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Jurisprudence : Base de données

vendredi 04 juillet 2008
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Tribunal de commerce de Paris Ordonnance de référé 18 juin 2008

Société SAS / IIEESS

bases de données - extraction - interdiction - parasitisme

FAITS ET PROCEDURE

Autorisée à assigner en référé d’heure à heure par Ordonnance rendue sur requête le 2 juin 2008 en application des dispositions de l’article 485 du CPC, la SAS Société nous demande par acte en date du 4 juin 2008 auquel il conviendra de se reporter quant à l’exposé des faits, de :

Vu l’article 872 du CPC

Vu l’article 1382 du Code Civil

Vu les conditions d’utilisation du site internet « societe.com »,

– Ordonner à la société IIEESS qu’elle cesse la diffusion du logiciel Qualification Pro de la gamme Ditel qu’elle édite, sous astreinte de 5000 € par infraction constatée à compter de la date de délivrance de l’assignation ayant saisi Monsieur le Président du Tribunal de céans.
– Ordonner à la société IIEESS qu’elle communique à Société SAS ses chiffres complets de vente du logiciel Qualification Pro de la gamme Ditel, depuis sa mise en vente jusqu’à son interdiction, sous astreinte de 1500 € par jour de retard à compter du 8ème jour de la signification de la décision à intervenir.
– Ordonner à la société IIEESS qu’elle adresse par tous moyens à l’ensemble des utilisateurs licenciés du logiciel Qualification Pro qu’elle a enregistrés, une demande de restitution contre remboursement de tous les exemplaires du logiciel Qualification Pro vendus et détenus par ces utilisateurs licenciés.
– Dire que la société IIEESS devra justifier de cet envoi auprès de la défenderesse (sic) dans un délai d’un mois à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir sous astreinte, au-delà du délai d’un mois, de 1500 € par jours de retard.
Condamner par provision la société IIEESS à payer à Société SAS une somme de 50 000 € au titre de la réparation du préjudice subi par la demanderesse.
– La condamner à payer à société SAS une somme de 5000 € en application de l’article 700 du CPC ainsi qu’en tous les dépens de la présente instance y compris le constat dressé par Maître Jérôme Legrain, Huissier de Justice à Paris, les 21, 24 avril et 5 mai 2008.

L’affaire a été appelée à notre audience du 12 juin 2008.

La société IIEESS ainsi que la société de droit américain, Ditel LLC, intervenante volontaire, se sont fait représenter et, après avoir développé à la barre les moyens de leurs écritures, nous demandent aux termes de conclusions motivées de :

– Déclarer recevable et bien fondée la société Ditel LLC en sa demande d’intervention volontaire à titre principal dans l’instance opposant la société Société SAS à la société IIEESS ;
– Déclarer recevables et bien fondées les sociétés (sic) en toutes ses demandes, fins, moyens et prétentions.
– Y faire droit

En conséquence

In limine litis,

Nous déclarer incompétent au profit du Tribunal de Grande Instance de Paris.

A titre subsidiaire,
– Dire n’y avoir lieu à référé en raison de l’existence d’une contestation sérieuse.

En conséquence, débouter la société Société SAS en toutes ses demandes, fins, moyens et prétentions ;

Dans tous les cas,
– Condamner la société Société SAS à payer la société Ditel LLC et à la société IIEESS la somme de 5000 € chacune en application de l’article 700 du Code de Procédure.
– Condamner la société Société SAS en tous les dépens.

[…]

Les parties ont été reçues en audience contradictoire le 12 juin et ont été autorisées à remettre des notes en délibéré ce qu’elles ont fait toutes deux. La décision leur a été annoncée pour le 18 juin 2008 à 12 heures.

DISCUSSION

La partie en défense IIEESS sollicite la comparution volontaire du producteur du logiciel en cause, la société Ditel LLC, sise à New Castle Country au Delware (Etats-Unis) – le requérant ne s’y oppose pas.

Puisque c’est la diffusion par IIEESS du logiciel propriété de Ditel qui est à l’origine du présent litige nous déclarerons l’intervention volontaire de Ditel recevable et bien fondée, Ditel ayant intérêt à voir rejeter les demandes en référé de Société SAS en tant que producteur du logiciel en cause.

Les défenderesses soutiennent l’incompétence du Président du Tribunal de Commerce de Paris par application de l’article L 342-1 du Code de la Propriété Intellectuelle (CPI).
Or :

1) La lecture de l’article L 336-1 alinéa 1er du CPI que citent les parties en défense ne permet pas d’en induire une compétence exclusive” du Président du Tribunal de Grande Instance qui, “statuant en référé, peut ordonner sous astreinte toutes mesures nécessaires à la protection de ce, droit et conformes à l’état de l’art”.
Cet article ne fait pas obstacle entre sociétés commerciales à l’application de l’article 873 du Code de Procédure Civile qui donne au Président du Tribunal de
Commerce le pouvoir, “même en présence d’une contestation sérieuse” de prescrire en référé toute mesure “soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite”

2) Comme l’observent les parties défenderesses, les mêmes faits ne sauraient être qualifiés à la fois d’atteintes au droit de propriété intellectuelle et d’actes de concurrence déloyale ou parasitaire.

Aussi en nous fondant, sur l’article 873 du CPC nous déclarerons nous compétents pour examiner s’il y a acte de parasitisme.
La requérante demande que nous ordonnions que cesse la diffusion par IIEESS du logiciel qualification Pro de la Gamme Ditel.

Elle soutient en effet que Ditel fait acte de parasitisme en utilisant sans son autorisation son nom et sa propriété intellectuelle et que IIEESS lui fait une concurrence déloyale en permettant aux acquéreurs payants du logiciel qualification Pro de Ditel d’utiliser la prestation de Société SAS sans contrepartie, c’est à dire gratuitement sans les mentions publicitaires qui sont pour l’utilisateur direct de société.com la compensation de la gratuité.

Les défenderesses soutiennent que Société SAS n’est que le fournisseur d’une base de données publiques à laquelle elle doit laisser libre accès à raison de l’article L 342-3 du CPI puisque les utilisateurs de qualification Pro – seuls en cause – peuvent avoir accès directement et gratuitement à ces données publiques.

Cependant nous constatons que ces données – pour publiques qu’elles soient – sont vérifiées, présentées et mises en forme puis diffusées par Société SAS d’une façon telle que Société fait oeuvre de propriété intellectuelle ne serait-ce qu’en vérifiant et formatant les données et en en garantissant l’exactitude.

Pour ce faire, elle a consenti “un investissement financier, matériel ou humain substantiel” qui justifie qu’elle bénéficie d’une protection comme le dit l’article L 341-1 du CPI.

Parmi les caractéristiques qui rendent attrayant pour Ditel et donc pour l’utilisateur de qualification Pro

L’usage de société.com pour renseigner tout fichier de clientèle existant figure l’exactitude.

En donnant accès, sans son accord, gratuitement au savoir-faire de Société SAS, IIEESS fait acte de parasitisme à l’encontre de la requérante et ne peut exciper des dispositions de l’article L 342-3 du CPI, puisqu’elle donne accès à une caractéristique substantielle qualitativement, – la fiabilité – de la base de données relative aux entreprises élaborée par Société SAS.

C’est pourquoi nous ordonnerons sous astreinte la cessation pour l’avenir du trouble manifestement illicite ainsi constitué. En revanche nous n’imposerons pas la restitution du logiciel par les utilisateurs de qualification Pro, acquéreurs de bonne foi et laisserons au juge du fond l’évaluation du préjudice revendiqué par Société SAS.

Sur l‘article 700 du C.P.C.

Il parait équitable, compte tenu des éléments fournis, de condamner solidairement la société IIEESS et la société Ditel LLC à payer à la Société SAS une somme de 5000 €, en application de l’article 700 du C.P.C, déboutant pour le surplus.

DECISION

Par ces motifs,

Statuant par ordonnance contradictoire en premier ressort,

Vu l’article 873 du CPC,

Vu les articles L 341-1 et L 342-1 du Code de la Propriété intellectuelle.

. Nous déclarons recevable l’intervention volontaire de la société Ditel LLC.

. Nous ordonnons à la société IIEESS de cesser la diffusion du logiciel qualification Pro de la gamme Ditel sous astreinte provisoire de 5000 € par infraction constatée à compter de la date de la signification de la présente ordonnance, sur une durée de 30 jours maximum.

. Nous ordonnons à la société IIEESS qu’elle communique à la Société SAS ses chiffres de facturation du logiciel qualification Pro de Ditel depuis sa mise en vente jusqu’à son interdiction sous astreinte provisoire de 1500 € par jour à compter du huitième jour calendaire consécutif à la date de la signification de cette ordonnance et sur une durée de 30 jours.

. Nous condamnons solidairement la société IIEESS et la société Ditel LLC à payer à la Société SAS la somme de 5000 € en application de l’article 700 du ncpc, ainsi que les frais de constat d’huissier dressé par Me Legrain le 21, 24 avril et 5 mai 2008, déboutons pour le surplus.

. Nous disons n’y avoir lieu à référé sur les demandes autres plus amples ou contraires des parties.

. Nous nous réservons de liquider les astreintes s’il y a lieu.

. Condamnons solidairement la société IIEESS et la société Ditel LLC aux dépens.

Le tribunal : M. Auberger (président)

Avocats : Me Olivier Iteanu, Me Alain Bensoussan

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