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Jurisprudence : Responsabilité

jeudi 11 février 2010
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Tribunal de grande instance de Bordeaux Ordonnance de référé Jugement du 04 janvier 2010

JFG Networks / Paperblog

responsabilité

FAITS ET PROCEDURE

Vu l’assignation introductive de la présente instance déposées par la société JFG Networks à laquelle il convient de se reporter, tendant à :
– Dire et juger que la société Paperblog, éditrice du site internet accessible à l’adresse www.paperblog.fr contrefait sur son site la marque Overblog propriété de la société JFG Networks ;

En conséquence,

– Ordonner à la société Paperblog la cessation de l’exploitation de la marque Overblog de quelque manière que ce soit, sous astreinte de 3000 € par jour de retard commençant à courir à compter de la présentation de la minute de l’ordonnance à intervenir ;
– Ordonner à la société Paperblog la cessation de toute diffusion de copies d’articles publiés à partir de blogs hébergés par la société JFG Networks sur le service qu’elle édite dénommé « Overblog », sous astreinte de 3000 € par jour de retard commençant à courir à compter de la présentation de la minute de l’ordonnance à intervenir ;
– Se réserver le pouvoir de liquider l’astreinte ;
– Ordonner la publication de la décision à intervenir sur la page d’accueil du site internet www.paperblog.fr ;
– Dire que l’ordonnance à intervenir sera exécutoire sur simple présentation de la minute ;
– Condamner la société Paperblog à payer à la société JFG Networks la somme de 5000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile » ;

Vu les conclusions en défense de la société Paperblog auxquelles il convient de se reporter, tendant à :
– Dire et juger que l’acte introductif d’instance est entaché de nullité par violation de l’article 648 du code de procédure civile ;
– Dire et juger que l’action de la société JFG Networks est irrecevable à défaut de pouvoir de représentation de Monsieur Nicolas P. ;
– Dire et juger que la société Paperblog est l’hébergeur des blogs publiés sur son site internet intitulé « Bienvenue sur Overblog-Paperblog » et ne saurait voir sa responsabilité engagée à défaut de notification conforme à l’article 6 de la Loi n° 2004-575 pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 ;
– Dire et juger que ras faits de la cause ne constituent pas des actes de contrefaçon de la marque Overblog ;
– Dire et juger que la société JFG Networks n’étant ni l’auteur, ni cessionnaire à titre exclusif des droits de propriété intellectuelle sur les blogs objets du litige ne saurait en interdire la reproduction par la société Paperblog ;
– Dire et juger en conséquence que les faits de la cause ne constituent pas des troubles manifestement illicites au sens de l’article 809 du code de procédure civile et qu’il n’y a pas lieu à référé ;
– Débouter la société JFG Networks de I’ensemble de ses demandes, fins, moyens et prétentions ;
– Dire et juger la procédure intentée par la société JFG Networks abusive ;
– Condamner la société JFG Networks ;
* à une amende civile qu’il lui plaira de fixer ;
* à verser à la société Paperblog la somme de 3000 € à titre de provision sur dommages-intérêts ;
– Condamner la société JFG Networks à verser la somme de 15 000 € à titre de provision sur dommages-intérêts à la société Paperblog en réparation des actes de dénigrement commis à son encontre sur internet ;
– Autoriser la société Paperblog à procéder à la publication des extraits de la décision à intervenir dans quatre revues ou magazines de son choix, aux frais de la société JFG Networks dans la limite de 15 000 € hors taxes par publication, somme qui devra être consignée entre les mains de Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris dans les huit jours suivant la signification de la décision à intervenir ;
– Ordonner la publication de la décision à intervenir sur la page d’accueil du site internet www.over-blog.com pendant six mois, et ce dans un délai de huit jours à compter de la signification de la décision à venir, sous astreinte de 10 000 € par jour de retard ;
– Dire que ces publications devront s’afficher de façon visible en lettres de taille suffisante, aux frais de la société JFG Networks, en dehors de tout encart publicitaire et sans mention ajoutée, dans un encadré de 468×120 pixels, le texte devant être précédé du titre « Avertissement judiciaire » en lettres capitales et gros caractères ;
– Condamner la société JFG Networks à verser la somme de 5000 € à la société Paperblog au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que aux entiers dépens de l’instance » ;

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur Conseil à l’audience publique des référés civils du 4 janvier 2010.

DISCUSSION

Sur l’exception de nullité de l’acte introductif d’instance

La société Paperblog soulève avant toute autre défense la nullité de l’acte introductif d’instance qui lui a été signifié par huissier le 25 novembre 2009 à l’initiative de la société JFG Networks au motif que l’organe représentant légalement cette société n’est pas indiqué dans l’acte.

Il est cependant de jurisprudence constante que le défaut de désignation de l’organe représentant légalement une personne morale dans un acte de procédure, lorsque cette mention est prévue à peine de nullité, ne constitue qu’un vice de forme.

En l’espèce, si I’article 648 du code de procédure civile prescrit à peine de nullité la mention sur tout acte d’huissier de justice, lorsque le requérant est une personne morale, de l’organe qui la représente légalement, force est de constater que l’acte critiqué a été signifié

« A la requête de :
La société JFG Networks
Société par actions simplifiée au capital de 43 680 Euros,
Inscrite au R. C’. & de Toulouse sous le n° 480 170 240,
dont le siège social se situe à Toulouse,
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège et prise en la personne de son représentant légal mandaté, Monsieur P. Nicolas, salarié en tant que responsable juridique au sein de la société JFG Networks »,

de sorte que le représentant légal de la société requérante n’est pas expressément indiqué.

La nullité ne pouvant toutefois être prononcée qu’à la charge pour la société Paperblog qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, conformément aux dispositions de l’article 114 alinéa 2 du code civil, la société Paperblog ne se prévaut d’aucun grief.

En outre, elle n’est pas sans savoir que la société JFG Networks est légalement représentée par son président domicilié à son siège social, soit Monsieur Frédéric M. qu’elle connaît personnellement pour lui avoir adressé directement et nominativement par l’intermédiaire de son Conseil, la société d’avocats Iteanu, une lettre recommandée avec accusé de réception le 22 septembre 2009, doublée à l’identique d’un courriel le lendemain aux adresses électroniques frederic@m…..org et frederic@over-blog.com.

Aussi, en l’absence de tout préjudice de sa part, il importe d’écarter son exception de nullité.

Sur la fin de non-recevoir tenant au défaut de mandat de Monsieur Nicolas P. pour représenter en justice la société JFG Networks

Aux termes de l’assignation précitée, indépendamment de son représentant légal, la société JFG Networks est encore représentée par un mandataire spécial en la personne de Monsieur Nicolas P.

Ce dernier produit à l’audience un « mandat de représentation » émanant de Monsieur Frédéric M. daté du 29 décembre 2009 ainsi libellé :
« Je, Frédéric M., Président de la société JFG Networks, SAS au Capital de 43 680 euros immatriculée au n°480170240 du RCS de Toulouse et dont le siège social se situe 31000 Toulouse, donne mandat et pouvoir de représentation légale de la société JFG Networks à Nicolas P. né à Paris 15e, domicilié à Toulouse, salarié de I‘entreprise JFG Networks en tant que responsable juridique, l‘audience du lundi 4 janvier 2010 à 14 heures devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse. »

L’indication de cette dernière ville procédant d’une erreur d’appréciation manifeste, dans la mesure où seul le juge des référés du tribunal de grande instance Bordeaux a été saisi par la société JFC Networks d’une procédure fixée à l’audience du lundi 4 janvier 2010 à 14 heures, le pouvoir spécial ainsi remis peut-il être considéré comme non sérieusement contestable, et autorisant Monsieur Nicolas P. à soutenir la requête à cette audience.

Est indifférente la circonstance que le mandat de représentation ait été établi le 29 décembre 2009, soit postérieurement à la signification de l’exploit introductif d’instance, dans la mesure où ce dernier avait été délivré à la requête du représentant légal de la société JFG Networks, et que le pouvoir de représentation de Monsieur Nicolas . ne concerne que l’audience postérieure du lundi 4 janvier 2010.

Dans ces conditions, la procédure est régulière en la forme, et la fin de non-recevoir opposée par la société Paperblog rejetée.

Sur la contrefaçon alléguée de la marque Overblog par la société Paperblog

La société JFG Networks, titulaire de la marque Overblog pour l’avoir régulièrement déposée le 1er décembre 2004 et le 19 octobre 2006, édite depuis le mois de septembre 2004 sur internet un service d’hébergement gratuit de blogs dénommé Overblog, consistant à mettre à la disposition des internautes un espace pour la publication des informations de leur choix, ainsi que des outils logiciels leur permettant de présenter et de mettre en ligne ces contenus.

Elle a ainsi mis en place, à l’instar d’autres sociétés, un service permettant aux internautes de créer leur blog à l’adresse www.over-blog.com.

La société Paperblog a une activité quelque peu différente depuis sa création en 2006, dans la mesure où, éditant le site internet www.paperblog.fr, elle propose aux internautes titulaires de blogs de s’y inscrire pour y diffuser leur contenu, se définissant comme un «agrégateur» de blogs ouvert aux seuls blogeurs.

Dans ces conditions, la société JFG Networks a pu faire constater par huissier que certaines de ses publications figuraient sur le site de la société Paperblog en comportant l’indication «Bienvenue sur Overblog-Paperblog», et se retrouvaient de la sorte mises à la disposition du public à travers les moteurs de recherche, dont Google.

Prétendant ces agissements parasitaires, en ce qu’ils détourneraient de la plate-forme Overblog au profit de celle de la société Paperblog certaines de ses publications tout en créant une confusion auprès du public, et se réservant la possibilité de les dénoncer dans le cadre d’une prochaine audience devant la juridiction du fond, la société JFG Networks a saisi le juge des référés pour prévenir le trouble manifestement illicite et le dommage imminent qui résulterait de la contrefaçon de sa marque Overblog en demandant qu’il soit fait interdiction à la société Paperblog de l’utiliser sous astreinte, ainsi que d’utiliser le contenu hébergé par sa plate-forme Overblog.

II ressort cependant des éléments qui précèdent que la société Paperblog n’est pas l’auteur des articles publiés sur son site, et que ceux-ci lui ont été transmis précisément par leurs auteurs pour qu’elle les communique au public en ligne.
Editeur de son site internet, elle est également l’hébergeur des blogs mis en ligne sur celui-ci.

La question se pose dès lors de savoir si elle est encore éditeur du contenu des blogs ainsi mis en ligne sur son site. La société Paperblog s’en défend, en faisant valoir que si elle dispose d’une équipe éditoriale, qui permettrait de la qualifier d’éditeur, aucun des articles intitulés « Bienvenue sur Overblog» n’aurait fait l’objet de la sélection éditoriale de l’équipe de la société Paperblog. En tout état de cause, l’appréciation de cette question, sujette à contestation sérieuse, ressort de la seule compétence de la juridiction du fond.

Il apparaît dès lors que la responsabilité de la société Paperblog ne pourrait être engagée qu’en sa qualité d’hébergeur. Dans ces conditions, serait applicable l’article 6-I-2 de la loi n° 2004/575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique prévoyant un régime de responsabilité limitée pour les hébergeurs dans les conditions suivantes :

« Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n‘avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible ».

Cependant la société JFG Networks n’invoque pas à l’audience les faits qu’elle avait notifiés à la société Paperblog dans son courrier du 7 septembre 2009, alors qualifiés d’actes parasitaires, mais se prévaut seulement de contrefaçons, constitutives de faits nouveaux non notifiés précédemment.

En outre, l’appréciation de la contrefaçon, consistant pour la société Paperblog à utiliser le lien hypertexte «Bienvenue sur Overblog-Paperblog» est encore sérieusement contestable dans la mesure où il fait mention de la société Paperblog, et que la seule indication de la marque Overblog comme référence ne fait que renvoyer vers le blog d’origine utilisé par l’auteur pour sa création.

Enfin, les auteurs de blogs ayant tous expressément donné à la société Paperblog l’autorisation de reproduire sur son site leurs articles, la société JFG Networks, qui n’est pas l’auteur de ces articles, ne saurait légitimement demander au juge des référés d’interdire à la société Paperblog de les reproduire en ligne.

Aussi, pour ne subir aucun trouble manifestement illicite ou dommage imminent, la société JFG Networks doit-elle être déboutée de l’intégralité de ses prétentions.

Sur la demande reconventionnelle

La société Paperblog sollicite tout d’abord la condamnation de la société JFG Networks au paiement d’une amende civile.

L’appréciation inexacte par cette dernière de la portée de ses droits n’étant pas en soi constitutive d’une faute intentionnelle et encore moins d’un abus du droit d’ester en justice, la société Paperblog est déboutée de ce chef de demande.

Elle sollicite également la condamnation de la société JFG Networks à lui verser la somme de 3000 € à titre de provision sur dommages-intérêts, en faisant valoir que la société requérante n’a pu être motivée que par une volonté de lui nuire, démontrant ainsi une mauvaise foi de sa part. Cependant, la société JFG Networks n’a incontestablement voulu sauvegarder que ses intérêts légitimes en faisant défense à la société Paperblog d’utiliser à son seul profit les articles des internautes publiés sur son site. Cette aspiration ne ressortissant d’aucune volonté de nuire, la société Paperblog est encore déboutée de ce chef de demande, au demeurant non justifiée dans son montant.

Elle demande encore la condamnation de la société JFG Networks à lui verser la somme de 15 000 € à titre de provision sur dommages-intérêts en réparation des actes de dénigrement commis à son encontre sur internet. La demande de dommages et intérêts présentée par la société Paperblog, en l’absence de faute établie, apparaît cependant sérieusement contestable et à ce titre irrecevable en référé. Elle ne peut qu’en être déboutée.

Enfin, les publications sollicitée par la société Paperblog apparaissent inopportunes dans la mesure où le juge des référé ne statue pas sur le fond du litige, la présente ordonnance n’ayant pas autorité au principal en ce qu’elle ne lie pas le juge du fond devant lequel les parties ont la possibilité de se mieux pourvoir.

Enfin l’équité ne commande pas que soit allouée, à l’une ou l’autres des parties, une indemnité au titre des frais irrépétibles et non compris dans les dépens qu’elles se sont vus contraints d’exposer du fait de l’introduction en justice de la présente procédure de référé. Elles sont dès lors déboutées toutes deux de leurs prétentions sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

II importe enfin de laisser à la société JFG Networks, qui ne voit pas ses prétentions aboutir en référé, la charge des entiers dépens.

DECISION

Le président du tribunal de grande instance, statuant par ordonnance de référé contradictoire et en premier ressort,

. Rejette l’exception de nullité de l’acte introductif d’instance ;

. Déclare Monsieur Nicolas P. habilité à représenter la société JFG Networks à l’audience des référés civils du 4 janvier 2010 en vertu du pouvoir spécial que lui a remis à cette fin Monsieur Frédéric M., président de la société JFG Networks SAS ;

. Déboute la société JFG Networks de l’intégralité de ses prétentions ;

. Dit n’y avoir lieu à référé ;

. Déboute pareillement la société Paperblog de sa demande reconventionnelle ;

. Dit n’y avoir lieu en faveur de quiconque à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

. Condamne la société JFG Networks aux entiers dépens.

Le tribunal : M. Christian Riss (président)

Avocat : Me Olivier Iteanu, M. Nicolas Poirier ès qualitès de responsable juridique

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