Jurisprudence : Marques
Tribunal de grande instance de Paris 3ème chambre, 4ème section Jugement du 15 avril 2010
LT Services, Amoteck / Com'Online
marques
FAITS ET PROCEDURE
La société LT services, qui a pour nom commercial Mektoube, exploite une activité de développement et d’édition de sites internet et d’applications informatiques notamment dans le domaine de la rencontre sur internet. Elle exploite ainsi, depuis le 21 mai 2006, un site internet de rencontre à destination de la communauté maghrébine, accessible à l’adresse www.mektoube.fr.
La société Amoteck exploite une activité d’édition de logiciels applicatifs. Elle assure la gestion technique et administrative du site www.mektoube.fr.
La société LT services et la société Amoteck sont co-titulaires depuis 2007, de la marque verbale française Mektoube enregistrée sous le n° 07 3496 889 pour des produits et services des classes 16, 35, 38, 41 et 45. La société LT services est également titulaire de plusieurs noms de domaine composés du mot mektoube afin de permettre l’accès au site internet www.mektoube.fr.
En 2009, les sociétés LT services et Amoteck ont constaté qu’une requête effectuée à partir du mot mektoube sur les moteurs de recherche tels que Bing, Google ou Yahoo, faisait apparaître dans les premiers résultats naturels, le site www.meetarabic.com de la société Com’Online, consacré à la rencontre sur internet et s’adressant à la communauté musulmane et du Maghreb. Elles ont fait dresser des procès-verbaux de constat sur internet par l’Agence de protection des programmes le 7 octobre, le 2 novembre et le 9 décembre 2009, afin d’établir les usages fautifs du mot mektoube par la société Com’Online ainsi que l’imitation ou la reproduction sur le site www.meetarabic.com d’éléments propres au site www.mektoube.fr.
Après plusieurs mises en demeure restées infructueuses, les sociétés LT services et Amoteck ont fait assigner à jour fixe le 5 février 2010, la société Com’Online devant le tribunal de grande instance de Paris sur le fondement de la contrefaçon :
– de la marque Mektoube,
– du titre du site internet accessible à l’adresse www.mektoube.fr,
– de la charte graphique et des éléments dudit site internet, et sur le fondement de l’article 1382 du Code civil pour :
– l’usurpation du nom commercial et des noms de domaine,
– l’atteinte aux slogans commerciaux “Boostez votre mektoube” et “Donnez un coup de pouce à votre mektoube”,
– la pratique commerciale trompeuse reposant sur l’emploi du slogan“ le 1er site de rencontre pour la communauté musulmane et du Maghreb”.
Les demanderesses réclament, outre des mesures d’interdiction et de suppression des éléments fautifs, le paiement des sommes de :
– 40 000 € en réparation du préjudice résultant de la contrefaçon de marque,
– 20 000 € en réparation du préjudice résultant de la pratique commerciale trompeuse,
– 40 000 € en réparation du préjudice résultant des autres actes poursuivis, ainsi que la publication du jugement dans des journaux et sur le site internet de la société Com’Online.
Subsidiairement, elles réclament 100 000 € sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire. Elles sollicitent, enfin, l’allocation d’une indemnité de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et l’exécution provisoire de la décision judiciaire.
A l’audience du 12 mars 2010, la société Com’Online fait tout d’abord valoir que le mot mektoub est un mot du langage courant en arabe signifiant le destin et qu’il n’est pas de nature à remplir la fonction essentielle d’une marque qui est d’indiquer la provenance d’un produit ou d’un service, en raison de l’absence de caractère distinctif. Elle demande donc que soit prononcée la nullité de la marque française
Mektoube déposée le 23 avril 2007 et enregistrée sous le n° 07 3 496 889 ainsi que de la marque Mektoub déposée le 18 février 2009 et enregistrée sous le n° 09 3 630 752. Elle ajoute que les demanderesses tentent de s’approprier un terme du langage courant lié à l’amour et à la rencontre pour en empêcher l’usage par leurs concurrents, détournant ainsi le droit des marques de sa finalité. Elle sollicite donc également que soit prononcée la nullité des marques Mektoube et Mektoub sur le fondement de la fraude.
La société Com’Online soutient ensuite qu’il n’existe pas de contrefaçon de marque car elle utilise le terme mektoub dans son sens courant, même dans les balises meta-tags. Elle déclare, en outre, que l’usage de ce mot dans son sens courant n’est pas susceptible d’engendrer un risque de confusion. La société Com’Online ajoute pour les mêmes motifs que le mot mektoub qui ne peut être protégé à titre de marque, ne peut pas non plus l’être à titre de nom commercial et de nom de domaine. Enfin, elle relève que les demanderesses ne peuvent pas non plus solliciter une protection pour l’emploi dans son sens courant du mot mektoub dans les slogans “Boostez votre mektoube” et “donnez un coup de pouce à votre mektoube”.
La société Com’Online s’oppose également aux demandes fondées sur la violation des droits d’auteur des demanderesses. Elle conteste tout d’abord que le terme mektoube constitue le titre d’une œuvre protégeable sur le fondement de l’article L112-4 du Code de la propriété intellectuelle et, en toutes hypothèses, elle fait valoir que cette dénomination est dépourvue d’originalité. Elle soutient, ensuite, que les demanderesses ne justifient pas de leur qualité d’auteur du site internet. Elle déclare, en outre, que celles-ci ne démontrent pas l’originalité des éléments dont elles réclament la protection, et qui ne peut pas résulter de leur seule nouveauté. Elle précise qu’elle a supprimé la mosaïque de vignettes photographiques proche de celle mise en ligne par les demanderesses, dès réception de la mise en demeure du 2 novembre 2009.
La société Com’Online déclare que l’emploi du slogan “1er site de rencontre sur internet” est le résultat d’une maladresse et qu’elle l’a également retiré immédiatement après la réception de la lettre de mise en demeure.
La société Com’Online s’oppose aux mêmes demandes formulées sur le fondement de la concurrence déloyale en faisant valoir que l’usage du mot dans son sens courant ne peut être constitutif d’une faute ni d’un risque de confusion. Enfin, elle conteste l’existence d’un préjudice et le mode d’évaluation retenue par les demanderesses Elle conclut donc au rejet des demandes et subsidiairement, à une condamnation purement symbolique. Elle réclame 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Les sociétés LT services et Amoteck après avoir fait valoir l’absence de force probante des attestations de la société Dev extend versées aux débats par la société Com’Online, s’opposent aux demandes tendant à voir constater la nullité des marques Mektoub et Mektoube. Elles font tout d’abord valoir que la première n’est pas opposée à la défenderesse et que celle-ci n’a donc pas intérêt à agir en nullité. Elles ajoutent que la marque Mektoube est valable car parfaitement distinctive pour les produits et services pour lesquels elle a été déposée.
Elles maintiennent donc l’existence d’actes de contrefaçon par l’emploi répété du mot mektoube destiné à assurer le référencement du site meetarabic.com par les moteurs de recherche et à détourner les internautes vers lui. Elle soutient que cette finalité ne permet pas de retenir un usage du terme mektoube dans son sens courant mais établit au contraire le risque de confusion alors que les sites internet en cause proposent des services identiques.
Les demanderesses réaffirment également l’originalité du titre de leur site internet et l’emploi fautif qu’en effectue la société Com’Online pour créer un risque de confusion en vue de détourner le trafic normalement dévolu au site www.mektoube.fr.
Elles ajoutent que la reproduction du signe mektoube constitue également une atteinte au nom commercial et aux noms de domaine de la société LT services qui font l’objet d’une protection propre. Elles maintiennent aussi qu’elles sont bien-fondées à solliciter la protection de leurs slogans commerciaux dont la reproduction ou l’imitation sème la confusion dans l’esprit des internautes et de la clientèle.
Les sociétés demanderesses poursuivent également les actes de contrefaçon que constitue la reprise des éléments caractéristiques du site internet www.mektoube.fr. Elles invoquent la présomption de l’article L113-1 du Code de la propriété intellectuelle au profit de la société LT services et l’antériorité du site mektoube et de sa seconde version de 2009 par rapport au site meetarabic. Elles soutiennent que la charte graphique et le mode de structuration des différentes rubriques résultent de choix éditoriaux particulièrement ciblés qui créent une identité particulière rendant le site aisément reconnaissable. Elles maintiennent que la société défenderesse a contrefait ce site protégeable par le droit d’auteur en en reprenant les éléments caractéristiques
Les sociétés demanderesses soutiennent enfin qu’en présentant le site meetarabic comme “le 1er site de rencontre pour la communauté musulmane et du Maghreb” la société Com’Online se livre à une pratique commerciale trompeuse selon les articles L121-1 et suivants du Code de la consommation alors que la défenderesse reconnaît ne pas occuper la première place parmi les sites de rencontre.
A titre subsidiaire, les demanderesses font valoir que ces agissements constituent des actes de concurrence déloyale et parasitaire par lesquels la société Com’Online tente de détourner le trafic suscité par le site www.mektoube.fr vers le site www.meetarabic.com.
Enfin, pour déterminer leur préjudice, elles invoquent l’atteinte portée à leurs signes distinctifs, la confusion créée dans l’esprit du public, le détournement de trafic et de clientèle ainsi que le préjudice moral.
DISCUSSION
Les demanderesses sollicitent tout d’abord le retrait des débats de la pièce 14 de la société Com’Online constituée d’une lettre du gérant de la société Dev extend du 22 février 2010 accompagnée d’une copie d’écran. Ces pièces sont destinées à établir les différentes modifications intervenues sur le site www.meetarabic.com.
La copie d’écran n’a guère de valeur probante alors qu’aucun élément ne permet d’établir comment et quand elle a été obtenue.
S’agissant de la lettre du gérant de la société Dev extend qui fait l’objet d’une contestation de signature, les éléments versés au dossier ne sont pas suffisants pour retenir qu’elle est fausse. En toutes hypothèses, la physionomie et le contenu des sites en cause sont établis par les nombreux procès-verbaux de constat établis par l’Agence de protection des programmes de telle sorte que les informations qu’elle contient peuvent être appréciées au vu de ces derniers et qu’ainsi, il n’y a pas lieu de l’écarter des débats.
Sur la contrefaçon de marque
– sur la validité des marques Mektoub et Mektoube
La société Com’Online a un intérêt à agir contre la marque Mektoub même si celle-ci ne lui est pas opposée dans le cadre de la présente instance car les mots Mektoub et Mektoube sont si proches que l’usage par la société défenderesse du mot mektoube pourrait également donner lieu à des poursuites fondées sur la marque Mektoub. Elle doit donc être déclarée recevable à agir en nullité de cette dernière.
Selon le dictionnaire Le nouveau petit Robert, le mot mektoub venant de l’arabe maktub “ce qui est écrit”, signifie le destin, la fatalité. Ce mot est utilisé à titre d’interjection exprimant un sentiment de fatalité.
L’idée de destin peut être, dans l’esprit de certains, associé à la rencontre amoureuse. Néanmoins cette association n’est nullement évoquée dans les différentes définitions fournies pour le mot mektoub et il n’est pas démontré que la communauté musulmane ou maghrébine associe de manière systématique amour et mektoub de telle sorte qu’elle ne puisse pas percevoir ce terme comme un signe distinctif d’un service de rencontre.
Ainsi le terme mektoub ou mektoube, même s’il est évocateur du rôle du destin dans la rencontre amoureuse, présente un caractère suffisamment distinctif pour identifier l’origine des produits et services des classes 16, 35, 38 , 41 et 45 tels qu’énumérés dans l’acte de dépôt :
– produits de l’imprimerie, photographies, affiches, albums, journaux, prospectus, brochures, calendriers, dessins,
– publicité, gestion de fichiers informatiques, organisation d’expositions à buts commerciaux ou de publicité, publicité en ligne sur un réseau informatique, location de temps publicitaire sur tout moyen de communication, publication de textes publicitaires, location d’espaces publicitaires, diffusion d’annonces publicitaires,
– location de temps d’accès à un centre serveur de bases de données,
– divertissement, activités sportives et culturelles, information en matière de divertissement ou d’éducation, services de loisir, publications de livres, production de films sur bandes vidéo, location de films cinématographiques, location d’enregistrements sonores, montage de bandes vidéo, service de photographies, organisation de concours (éducation et divertissement) organisation et conduite de colloques, conférences ou congrès, réservation de places de spectacle, services de jeu proposés en ligne à partir d’un réseau informatique, publication électronique de livres et de périodiques en ligne,
– agences matrimoniales (Mektoub) clubs de rencontre sur internet et hors internet.
De la même façon, l’emploi du mot mektoub n’apparaissant pas indispensable pour la désignation et l’exploitation d’un site de rencontre sur internet, la décision des demanderesses d’obtenir un droit privatif sur ce terme n’est pas révélatrice d’une intention frauduleuse.
Il n’y a donc pas lieu de prononcer l’annulation des marques Mektoub et Mektoube.
– sur l’existence d’actes de contrefaçon
Le procès-verbal de constat réalisé par l’Agence de protection des programmes le 7 octobre 2009 révèle que le signe mektoube apparaît :
– dans les balises meta-tags du site internet www.meetarabic.com, te dans les pages satellites,
– dans les adresses url du site (ex : http://www.meetarabic.com/pub/rencontre/mektoube.htm),
– sur les pages du site et notamment sur la page d’accueil,
– sur la page du site internet dailymotion accessible à l’adresse http://www.dailymotion.com/meetarabic.
Cependant, le terme mektoube est employé dans son sens courant sur les pages du site meetarabic : “donnant un coup de pouce à leur mektoube”, “accélérateur de votre mektoube” associé à “donnez un coup d’accélérateur à votre destin”, “ceux qui ont déjà provoqué leur mektoube”. Ainsi, la société Com’Online ne fait pas du mot mektoube un signe destiné à identifier ses produits et services. Le fait que le mot soit écrit avec un e final ne modifie pas la compréhension que peut en avoir l’internaute. Dès lors l’emploi de ce terme ne constitue pas un usage à titre de marque et ne peut donc être constitutif d’actes de contrefaçon.
Par ailleurs, la reprise d’un terme dans les balises meta, pages satellites et adresses url ne peut suffire à caractériser la contrefaçon dès lors que ce terme est employé à plusieurs reprises sur les pages du site dans son sens courant et qu’il a donc vocation à figurer dans les outils de référencement naturel de ce site. Ainsi, ces circonstances ne permettent pas de retenir un usage certain à titre de marque.
Les demandes des sociétés LT services et Amoteck fondées sur la contrefaçon de la marque Mektoube seront donc rejetées.
L’atteinte au nom commercial et au nom de domaine
Ces atteintes seront écartées pour des motifs identiques tenant à l’usage effectué par la société Com’Online du mot mektoube dans son sens courant.
Sur la contrefaçon d’une oeuvre protégée
– sur la contrefaçon du titre du site internet www.mektoube.fr
Le mot mektoube, même avec un e final, est compris comme désignant le destin et le fait de recourir à une site internet pour réaliser une rencontre, évoque l’idée de provoquer le destin.
Le choix de ce terme pour un site de rencontre destiné à la communauté maghrébine ne présente donc pas une originalité suffisante pour faire l’objet d’une protection par le droit de la propriété intellectuelle.
– sur la contrefaçon du site internet
Pour établir l’existence de ses droits sur le site internet www.Mektoube.fr, la société LT services invoque la présomption de l’article L113-1 du Code de la propriété intellectuelle. Ainsi que le relève la société Com’Online, celle-ci ne permet pas d’attribuer la qualité d’auteur à une personne morale. Cependant l’exploitation paisible du site internet par la société demanderesse fait présumer qu’elle est titulaire des droits patrimoniaux attachés à l’oeuvre et il y a donc lieu d’admettre qu’elle est recevable à agir en contrefaçon.
La société LT services reproche à la société Com’Online :
– une similitude entre la page d’accueil du site www.meetarabic.com telle qu’elle s’est présentée entre le 2 novembre 2009 et le 9 décembre 2009 et la page d’accueil du site www.mektoube.fr,
– le mode de présentation et de structuration des rubriques “elles sont en ligne”, “les dernières inscrites”, “mes statistiques”, “je mets ma photo”, ”mes infos”, “profil”, du module de recherche d’autres membres et le mode de fonctionnement des galeries photographiques identiques ou proches des rubriques correspondantes sur le site mektoube.
Le procès-verbal de constat du 7 octobre 2009 établit que la page d’accueil du site internet www.mektoube.fr se compose à cette date d’une partie gauche sur laquelle figure un formulaire d’inscription et d’une partie droite illustrée d’une mosaïque de 90 vignettes photographiques dont certaines sont blanchies afin de dessiner un coeur.
Le procès-verbal de constat réalisé par l’Agence de protection des programmes le 2 novembre 2009 révèle que la page d’accueil du site meetarabic tel qu’elle était apparue lors du constat précédent du 7 octobre 2009, a été modifiée et se compose désormais d’une partie gauche dans laquelle figure un formulaire d’inscription et d’une partie droite illustrée d’une mosaïque de 90 vignettes photographiques zébrée d’un trait blanc.
L’originalité de cette présentation tenant notamment à la présence de la mosaïque de vignettes photographiques en partie blanchies ne fait pas l’objet d’une réelle contestation, la société Com’Online reconnaissant avoir commis une erreur en adoptant ce visuel. Celui-ci a disparu lors des opérations de constat du 9 décembre 2009.
Il y a donc lieu d’admettre que la société Com’Online a commis, entre le 2 novembre et le 9 décembre 2009, des actes de contrefaçon de la page d’accueil du site internet www.mektoube.fr telle que reproduite dans le procès-verbal de constat du 7 octobre 2009.
S’agissant de la présentation et de la structuration générale du site mektoube et de ses différentes rubriques telles qu’elles apparaissent sur les pages 53 à 72 du constat du 9 décembre 2009, la société Com’Online fait valoir qu’elles sont communes à tous les sites de rencontre et que la société LT services ne peut revendiquer une protection.
La pièce 15 de la société Com’Online fait en effet apparaître que les mêmes rubriques se retrouvent sur différents sites de rencontre sur internet : les membres en ligne, les nouveaux membres avec des photographies, les profils, les événements ou statistiques, la recherche rapide.
La société LT services n’indique pas quelles caractéristiques particulières distingueraient son site et devraient donner lieu à protection en raison de leur originalité.
Au surplus, la présentation des pages du site meetarabic n’est pas identique à celle des pages du site mektoube tandis que les similitudes sont imposées par les mêmes exigences de lisibilité et de simplicité pour l’internaute.
Ainsi les éléments versés aux débats ne permettent pas de retenir l’existence d’une contrefaçon du site internet www.mektoube.fr par le site www.meetarabic.com.
Sur les comportements fautifs au regard de l’article 1382 du Code civil
A titre subsidiaire, les demanderesses font valoir que les agissements qu’elles reprochent à la société Com’Online constituent des actes de concurrence déloyale et parasitaire visant à détourner le flux des internautes vers le site meetarabic en utilisant le signe distinctif mektoube.
A titre principal, elles reprochent également à la société Com’Online d’utiliser des slogans commerciaux “Provoquez le mektoube”, “donnez un coup de pouce à votre mektoube”, “accélérateur de votre mektoube” semblables ou très proches des siens : “Boostez votre mektoube”, “Donnez un coup de pouce à votre mektoube”, semant ainsi la confusion dans l’esprit des internautes.
La société Com’Online peut certes utiliser le mot mektoub dans son sens courant et ce mot peut être associé à la décision de provoquer une rencontre par le recours à un site internet spécialisé. Néanmoins cette association ne s’impose pas nécessairement de telle sorte que l’emploi du mot mektoub sur un site de rencontre destiné aux communautés musulmanes ou maghrébines ne devrait être qu’occasionnel.
Or en l’espèce, le constat du 7 octobre 2009 fait apparaître une reprise systématique de ce mot par la société Com’Online en vue de provoquer le référencement de son site par les moteurs de recherche, à partir de ce terme.
Par ailleurs, il convient de relever que la société Com’Online reprend l’écriture particulière du mot mektoube avec un e final qui est propre au site de la société LT services et qui ne se retrouve dans aucune autre document évoquant le mektoub.
Ces agissements visent à orienter vers le site meetarabic des internautes qui entendaient consulter le site www.mektoube.com en se plaçant dans son sillage et en détournant à son profit les investissements financiers et humains mis en oeuvre par les demanderesses pour assurer la fréquentation de leur site.
L’emploi de slogans commerciaux très proches voire identiques à ceux des demanderesses crée au surplus un risque de confusion dans l’esprit des internautes et ces similitudes dans ce contexte ne peuvent être considérées comme accidentelles mais participent au contraire de la volonté de créer un lien artificiel dans l’esprit des internautes avec le site www.mektoube en vue d’en capter la clientèle.
Il y a donc lieu d’admettre que la société Com’Online a commis à l’encontre de la société LT services des actes de concurrence déloyale et parasitaire.
Sur la pratique commerciale trompeuse
La société Com’Online a fait figurer sur le site meetarabic la mention “le 1er site de rencontre en France pour la communauté musulmane et du Maghreb”, ce qu’elle reconnaît comme étant inexact.
Elle a ainsi paré son site d’une caractéristique susceptible d’influer sur la décision de l’internaute de s’y inscrire, les chances d’une rencontre fructueuse étant d’autant plus importante que le site est fréquenté.
Elle a donc fait usage d’une pratique commerciale trompeuse de nature à créer un préjudice au site concurrent www.mektoube.fr en captant une clientèle au moyen d’une allégation fausse.
Sur les mesures réparatrices
Le préjudice résultant de ces comportements déloyaux consiste à voir une partie des internautes ayant effectué une recherche à partir du mot mektoube, détournée vers le site meetarabic.
La société Com’Online déclare que le trafic généré sur le site meetarabic entre le 1er septembre et le 31 décembre 2009 a été de 193 738 visites tous mots clés confondus et de 454 visites par le mot mektoube (pièce 18 : 276 ?) et que par ailleurs son chiffre d’affaires TTC sur l’année 2009 a été de 11 287,31 €.
La société LT services verse aux débats outre des analyses de la fréquentation de son site, des attestations de son expert comptable sur le montant de ses investissements pour le développement de la version 2 de son site : 111 580,53 € et sur le montant de ses investissements publicitaires : 208 876,29 € .
Aussi au vu des éléments soumis à l’appréciation du tribunal, il sera alloué à la société LT services la somme de 15 000 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice résultant des comportements fautifs de la société Com’Online, outre la somme de 2000 € en réparation du préjudice résultant de l’emploi d’une pratique commerciale trompeuse.
Il sera en outre alloué à la société LT services la somme de 3000 € en réparation du préjudice résultant de l’atteinte portée à ses droits de propriété intellectuelle sur la page d’accueil de son site internet et sur le préjudice commercial qui en a résulté.
Les sommes allouées constituent une réparation suffisante et adéquate du préjudice subi et il n’y a pas lieu d’ordonner la publication de la décision judiciaire.
En revanche, il sera fait droit aux mesures d’interdiction dans les conditions du dispositif.
L’exécution provisoire, compatible avec la nature du litige, est nécessaire afin d’assurer une indemnisation rapide du préjudice.
Il sera alloué à la société LT services la somme de 10 000 € comprenant le coût des différents procès-verbaux de constat.
DECISION
Statuant publiquement par mise à disposition du jugement au greffe, contradictoirement et en premier ressort,
. Déclare la société Com’Online recevable à agir en nullité de la marque Mektoub déposée le 18 février 2009 et enregistrée sous le n° 09 3 630 752,
. Rejette les demandes en nullité de la marque Mektoube déposée le 23 avril 2007 et enregistrée sous le n° 07 3 496 889 ainsi que de la marque Mektoub déposée le 18 février 2009 et enregistrée sous le n° 09 3 630 752,
. Rejette les demandes fondées sur la contrefaçon de la marque Mektoube, l’atteinte au nom commercial et aux noms de domaine de la société LT services,
. Dit que la société Com’Online a commis un actes de contrefaçon en reprenant entre le 2 novembre et le 9 décembre 2009, les caractéristiques essentielles de la page d’accueil du site mektoube.fr telle qu’elle existait le 7 octobre 2009,
. Dit que la société Com’Online n’a pas commis d’autres actes de contrefaçon,
. Dit qu’en provoquant le référencement du site meetarabic à partir du mot mektoube et en employant des slogans commerciaux semblables ou proches de ceux de la société LT services, la société Com’Online a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire à l’encontre de la société LT services,
. Fait injonction à la société Com’Online de retirer de ses balises metatags et de ses pages satellites le mot mektoube sous astreinte de 500 € par jour de retard passé le délai de quinze jours suivant la signification du jugement,
. Fait injonction à la société Com’Online de cesser tout usage des slogans “Boostez votre mektoube” et “Donnez un coup de pouce à votre mektoube”, sous astreinte de 500 € par jour de retard passé le délai de quinze jours suivant la signification du jugement,
. Se réserve la liquidation des astreintes,
. Condamne la société Com’Online à payer à la société LT services la somme de 3000 € en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon de la page d’accueil du site internet www.mektoube.fr,
. Condamne la société Com’Online à payer à la société LT services la somme de 15 000 € en réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et parasitaire et la somme de 2000 € en réparation du préjudice résultant de la mise en oeuvre d’une pratique commerciale trompeuse,
. Rejette la demande de publication de la décision judiciaire,
. Ordonne l’exécution provisoire,
. Condamne la société Com’Online à payer à la société LT services la somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
. Condamne la société Com’Online aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit maître Fabre, selon les règles de l’article 699 du Code de procédure civile.
Le tribunal Mme Marie-Claude Hervé (vice présidente), Mme Agnès Marcade et M. Rémy Moncorge (juges)
Avocats : Me Cyril Fabre, Me Laure Desquand
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