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Jurisprudence : Marques

mercredi 12 mai 2010
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Cour de cassation Chambre commerciale, financière et économique Arrêt du 4 mai 2010

Sandrine P. / Christian Dior et autres

marques

DISCUSSION

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que sur requêtes des sociétés Guerlain, Kenzo parfums, Christian Dior et Givenchy parfums, après avoir constaté qu’une personne faisant usage d’un pseudonyme et identifiée comme étant Mme P. se livrait à la vente sur le site internet @BAY de produits revêtus de certaines de leurs marques et avoir fait état de leurs réseaux de distribution sélective, le président du tribunal de grande instance a désigné un huissier de justice afin de placer sous séquestre à titre conservatoire les produits présents chez Mme P. ;

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l’article 812, alinéa 2, du code de procédure civile ;

Attendu que pour confirmer l’ordonnance, l’arrêt retient que la mesure de séquestre n’est pas une mesure d’instruction mais une mesure conservatoire de sorte que les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile ne sont pas applicables et que la procédure relève de l’article 812 du code de procédure civile ;

Attendu qu’en statuant ainsi, sans rechercher si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe de contradiction, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l’article 812, alinéa 2, du code de procédure civile ;

Attendu que pour confirmer l’ordonnance, l’arrêt retient encore que la mise en vente de produits destinés à être appliqués sur la peau des consommateurs, dont l’origine, l’authenticité ne sont pas déterminées, et dont la qualité est incertaine, représente un danger, à ou le moins un risque, nécessite la prise d’une mesure urgente comme le séquestre des produits ;

Attendu que pour statuer comme elle a fait, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé que la mesure fut urgente au regard des sociétés requérantes, a violé le texte susvisé ;

DECISION

Par ces motifs et sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’autre grief :

. Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 24 mars 2009, entre les parties, par la cour d’appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Douai, autrement composée ;

. Condamne les sociétés Christian Dior, Guerlain, Kenzo parfums et Givenchy parfums aux dépens ;

. Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande ;

. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour Mme P.

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé l’ordonnance déférée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à rétractation de l’ordonnance sur requête en date du 29 mars 2007 prescrivant une mesure de séquestre ;

Aux motifs que les sociétés intimées qui fabriquent et vendent des parfums de luxe pratiquent un mode de distribution sélective par l’intermédiaire de réseaux de distributeurs agrées soumis à des contraintes ayant pour but d’assurer la protection de leur image de marque ; les contrats liant ces sociétés à leurs distributeurs imposent à ces derniers de ne vendre ces produits revêtus de leurs marques qu’au détail à des particuliers sur le point de vente agréé, ou au sein de l’Union européenne à d’autres distributeurs eux mêmes agrées ; or ces sociétés étaient amenées à constater qu’une personne faisant usage d’un pseudonyme et identifiée comme étant Madame P. se livrait à la vente sur le site internet eBay des produits revêtus de certaines de leurs marques ; (…) ; la commercialisation de produits relevant d’un réseau de distribution sélective par un tiers non agréé est susceptible de constituer des actes de concurrence déloyale en considération d’un approvisionnement illicite, de l’usurpation de la qualité de distributeur ou des conditions dans lesquelles les produits sont commercialisés ;
(…) ; en conséquence il ne pesait sur les sociétés appelantes aucune obligation d’avoir recours à la procédure spécifique de saisie-contrefaçon ; (…) ; par ordonnance du même jour sur requête des sociétés intimés le Président du tribunal de grande instance de Dunkerque ordonnait le séquestre des produits portant les marques appartenant aux sociétés Parfums Dior, Kenzo, Guerlain, Givenchy qui se trouveraient chez Madame P. ; la mesure ainsi prescrite n’est pas une mesure d’instruction mais une mesure conservatoire ; (…) ; cette procédure relève de l’article 812 du code de procédure civile qui en son alinéa 2 exige que la mesure sollicitée soit urgente ; or la mise en vente de produits destinés à être appliqués sur la peau des consommateurs, dont l’origine, l’authenticité n’étaient pas déterminées et dont la qualité était incertaine représentait un danger, à tout le moins un risque qui nécessitait la prise d’une mesure urgente comme le séquestre des produits ;

Alors, d’une part, que la saisie-contrefaçon est régie par l’article L 716-7 du CPI qui prévoit notamment que l’huissier désigné doit être assisté d’expert ; que la commercialisation des produits contre le gré du propriétaire de la marque et, s’agissant de marque de prestige, en dehors du réseau de distribution sélective, comme la commercialisation sous la marque de produits qui ne seraient pas les authentiques produits de la marque sont susceptibles de caractériser des actes de contrefaçon ; que le président du tribunal de grande instance ne pouvait dès lors ordonner les mesures demandées qu’aux conditions prévus par les dispositions spécifiques du CPI ; qu’en décidant le contraire l’arrêt attaqué a violé l’article 716-7 du CPI, 812 alinéa premier du code de procédure civile et 812 alinéa 2 du même code par fausse application ;

Alors, d’autre part, et en toute hypothèse, que l’arrêt attaqué ne constate pas que la mesure de séquestre sollicitée exigeait une dérogation au principe de la contradiction ; qu’il a ainsi violé l’article 812 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Alors, enfin, que l’urgence justifiant la mesure conservatoire s’apprécie exclusivement, devant le juge civil, au regard de l’intérêt personnel du demandeur à la requête ; que le risque que pourrait présenter le produit pour les consommateurs est étranger à l’intérêt des sociétés requérantes qui ne peuvent poursuivre que la protection de leurs propres droits ; que l’arrêt attaqué a encore violé l’article 812 alinéa 2 du code de procédure civile.

La Cour : Mme Favre (président), Mme Pezard (conseiller rapporteur), Mme Tric (conseiller doyen).

Avocats : SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Piwnica et Molinié, Mme Petit (premier avocat général)

 
 

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.