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Jurisprudence : Jurisprudences

mercredi 02 décembre 2020
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Tribunal judiciaire de Paris, 5ème ch. – 1ère sec., jugement du 17 novembre 2020

CM CIC Leasing solutions / Association Nationale Crématiste

caducité des contrats - contrat-leasing - crédit bail - Photocopieur - remboursement - résiliation

L’Association Nationale Crématiste a conclu le 20 janvier 2014 avec la société GE Capital Equipement Finance (depuis renommée CM-CIC Leasing Solutions) un contrat de location financière d’un photocopieur couleur de marque Sharp MX2640 portant le numéro de série MX2640 IF pour une durée irrévocable de 63 mois, moyennant le versement d’un « loyer intercalaire » de 2 330,11 euros TTC et de 21 loyers trimestriels de 2 953,65 euros.

Choisi par le locataire selon un bon de commande du 10 décembre 2013 à la suite d’une opération de démarchage, puis vendu par la société S.I Bureautique France à la société GE Capital Equipement Finance, le nouveau photocopieur a été livré et mis en service le 20 janvier 2014. Sa maintenance était prise en charge par le fournisseur.

Ce nouvel équipement venait en remplacement d’un matériel de marque Canon IR C2020I qui emportait la société S.I Bureautique France, jusqu’alors loué auprès de la société Grenke – dont le contrat apparaît avoir été repris par la société BNP Paribas Leasing Solutions – et entretenu par la société 2J Partners.

Continuant de recevoir des factures de la société 2J Partners et s’étonnant, lorsqu’elle évoquait avec cette dernière la résolution du contrat les liant, qu’il lui soit répondu que le photocopieur ne lui avait pas été restitué alors qu’elle pensait, en l’état des mentions du bon de commande du 10 janvier 2013, que les anciens contrats avaient été soldés à l’égard tant de la société Grenke que de la société 2J Partners, l’Association Nationale Crématiste a successivement dénoncé les anomalies qui lui paraissent avoir accompagné le changement de partenaires contractuels, d’abord à la direction départementale de la protection des populations (en charge de la répression des fraudes) le 26 novembre 2015, laquelle en a accusé réception le 19 février 2016 en précisant qu’une enquête administrative serait effectuée, puis au procureur de la République de Paris le 14 juin 2016.

Invoquant la persistance d’impayés après mise en demeure du 20 avril 2015 visant la clause résolutoire, la société GE Capital Equipement Finance a prononcé, le 9 novembre 2015, la résiliation du contrat de location financière pour non-paiement des loyers.

Par assignation en référé du 23 novembre 2015, la société GE Capital Equipement Finance a saisi le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins, principalement, de faire constater la résiliation du contrat, ordonner la restitution du photocopieur Sharp sous astreinte et prononcer la condamnation du débiteur défaillant au paiement des impayés et pénalités prévus au contrat.

Le juge des référés a rejeté ces demandes, par ordonnance du 15 avril 2016, aux motifs de l’existence d’une contestation sérieuse tenant à l’interdépendance des contrats entre eux et à l’incidence sur le contrat de location financière de la nullité pour dol du contrat de prestation de services évoquée par l’Association Nationale Crématiste.

C’est dans ces circonstances que, par acte d’huissier du 26 juillet 2016, la société CM-CIC Leasing Solutions a fait assigner l’Association Nationale Crématiste devant le tribunal de grande instance de Paris statuant au fond en demandant de constater la résiliation du contrat de location aux torts et griefs de sa locataire défaillante et de condamner celle-ci à lui payer la somme de 55 233,26 euros au titre de la résiliation du contrat et à lui restituer sous astreinte le matériel objet de la convention résiliée.

Par acte d’huissier du 21 octobre 2016, l’Association Nationale Crématiste a fait assigner en intervention forcée la société S.I Bureautique France pour obtenir que celle-ci la garantisse de toute condamnation éventuelle en paiement des factures en litige.

Les deux instances ont été jointes le 23 janvier 2017.

Par ordonnance du 11 juillet 2017, le juge de la mise en état a :
– ordonné qu’il soit sursis à statuer dans la présente instance civile jusqu’à la décision à intervenir du procureur de la République de Paris sur la suite réservée à la plainte dont il a été saisi le 14 juin 2016 par l’Association Nationale Crématiste ;
– rejeté la demande présentée par l’Association Nationale Crématiste tendant à la restitution aux frais de la société CM-CIC Leasing Solutions et de la société S.I Bureautique France du photocopieur de marque Sharp MX2640 portant le numéro de série MX2640 IF qui se trouverait actuellement dans ses anciens locaux situés 17, rue Feutrier 75018 Paris ;
– ordonné à titre provisoire à la société S.I Bureautique France de restituer à la société BNP Paribas Lease Group (ou à toute autre entité que celle-ci lui désignerait), au lieu qu’elle lui indiquera, contre délivrance d’un récépissé de remise signé du repreneur qui sera ensuite contradictoirement produits aux débats, le photocopieur Canon IR C20201 enlevé par la société S.I Bureautique France dans les locaux de la concluante le 20 janvier 2014, aux frais avancés de la société S.I Bureautique France et sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai d’un mois suivant la signification de la présente ordonnance ;
– prononcé l’exécution provisoire de cette ordonnance ;
– renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 11 octobre 2017 pour contrôle de la survenance de l’événement qui détermine l’actuelle décision de sursis à statuer, à charge pour l’Association Nationale Crématiste d’y contribuer par la production de toute attestation utile et probante émanant des services du procureur de la République de Paris ;
– réservé les dépens.

Cette ordonnance a été signifiée le 8 août 2017.

Le procureur de la République de Paris a classé « sans suite au motif sanctions de nature non pénale », la plainte déposée par l’Association Nationale Crématiste qui en a été informée le 3 octobre 2018 par le SAUJ et qui l’a répercuté au tribunal et aux autres parties le 4 décembre 2018.

Par ordonnance du 11 juin 2019, le juge de la mise en état a :
– rejeté la demande de l’Association Nationale Crématiste aux fins de liquidation de l’astreinte décidée par le juge de la mise en état le 11 juillet 2017 et de prononcé d’une nouvelle astreinte aux motifs qu’elle n’en est pas le bénéficiaire ;
– rappelé que l’affaire a été rétablie suite à la survenance de l’événement ayant déterminé le sursis à statuer ordonné par décision du juge de la mise en état le 11 juillet 2017 ;
– renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 11 septembre 2019 pour conclusions au fond des parties ;
– débouté les parties de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– réservé les dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 20 juin 2019, la société CM-CIC Leasing solutions sollicite du tribunal, au visa des articles 1134 et 1382 du code civil, de :
– constater qu’elle a parfaitement respecté les termes du contrat de location conclu avec l’Association Nationale Crématiste ;
– débouter l’Association Nationale Crématiste de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre de son bailleur ;
– constater que l’Association Nationale Crématiste ne lui règle plus aucun loyer depuis le mois d’avril 2015 ;
En conséquence,
– voir constater la résiliation du contrat de location aux torts et griefs de l’Association Nationale Crématiste ;
– condamner l’Association Nationale Crématiste à restituer le matériel objet de la convention résiliée et ce dans la huitaine de la signification de la décision à intervenir et ce sous astreinte de 20 euros par jour de retard :
– condamner à lui payer les sommes suivantes :
* loyers impayés 5.907.130 euros
* pénalités contractuelles (art.4.4) 590,73 euros
* loyers à échoir 44.304,75 euros
* clause pénale 4.430,48 euros
Soit un total de 55.233,26 euros
avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure soit le 20 avril 2015
A titre subsidiaire, si par extraordinaire le tribunal de céans prononçait la nullité du contrat de location souscrit par l’Association Nationale Crématiste du fait de manquements avérés du fournisseur,
– prononcer la résolution du contrat de vente intervenu entre la société S.I. Bureautique France et la société GE CAPITAL sur mandat de la locataire, l’Association Nationale Crématiste ;
– condamner la S.I Bureautique France à lui restituer le prix de vente du matériel soit la somme de 48.173,40 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 janvier 2014 ;
– condamner la société S.I Bureautique France à payer la somme de 13 853,25 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier subi du fait de l’anéantissement du contrat de location ;
En tout état de cause,
– condamner tout succombant à lui payer solidairement une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;
– condamner la partie succombante aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, la société CM-CIC Leasing Solutions expose qu’il ressort des termes parfaitement clairs des conditions générales du contrat la liant à l’Association Nationale Crématiste que son rôle s’est limité au financement du matériel choisi et qu’elle bénéficie d’une clause exonératoire de responsabilité, de sorte que le prétendu dol du fournisseur invoqué par l’Association Nationale Crématiste lui est inopposable.

Elle exclut l’existence d’une interdépendance entre ce contrat et le contrat de fourniture de matériel conclu entre l’Association Nationale Crématiste et la société S.I Bureautique France :
– en application de l’effet relatif des contrats ;
– dans la mesure où la mise à disposition et le fonctionnement du matériel sont étrangers à sa maintenance, le contrat litigieux prévoyant expressément «sans maintenance intégrée», et l’entretien pouvant être effectué par n’importe quel prestataire ;
– l’opération réalisée par l’Association Nationale Crématiste ne répond pas aux conditions cumulatives posées par le législateur dans l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 (article 1186 nouveau du code civil).

La société CM-CIC Leasing Solutions insiste, en tout état de cause, sur le fait quel interdépendance contractuelle ne saurait avoir pour effet de faire peser sur le bailleur les obligations du fournisseur et souligne avoir parfaitement rempli ses obligations contractuelles de financier.

Elle fait valoir que les manoeuvres dolosives du fournisseur ne sont pas démontrées par l’Association Nationale Crématiste et que les pratiques commerciales trompeuses que cette dernière invoque, consistent en une infraction pénale qui ne saurait servir de base à une demande d’annulation devant le tribunal de céans.

Après avoir rappelé que l’erreur sur la valeur ne constitue pas un vice du consentement, elle exclut toute erreur sur le coût total de la location dès lors que, pour le connaître et avoir une parfaite connaissance de la portée de son engagement, il suffisait à son cocontractant de multiplier le montant des loyers trimestriels par le nombre d’échéances.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 11 septembre 2019, l’Association Nationale Crématiste demande au tribunal, au visa des articles 1109, 1116, 1134, 1156 du code Civil, 333 et 378 du code de procédure civile, L.121-1, 121-1-1, L122-11, L.122-11-1 et 122-15 du code de la consommation, de :
– se déclarer compétent pour trancher la présente affaire ;
– dire et juger que la société S.I Bureautique France a employé des manœuvres dolosives à son encontre ;
– dire et juger que la société S.I Bureautique France a employé des manœuvres trompeuses et des pratiques agressives à son encontre ;
– dire et juger qu’elle a été victime de manœuvres dolosives qui l’ont conduit à conclure les contrats du 10 décembre 2013 et du 20 janvier 2014 ;
– dire et juger que la Société CM-CIC Leasing Solutions était parfaitement au courant des manœuvres de la société S.I Bureautique France et que l’indivisibilité contractuelle rend opposable l’ensemble des éléments à CM-CIC Leasing Solutions ;
En conséquence,
– prononcer la nullité des contrats de location financière du 10 décembre 2013 et du 20 janvier 2014 pour vice du consentement ;
– donner acte que la société S.I Bureautique France la garantira de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre et la condamner dans ces conditions, « par provision à ces mêmes condamnations » à son profit, frais irrépétibles et dépens compris ;
– ordonner à la société CM-CIC Leasing Solutions de procéder à la reprise à ses frais du photocopieur de marque Sharp MX2640 portant le numéro de série MX2640 IF, actuellement placé dans ses anciens locaux situés 17, rue Feutrier, 75018 Paris, dans le délai d’un mois à compter de la décision à intervenir, et au-delà du délai d’un mois précité ;
– dire qu’elle pourra opérer le retour du photocopieur en litige à ses frais avancés et obtenir de la société CM-CIC Leasing Solutions à première demande, le remboursement desdits frais en totalité ;
– condamner en conséquence, la société CM-CIC Leasing Solutions à lui restituer la somme de 14.144,71 euros au titre des loyers réglés, avec intérêts légaux ;
– prononcer la capitalisation des intérêts par anatocisme par application de l’article 1154 du code civil ;
– débouter la société CM-CIC Leasing Solutions de toutes ses demandes, fins et prétentions ;
– débouter la société S.I Bureautique France de toutes ses demandes, fins et prétentions ;
– constater que la société CM-CIC Leasing Solutions et la société S.I Bureautique France ont fait preuve d’une particulière mauvaise foi à son encontre ;
– condamner solidairement en conséquence la société CM-CIC Leasing Solutions et la société S.I Bureautique France à lui verser la somme de 20 000 euros à titre dommages intérêts en réparation du préjudice subi ;
– condamner la société CM-CIC Leasing Solutions et la société S.I Bureautique France chacune au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société CM-CIC Leasing Solutions aux entiers dépens.

L’Association Nationale Crématiste soutient que les contrats signés par elle avec la société S.I Bureautique France et la société CM-CIC Leasing Solutions constituent un ensemble contractuel indivisible, peu important que la maintenance ne soit pas intégrée, qui :
– est nul car la première a usé de manœuvres dolosives pour vicier son consentement et qu’elle a eu recours à des pratiques trompeuses tenant en des allégations mensongères et agressives par le biais de sollicitations répétées et insistantes, afin de l’amener à signer le contrat litigieux ;
– rend le comportement de la première opposable à la seconde, la clause exonératoire de responsabilité figurant au contrat de location financière étant sans portée.

Elle en déduit que les sommes qu’elle a payées doivent lui être restituées et sollicite la reprise du photocopieur concerné par l’ensemble contractuel.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 6 septembre 2019, la société S.I. Bureautique sollicite du tribunal, au visa des articles 1109, 1116, 1134 et suivants du code civil, L.121-1, 121-1-1, L.122-11, L.122-11-1 et 122-15 du code de la consommation, 48 et 378 du code de procédure civile, de :
A titre principal,
– se déclarer incompétent au profit du tribunal de commerce de Bobigny ;
A titre subsidiaire,
– débouter l’Association Nationale Crématiste de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions ;
– condamner l’Association Nationale Crématiste à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
A titre infiniment subsidiaire,
– débouter la société CM CIC Leasing Solutions de l’ensemble de ses demandes à son encontre ;
En tout état de cause,
– condamner tout succombant à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner tout succombant en tous les dépens.

La société S.I Bureautique France soulève in limine litis l’incompétence du tribunal de céans au profit du tribunal de commerce de Bobigny sur le fondement d’une clause attributive de compétence figurant à l’article 10 des conditions générales de vente du contrat signé entre les parties.

A titre subsidiaire, sur le fond, elle fait valoir que l’Association Nationale Crématiste ne rapporte la preuve ni d’un état de faiblesse de sa présidente lors de la signature, ni du fait que cette demi ère aurait été victime d’un dol ou d’une pratique commerciale trompeuse qui relève d’un délit pénal, alors que pour sa part, elle établit avoir parfaitement rempli l’intégralité des obligations telles qu’effectivement prévues au contrat.

Elle argue de la mauvaise foi de l’Association Nationale Crématiste qui :
– ne prouve pas s’être plainte des contrats de location financière et de fourniture ;
– cherche à obtenir la gratuité du photocopieur dont elle a bénéficié ;
– ne propose pas le remboursement les sommes qu’elle a perçues mais demande uniquement celui des montants qu’elle aurait payés.

En réponse aux demandes formées à titre subsidiaire par la société CM­ CIC Leasing Solutions, elle se prévaut du fait que :
– le contrat de service qu’elle a conclu avec l’Association Nationale Crématiste est parfaitement indépendant du contrat de financement, de sorte que l’anéantissement du contrat du second n’a aucune incidence sur la validité du second ;
– un transfert des risques s’est opéré vers la société de location financière lorsqu’elle a accepté de financer le matériel commandé par l’Association Nationale Crématiste et qu’elle a procédé au règlement de sa facture, sauf à faire peser les risques uniquement sur le fournisseur et le locataire.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée le 27 novembre 2019.

DISCUSSION

Les demandes des parties tendant à voir « dire et juger » et « donner acte » ne constituent pas des prétentions a u sens des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile et ne donneront pas lieu à mention au dispositif.

Sur la compétence

Devant le tribunal de grande instance, toutes les exceptions de procédure invoquées sont tranchées par le juge de la mise en état, en vertu de l’article 771 du code de procédure civile qui dispose que « Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
1. Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et surfes incidents mettant fin à l’instance ; les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu’ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ; (…) »

En l’espèce, la société S.I Bureautique France soulève l’incompétence du tribunal de céans en application d’une clause attributive de compétence au profit du tribunal de commerce de Bobigny figurant à l’article 10 des conditions générales de vente du contrat litigieux, dans ses conclusions au fond.

Elle n’a pas soulevé celle exception de procédure devant le juge de la mise en état.

Dans ces conditions, la demande de la société S.I. Bureautique France à ce titre est irrecevable.

Sur le fond

Il s’agit en l’espèce de contrats antérieurs au 1er octobre 2016 ne relevant pas de l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.

Les contrats conclus de manière concomitante ou successive qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants et les clauses des contrats qui sont inconciliables avec cette interdépendance sont réputées non écrites. Il y a en effet indivisibilité des contrats constituant un ensemble pour le contractant.

Tel est le cas en l’espèce d u contrat de location souscrit par l’Association Nationale Crématiste avec la société CM-CIC Leasing Solutions et du contrat de service objet de cette location, matérialisé par le bon de commande et le procès-verbal de livraison, conclu entre cette association et la société S.I Bureautique France, peu important que ce second contrat n’intègre pas la maintenance.

La preuve de cette interdépendance résulte d’ailleurs de la mention de la société S.I Bureautique France en sa qualité de fournisseur du matériel, sur le contrat de location à l’entête de la société de location financière.

Leur interdépendance implique que l’Association Nationale Crématiste est fondée à se prévaloir en vers la société CM-CIC Leasing Solutions, de la nullité du contrat de service, qui rend caduc le contrat de-location financière, le bailleur financier ne pouvant lui opposer les articles 1. 1, 1 .3, 2.4 et 6.1 des conditions générales du contrat les liant, réputées non écrites pour être inconciliables avec l’interdépendance des contrats.

Certes, l’Association Nationale Crématiste ne peut pas invoquer des pratiques commerciales trompeuses sur le fondement du code de la consommation dont les dispositions n’ont pas vocation à s’appliquer. C’est en effet une personne morale qui a agi dans le cadre de son activité professi01melle, le matériel concerné ayant pour usage ses démarches administratives. Elle a, par ailleurs, apposé sa signature et son tampon humide, par le truchement de l’un de ses gérants, dans l’encadré « Signature et cachet du locataire » du contrat de location, sous la mention « le locataire après avoir pris connaissance des conditions particulières de la location et des conditions générales au verso atteste que le bien loué est destiné exclusivement aux besoins de son activité professionnelle et qu’il est en rapport avec celle-ci. »

Pour autant, aux termes de l’article 1116 ancien du code civil,« le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé. »

Les agissements malhonnêtes qui provoquent une erreur de la victime sont qualifiés de manoeuvres dolosives.

Or, en l’espèce, la proposition commerciale de financement comporte un comparatif entre la situation actuelle et la situation proposée selon une présentation mensongère en retenant notamment un coût par trimestre des contrats initiaux de location supérieur au coût réel, qui permet de vanter une économie en réalité inexistante. Au contraire, il y a au final un coût supplémentaire pour l’Association National Crématiste s’agissant des loyers comme du total.

Ce document promet également faussement la reprise des anciens contrats de photocopieurs par le biais d ‘une formulation particulièrement confuse et peu compréhensible qui juxtapose la notion de « rachat du contrat » et celle de « réévaluation du matériel et des copies dans le cadre d ‘un nouveau contrat . »

Il résulte ensuite des extraits de sites internet – www.deb-shop.fr et www.burotic-store.com- et de l’éditorial d’Octobre 2015 Crématiste avec les Comptes 2014/2013 de l ‘Association Nationale Crématiste versés aux débats que le prix qui a été facturé à l’association pour un photocopieur est exorbitant comparé respectivement au prix public et à son budget.

En agissant de la sorte, la société S.I Bureautique France a procédé par manoeuvres dolosives à l’égard de l’Association Nationale Crématiste pour l’amener à conclure un contrat à son bénéfice.

Par conséquent, la nullité du contrat de service conclu entre elles est prononcée. Elle entraîne la caducité ab initia du contrat de location financière liant l’Association Nationale Crématiste et la société CM­ CIC Leasing Solutions.

Dès lors, la société CM-CIC Leasing Solutions est déboutée de sa demande tendant au constat de la résiliation du contrat de location aux torts et griefs de l’Association Nationale Crématiste et en paiement des échéances et des pénalités contractuelles.

Elle est condamnée à restituer à l ‘Association Nationale Crématiste la totalité des sommes versées en exécution du contrat, que cette dernière rixe à la somme de 14 144,71 euros sans être contredite. La capitalisation des intérêts est par ailleurs ordonnée dans les conditions de l’article 1 154 ancien du code civil, celle-ci étant de droit dès lors que ses conditions sont réunies.

Il y a lieu de prononcer la résolution du contrat de vente intervenu le 20 janvier 2014 entre la demanderesse et le fournisseur sur mandat de la locataire, l’Association Nationale Crématiste, et de condamner la société S.I Bureautique France à restituer à la société CM-CIC Leasing Solutions le prix de cession du matériel, soit la somme de 48 173,40 euros. Elle portera intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 2016, date de l’assignation en intervention forcée délivrée à la société S. I Bureautique France.

De plus, la société CM-CIC Leasing Solutions justifie du préjudice financier subi du fait de l’anéantissement du contrat de location qui résulte des agissements du fournisseur. Il tient à la perte des intérêts financiers auxquels elle pouvait légitimement prétendre au titre du contrat de location.

Ainsi, la société S.I Bureautique France est condamnée à lui verser la somme de 13 853,25 euros.

S’agissant des autres demandes de l’Association Nationale Crématiste, la société CM-CIC Leasing Solutions est condamnée à reprendre le photocopieur de marque Shatv MX2640 portant le numéro de série MX2640 lF, actuellement situé 17, rue Feutrier à Paris (7501 8), dans le délai d’un mois à compter de la décision à intervenir, ce, à ses frais.

A défaut, l’Association Nationale Crématiste est autorisée à retourner le photocopieur litigieux à ses frais avancés à la société CM-CIC Leasing Solutions qui sera condamnée dans cette hypothèse à lu i rembourser la totalité des frais avancés, dès la première demande.

En revanche, l ‘Association Nationale Crématiste ne justifie pas d ‘un préjudice autre que celui tenant à la nécessité de faire valoir ses droits en justice, qui est compensé par l’allocation d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile : elle est déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Au vu des motifs adoptés, la société S.I Bureautique France est déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée à l’encontre de l’Association Nationale Crématiste

La société S.I Bureautique France, qui succombe principalement, est condamnée aux dépens.

Elle est également condamnée à verser à l’Association Nationale Crématiste qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité a u titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 4 000 euros.

Il n ‘y a pas lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile a u profit de la société CM-CIC Leasing Solutions.
L’exécution provisoire, compatible avec la nature de l’affaire, s’avère
nécessaire eu égard à l’ancienneté du litige.

DECISION

Le tribunal statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort Et prononcé par mise à disposition au greffe,

Prononce la nullité du contrat de location financière conclu entre la SARL S.I Bureautique France et l’Association Nationale Crématiste le 20 janvier 2014 et la caducité du contrat de service conclu entre l’Association Nationale Crématiste et la société CM-CIC Leasing Solutions ;

Prononce la résolution du contrat de vente conclu entre la société CM­ CIC Leasing Solutions et la SARL S.I Bureautique France le 20 janvier 2014 ;

Condamne la société CM-CIC Leasing Solutions à payer à l’Association Nationale Crématiste la somme de 14 144,71 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 du code civil (dans sa version en vigueur avant le 1er octobre 2016 applicable au présent litige) ;

Condamne la société CM-CIC Leasing Solutions à procéder à la reprise du photocopieur de marque Sharp MX2640 portant le numéro de série MX2640 TF, actuelle ment dans les anciens locaux de l’Association Nationale Crématiste situés 17, rue Feutrier, 75018 Paris, dans le délai d’un mois à compter de l a décision à intervenir, à ses frais ;

Autorise, à défaut, l’Association Nationale Crématiste à retourner le photocopieur en litige à ses frais avancés à la société CM-CIC Leasing Solutions qui est condamnée en ce cas à rembourser la totalité des frais avancés à l’Association Nationale Crématiste, à première demande ;

Condamne la SARL S.I Bureautique France à payer à la société CM­ CIC Leasing Solutions la somme de 48 1 73,40 euros correspondant au prix de cession du matériel loué, avec intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 2016 ;

Condamne la SARL S.I Bureautique France à payer à la société CM­ CIC Leasing Solutions la somme de 13 853,25 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts a u tau x légal à compter du présent jugement ;

Rejette les demandes des parties plus amples ou contraires ;

Condamne la SARL S.I Bureautique France à payer à l’Association Nationale Crématiste la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL S.I Bureautique France aux dépens ;

Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement.


Le Tribunal
: Florence Blouin (président), Séverine Moussy (vice-présidente), Lise Duquet (vice-présidente), Marine Mougenot (greffier)

Avocats : Me Mathieu Bollengier-Stragier, Me Olivier Iteanu, Me Frédéric Trojman

Source : Legalis.net

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