Jurisprudence : Marques
Tribunal de grande instance de Paris 3ème chambre, 1ère section Jugement du 29 janvier 2003
Sarl Star 3, Sa Astotel / Association Hotels, Sa Voldiscount
concurrence déloyale - marques - nom de domaine
Les faits
L’Association Hôtels (ci-après désignée « Hôtels »), association de la Loi de 1901 constituée le 20 février 1996, dont la dénomination sociale est « hôtels », « a pour objet de mettre en valeur la qualité de l’hôtellerie française à l’étranger » (article 3 des statuts) ;
Le 30 septembre 1996, elle réservait et enregistrait auprès de l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (Afnic) le nom de domaine www.hôtels.fr dont le site internet commercialisé par « La centrale internet » et « France serveur multimédia » en partenariat avec « Hôtels » est opérationnel depuis octobre 1996 et, présentant un choix d’hôtels sur l’ensemble de la France, permet de procéder à des réservations de chambres ;
La société Voldiscount Sa (ci-après désignée Voldiscount), constituée et inscrite au Registre du commerce et des sociétés (RCS) le 16 mai 2000, dont le nom commercial est « hôtels », exerce l’activité de « Conception, création, développement et exploitation de tout site service, portail et domaine lié au voyage, à l’hôtellerie, au tourisme en général sans agent de voyage » ;
Le 19 mai 2000, Voldiscount a acquis de « Hôtels » la propriété pleine et entière du nom de domaine www.hôtels.fr d’une part et, d’autre part, faisait l’acquisition auprès de « La centrale internet » et « France serveur multimédia » qui le commercialisaient, du droit d’exploiter le site internet « hôtels.fr » ainsi que les contrats d’hébergement d’hôtellerie y afférents ;
Le 12 avril 2000, la Star 3 Sarl (ci-après désignée Star 3) a déposé le nom de domaine www.hôtel.fr dont le site est exploité par la société Astotel Sa dit Groupe Astotel (ci-après désignée Astotel) constituée le 4 avril 1980, inscrite au RCS le 25 juin suivant dont l’activité est « Prestations de services dans le domaine de l’hôtellerie » ;
Par ordonnance de référé, le président du Tribunal de commerce de Paris en date du 21 septembre 2000, saisi par « Hôtels » et Voldiscount, faisant interdiction à Astotel et à Star 3 d’utiliser le nom de domaine www.hôtel.fr sous astreinte provisoire de 2000 F par jour de retard ;
Par arrêt du 9 mars 2001, la cour d’appel de Paris (14ème chambre, section B) prononçait l’annulation de l’ordonnance entreprise en raison du défaut de signature du Président et du Greffier, et statuant en vertu de l’effet dévolutif de l’appel, disait n’y avoir lieu à référé sur les demandes de « Hôtels » et de Voldiscount, « Considérant qu’il n’est (…) pas établi avec l’évidence exigée en référé, que les appelantes en déposant et en exploitant leur nom de domaine ayant pour identifiant le terme générique « hôtel » au singulier se soient rendues coupables d’actes de contrefaçon ou de concurrence déloyale, ainsi qu’il leur est reproché par les intimées » ; en conséquence, Star 3 et Astotel pouvaient reprendre l’exploitation du site « hôtel.fr » ;
La procédure
Par exploits d’huissier des 11 avril et 13 avril pour tentative puis des 18 avril et 3 mai 2001 en PV de l’article 659 du ncpc, Star 3 et Astotel ont respectivement fait assigner Voldiscount et « Hôtels » devant le présent tribunal ;
Dans leurs dernières écritures, Star 3 et Astotel demandent :
A titre principal :
– de déclarer nulle et de nul effet la cession intervenue le 19 mai 2000 entre Voldiscount et « Hôtels »,
– en conséquence :
* de constater l’antériorité du dépôt du nom de domaine www.hôtel.fr par Star 3 à celui effectué par Voldiscount pour le nom de domaine www.hôtels.fr ;
* de dire et juger que Star 3 bénéficie d’un droit d’usage exclusif du nom de domaine www.hôtel.fr ;
* de rejeter toute demande, fin et conclusions de « Hôtels » et de Voldiscount ;
A titre subsidiaire :
– de dire et juger que, compte tenu du particularisme de la recherche d’information sur internet, il existe une différence totale entre les noms de domaine www.hôtel.fr et www.hôtels.fr ;
– en conséquence :
* de dire et juger qu’il n’y a aucune confusion opérée par l’usage de www.hôtel.fr sur www.hôtels.fr , à tout le moins qu’il n’y a aucun acte de concurrence parasitaire de Star 3 et de Astotel vis-à-vis de « Hôtels » et de Voldiscount ;
* dire et juger que Star 3 bénéficie d’un droit d’usage exclusif du nom de domaine www.hôtel.fr ;
* de rejeter toute demande, fin et conclusions de « Hôtels » et de Voldiscount ;
En tout état de cause :
– de condamner in solidum Voldiscount et « Hôtels » à leur payer la somme à parfaire ou à diminuer de 152 449,02 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice commercial et moral subi ;
– de rejeter toute demande fin et conclusions de « Hôtels » et Voldiscount ;
– de condamner in solidum Voldiscount et « Hôtels » à leur payer la somme de 4000 € au titre de l’article 700 du ncpc outre les entiers dépens ;
A l’appui de leurs demandes, Star 3 et Astotel font valoir :
A titre principal que :
1° « Hôtels » et Voldiscount n’ont jamais eu de droit privatif sur le terme « hôtel(s) » car :
– ce terme ne revêt aucun caractère distinctif au sens de l’article L 711-2 du code de la propriété intellectuelle ;
– il s’agit d’un terme générique qu’impose naturellement le service qu’il désigne à savoir l’hôtellerie ;
– de ce fait, le terme « hôtel(s) » ne pouvait faire l’objet d’un dépôt ;
– ce que le droit des marques dénie à l’association Hôtels, celle-ci ne saurait l’acquérir sur le fondement des droits d’une personne morale sur sa dénomination sociale, droit nécessairement atténué par rapport à un droit de propriété sur une marque donnée, nonobstant toute « réservation » ou « enregistrement » ;
– « Hôtels » ne pouvant transmettre plus de droits qu’elle n’en possède, ne pouvait transmettre à Voldiscount le terme « hôtel(s) » sur lequel elle n’avait aucun droit privatif ;
2° sur la nullité de la cession invoquée par Voldiscount
– aux termes de l’article 1108 du code civil et compte tenu de la démonstration qui précède, la convention en cause est manifestement dépourvue d’objet formant la matière de l’engagement, ladite convention se trouvant, au surplus, dépourvue de cause en application de l’article 1131 du code civil, et se trouve donc frappée de nullité absolue ;
3° le terme « hôtel(s) » n’est pas dans le commerce
– compte tenu de l’article 1128 du code civil qui énonce : « Il n’y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l’objet de convention » ;
– par ailleurs, la charte de nommage de la zone « .fr » établie par l’Afnic, seul organisme délégataire de l’autorité de l’Internic pour la gestion de l’attribution des noms de domaine en France énonce notamment : » (…) Le nom attribué est un droit d’usage appartenant à l’organisme demandeur et non au fournisseur d’accès internet ; de ce fait, le nom de domaine n’est pas cessible d’une société à une autre. Il est impératif qu’une société A demande l’abandon de son nom de domaine pour que la société B puisse demander une nouvelle création de nom dans ce domaine » ;
– il en résulte que la cession intervenue le 19 mai 2000 sera de plus fort déclarée nulle et de nullité absolue puisque l’objet même de cette cession n’est pas transmissible ;
– en outre aucune relation juridique susceptible de légitimer une cession nulle au regard des règles du code civil n’existe entre « Hôtels » et Voldiscount, la seule relation juridique entre ces deux entités se trouvant dans un acte de cession entaché de nullité ;
4° Voldiscount ne peut se prévaloir d’un quelconque droit d’usage sur le terme « hôtel(s) »
– l’acte de cession revendiqué ne peut s’analyser qu’en une concertation entre « Hôtels » et Voldiscount au terme de laquelle la première a procédé à l’abandon de son nom de domaine auprès de l’Afnic pour permettre, l’instant suivant, pendant lequel le nom de domaine est redevenu libre et au cours duquel toute personne peut solliciter sa réservation, à Voldiscount de solliciter l’attribution du droit d’usage sur ledit nom de domaine ;
– en conséquence, Voldiscount ne peut se prévaloir de ce droit d’usage qu’à compter du jour où elle a effectué le dépôt à titre personnel, c’est-à-dire en mai 2000, et non comme ayant droits de « Hôtels » ;
– Star 3 ayant fait son propre dépôt le 12 avril 2000, soit antérieurement, est donc seule à avoir un droit privatif sur le nom de domaine en cause dont l’usage ne peut lui être interdit par quiconque ;
A titre subsidiaire :
Sur l’absence d’identité entre les noms de domaine www.hôtel.fr et www.hôtels.fr et consécutivement de confusion volontaire de la part de Star 3 et de Astotel
– le nom de domaine n’est que le moyen mnémotechnique de mémorisation d’un code URL par lequel un internaute accède au site correspondant, il s’agit d’un mécanisme de recherche brute de l’information ne laissant aucune place aux critères visuels ou phonétiques ;
– dans la mesure où le nom « hôtel(s) » revêt tantôt un caractère singulier, tantôt un caractère pluriel, cela constitue une différence totale entre les deux termes et par voie de conséquence, une absence de confusion volontaire de la part de Star 3 donc d’acte de concurrence parasitaire ;
En tout état de cause :
Star 3 et Astotel ont subi un important préjudice commercial et financier, n’ayant pu exploiter le site litigieux entre le 10 octobre 2000, date de la signification de l’ordonnance de référé, et avril 2001, date de la signification de l’arrêt infirmatif ; il en est résulté une importante baisse du chiffre d’affaires d’environ 40% puis une stagnation jusqu’en mars 2001 et, enfin un rétablissement stabilisé à 200 000 F/mois après mars ; cette cassure pendant 6 mois, représente une perte mensuelle sur le dernier chiffre d’affaires d’environ 80 000 à 90 000 F soit un total de perte de l’ordre de 480 000 à 540 000 F ;
Dans leurs dernières écritures, « Hôtels » et Voldiscount, régulièrement constituées demandent :
– de débouter purement et simplement Star 3 et Astotel de l’intégralité de leurs demandes ;
– de dire et juger que la cession intervenue entre « Hôtels » et Voldiscount est licite en vertu de l’article 1128 du code civil ;
– de dire et juger qu’à ce titre, elles sont titulaires d’un droit exclusif sur ce nom de domaine ;
En conséquence :
* d’interdire à Astotel et à Star 3 l’utilisation du nom de domaine www.hôtel.fr sous astreinte provisoire de 2000 F/jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;
* d’ordonner à Star 3 d’abandonner le nom de domaine « hôtel.fr » et de procéder à la radiation de ce nom de domaine au registre de l’Afnic ;
* vu le nom de domaine « hôtels.fr » déposé le 30 septembre 1996, les actes de concurrence déloyale, la reproduction à l’identique du nom de domaine par l’identifiant « hôtel.fr » :
. de constater que le nom de domaine « hôtel.fr » a été déposé le 12 avril 2000 alors que le nom de domaine « hôtels.fr » a été déposé le 30 septembre 1996 ;
. de dire et juger que l’antériorité du nom de domaine « hôtels.fr » (30 septembre 1996) rendait indisponible l’identifiant « hôtel.fr » (12 avril 2000) ;
* vu le risque de confusion ainsi créé, de condamner Astotel et Star 3 au paiement de la somme :
. de 500 000 F au titre de concurrence parasitaire et au titre du comportement déloyal ;
. de 100 000 F au titre de l’abus de droit ;
. de 50 000 F au titre de l’article 700 du ncpc
* d’ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir ;
A l’appui de leurs prétentions, « Hôtels » et Voldiscount font valoir :
1° Sur la prétendue nullité de la cession du nom de domaine « hôtels.fr » au profit de Voldiscount
Que le commerce électronique étant avant tout un commerce au sens de l’article 1128 du code civil, le nom de domaine est une chose qui est bien dans le commerce, s’analysant comme une véritable enseigne ou dénomination sociale électronique puisque sur internet :
– l’identification de l’entreprise se fait surtout par l’attribution du nom de domaine qui est à la fois un moyen d’accès électronique et un identifiant ;
– le nom de domaine constitue le vecteur de la réputation commerciale de l’entreprise et lui donne son pouvoir attractif et une valeur marchande ;
Qu’étant un signe de ralliement de clientèle, le nom de domaine est donc un élément incorporel du fond de commerce et peut donc faire l’objet d’une cession ou d’une concession comme cela résulte de la jurisprudence (TGI Nanterre, 20 mars 2000 affaire Sony/Alifax, Trib. Comm. Nanterre, Juge commissaire, 12 septembre 2001) ;
2° Sur l’utilisation identique et similaire du nom de domaine www.hôtel.fr
Qu’il est incontestable que le nom de domaine « hôtel.fr » constitue une reproduction à l’identique du nom de domaine « hôtels.fr » ;
Que cette similitude porte également sur le contenu du site et de son exploitation commerciale s’agissant de réservation de chambres d’hôtel et qu’en s’inspirant largement du nom de domaine www.hôtels.fr pour tirer profit sans bourse délier de ses efforts et de ses investissements, les demanderesses ont donc commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme économique ;
Que le risque de confusion et de détournement de clientèle est d’autant plus aggravé que les internautes accèdent plus volontiers sur le réseau internet par des adresses de sites au singulier ;
3° Sur l’antériorité du nom de domaine www.hôtels.fr
Que son dépôt date du 22 septembre 1996 alors que celui des demanderesses n’a été fait que le 12 avril 2000, d’une part, d’autre part, qu’il résulte du courrier du 18 mai 2000 de l’Afnic, seule autorité habilitée à gérer l’attribution des noms de domaine dans la zone « .fr », que la cession intervenue le 19 mai de la même année au profit de Voldiscount a été autorisée sans abandon du nom de domaine en raison du lien juridique existant entre les deux structures ;
Qu’en tout état de cause, la nullité de cette cession supposée acquise, lors du dépôt du 12 avril 2000, « Hôtels » était encore propriétaire du nom de domaine « hôtels.fr » cédé le 19 mai suivant, que dès lors cette antériorité constitue un obstacle et rend indisponible au sens de l’article L 711-4 du code de la propriété intellectuelle toute utilisation ou reproduction d’un signe identique ou similaire ;
4° Sur l’atteinte à la dénomination sociale et au nom commercial
Que le titulaire d’un nom commercial et d’une dénomination sociale disposant d’un droit de propriété incorporelle, l’enregistrement du nom de domaine « hôtel.fr » porte incontestablement atteinte à ceux-ci, étant précisé que l’association a été créée le 20 février 1996 et déclarée en préfecture de Police de Paris le 20 mars 1996 soit avant le dépôt du nom de domaine litigieux ;
5° Sur le prétendu préjudice
Que les demanderesses ne rapportent pas la preuve d’un quelconque préjudice, ne communiquant aucune pièce concernant les connexions sur le site avant la décision du Tribunal de commerce ;
Qu’en tout état de cause l’interdiction d’exploiter le site résulte d’une décision de justice et que les demanderesses avaient de nouveau la faculté de reprendre cette exploitation à la suite de l’arrêt de la cour d’appel ;
6° Sur la demande reconventionnelle
Que la concurrence parasitaire, la confusion dans l’esprit des internautes et l’atteinte au droit d’usage exclusif du nom de domaine « hôtels.fr » justifient, outre les demandes de dommages-intérêts y compris pour l’abus de droit, que le tribunal prononce l’interdiction d’utiliser par Star 3 et Astotel le nom de domaine « hôtel.fr » dans les mêmes termes que l’ordonnance rendue par le Tribunal de commerce du 21 septembre 2000 d’une part, d’autre part, ordonne l’abandon du nom de domaine « hôtel.fr » ;
La discussion
Attendu qu’au regard de l’argumentation développée par les demanderesses, il y a lieu d’examiner successivement 1° la question de l’existence de droits privatifs sur le terme « hôtel(s) », 2° celle de la validité de la cession du 19 mai 2000 comportant celle de savoir si un nom de domaine est ou non une chose qui est dans le commerce ainsi que celle relative à la procédure d’attribution de nom de domaine par l’Afnic donc de l’antériorité et du droit d’usage, 3° celle de la concurrence déloyale, du comportement parasitaire et de l’atteinte au nom commercial et à la dénomination sociale, enfin, 4° celle des mesures de réparations sollicitées ;
I° En ce qui concerne l’existence de droits privatifs sur le terme « hôtel(s) »
Attendu que les demanderesses estiment que ce terme étant générique et ne présentant aucun caractère distinctif, il ne peut faire l’objet de dépôt donc de cession et qu’ainsi, « Hôtels » ne peut transmettre plus de droits qu’elle n’en dispose ;
Attendu, à titre préliminaire, qu’il y a lieu de remarquer que si tel est le cas, le même raisonnement devra s’appliquer en retour à l’encontre de Star 3 et Astotel dont les prétentions sur le terme litigieux deviendront « ipso facto » sans objet ;
Attendu sur le fond de la question, que si l’article L 711-2 du code de la propriété intellectuelle exige effectivement d’un signe, utilisé à titre de marque, qu’il présente un caractère distinctif, en l’état actuel du droit et de la jurisprudence, le nom de domaine se distingue précisément des autres signes distinctifs en ce qu’il peut être constitué de termes descriptifs ou génériques faisant directement référence au type d’activité visé d’une part, qu’il échappe au principe de spécialité d’autre part ;
Attendu en conséquence que « Hôtels » et Voldiscount peuvent éventuellement avoir un droit privatif sur le terme « hôtel(s) » ;
II° En ce qui concerne la validité de la cession du nom de domaine « hôtels.fr » et ses conséquences
Attendu qu’il y a lieu de s’interroger en premier lieu sur le point de savoir si un nom de domaine est ou non dans le commerce, ensuite sur la validité de la convention du 19 mai 2000 au regard de la procédure d’attribution et de gestion des noms de domaine et enfin sur le droit d’usage et la détermination de l’antériorité de celui-ci ;
1° sur l’application de l’article 1128 du code civil aux noms de domaine
Attendu qu’un droit privatif étant reconnu comme possible sur le terme « hôtel(s) », c’est en vain que les demanderesses ont recours aux dispositions des articles 1108 et 1131 du code civil pour dénoncer l’absence d’objet formant la matière de l’engagement et l’absence de cause de la convention contestée ;
Attendu par ailleurs, que c’est avec raison que les défenderesses rappellent l’existence du commerce électronique pouvant se définir, selon la doctrine, comme les transactions, communications, échanges de biens et de services, intégralement conclus et exécutés par voie électronique à distance entre les entreprises et leurs partenaires quelle que soit la qualité de ceux-ci ;
Attendu que dans ce contexte, le nom de domaine s’analyse comme une enseigne ou une dénomination sociale électronique ; que par ailleurs, l’identification d’une entreprise sur internet se fait essentiellement par l’attribution de ce nom de domaine ; qu’enfin, ce nom de domaine est à la fois un moyen d’accès au commerce électronique et un identifiant d’une part, d’autre part, constitue le vecteur de la réputation commerciale de l’entreprise et lui donne son pouvoir attractif, qu’il en résulte qu’il a naturellement une valeur marchande ce qui en fait « une chose qui est dans le commerce » ;
2° sur la validité de la convention de cession du droit de domaine www.hôtels.fr au profit de Voldiscount en date du 19 mai 2000
Attendu qu’étant un élément incorporel du fonds de commerce susceptible, à ce titre, de faire l’objet de contrats et dont l’usage peut être cédé ou concédé à des tiers dans le cadre d’une licence comme cela a d’ailleurs déjà été tranché par la jurisprudence, encore faut-il que la convention en résultant soit conforme à la procédure d’attribution et de gestion des noms de domaine par l’Afnic, seule autorité habilitée à ce faire pour la zone « .fr » ;
Attendu qu’en l’espèce, la charte de nommage de la zone « .fr » de l’Afnic précitée indique : « (…) Le nom attribué est un droit d’usage appartenant à l’organisme demandeur et non au fournisseur d’accès internet ; de ce fait, le nom de domaine n’est pas cessible d’une société à une autre. Il est impératif qu’une société A demande l’abandon de son domaine pour que la société B puisse demander une nouvelle création de nom dans ce domaine (…) » ;
Mais attendu que par courrier du 18 mai 2000, l’Afnic indiquait « (…) – Que le domaine hotels.fr peut être transféré à la société Voldiscount, sans coupure de connexion étant donné qu’il existe une relation juridique entre les deux entités. Afin que l’on puisse effectuer les modifications pour l’enregistrement du domaine hôtels.fr, vous voudrez bien nous faire suivre : le Kbis de la société Voldiscount sur lequel devra être mentionné le terme « hôtels » en enseigne commerciale ou dénomination commerciale. Les statuts de l’association détentrice du domaine hôtels.fr sur lesquels devront apparaître les noms des membres actionnaires de la société anonyme. (…) Les modifications seront directement faites par nos services et seront visibles dans les bases publiques peu de temps après » ;
Attendu en conséquence, que « Hôtels » a valablement cédé l’usage du nom de domaine « hôtels.fr » à Voldiscount, les demanderesses ne pouvant contester la réalité des relations juridiques existant entre les deux défenderesses constatées par l’Afnic, seule autorité habilitée à procéder à l’attribution et à la gestion des noms de domaine de la zone « .fr » ;
3° sur le droit d’usage du nom de domaine et l’antériorité de celui-ci
Attendu que l’attribution des noms de domaine se fait selon la règle « premier arrivé premier servi » ;
Attendu qu’en l’espèce, « Hôtels » a enregistré son nom de domaine www.hôtels.fr le 30 septembre 1996, le commercialisant de façon effective en partenariat avec La centrale internet et France serveur multimédia à compter d’octobre 1996 ; que Star 3 a fait de même pour son nom de domaine www.hôtel.fr le 12 avril 2000, celui-ci étant exploité par Astotel ; que « Hôtels », La centrale internet et France serveur multimédia ont respectivement cédé le nom de domaine www.hôtels.fr ainsi que le droit d’exploiter le site et les contrats d’hébergement y afférents le 19 mai 2000 ;
Attendu en conséquence que « Hôtels », ainsi que Voldiscount venant aux droits de celle-ci, bénéficient manifestement d’une antériorité vis-à-vis de Star 3 et d’Astotel ; que de ce fait, cette antériorité constitue effectivement un obstacle et rend indisponible au sens de l’article L 711-4 du code de la propriété intellectuelle toute utilisation ou reproduction d’un sigle identique ou similaire ;
Attendu que les demanderesses doivent par voie de conséquence, être déboutées de l’ensemble de leurs demandes.
III° En ce qui concerne la concurrence déloyale, le comportement parasitaire et l’atteinte au nom commercial ainsi qu’à la dénomination sociale de « Hôtels »
Attendu que le nom de domaine, en tant que signe distinctif, est générateur de droits au profit de son propriétaire qui ne peut en être dépossédé par un autre signe distinctif et, inversement, qu’un nom de domaine ne saurait porter atteinte à un droit antérieur tels un nom commercial, une dénomination sociale, une marque, etc …
* en ce qui concerne la concurrence déloyale et le comportement parasitaire
Attendu qu’en l’espèce, l’utilisation du nom de domaine « hôtel.fr » constitue effectivement une concurrence déloyale de la part de Star 3 et Astotel à l’égard du nom de domaine « hôtels.fr » ; qu’en effet, les deux codes d’accès, objet de la discussion, présentent une similitude tenant à leur origine étymologique et à leur énoncé qui ne se différencie que par une lettre en moins à la fin du premier (« hôtel.fr » pour les demanderesses, « hôtels.fr » pour des défenderesses) ; que par ailleurs le contenu du site et son exploitation commerciale sont similaires (commercialisation de la réservation de chambres d’hôtel) ; que l’ensemble est donc de nature à provoquer une confusion dans l’esprit des utilisateurs et donc un détournement de la clientèle au profit de Star 3 et Astotel, les internautes accédant plus facilement aux sites par des adresses au singulier ; qu’ainsi est caractérisé, par voie de conséquence, le comportement parasitaire reproché ;
* en ce qui concerne l’atteinte au nom commercial et à la dénomination sociale
Attendu, dès lors, que « Hôtels » justifiant que ce terme « hôtels » constitue bien et sa dénomination sociale et son nom commercial, comme cela résulte du Kbis, il y a lieu de constater qu’en utilisant le nom de domaine « hôtel.fr », Star 3 et Astotel ont porté atteinte à ces deux signes distinctifs ;
IV° En ce qui concerne les demandes de réparation
* en ce qui concerne les mesures d’interdiction, d’abandon et de radiation du nom de domaine litigieux
Attendu qu’au regard du type d’activité des parties et de la confusion notée plus haut, il sera fait droit à ces diverses demandes ;
* en ce qui concerne les diverses demandes de dommages-intérêts
Attendu que « Hôtels » et Voldiscount, d’une part, n’apportent pas de justificatifs à l’appui de leurs dommages-intérêts, d’autre part, ne tirent aucune conséquence chiffrée quant à l’atteinte au nom commercial et à la dénomination sociale « hôtels » ;
Attendu en conséquence, que si le préjudice allégué n’est pas contestable, à l’exclusion de ce qui concerne l’abus de droit, sa réparation doit être ramenée à de plus justes proportions comme indiqué dans le dispositif à intervenir ;
Attendu par contre qu’il paraît inéquitable de laisser aux défenderesses la charge des frais non compris dans les dépens, qu’il sera donc fait droit à la demande de ce chef dans les proportions indiquées dans le dispositif à intervenir ;
Attendu qu’il convient d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision, mais uniquement en ce qui concerne les mesures d’interdictions ;
Attendu que les demanderesses, parties succombantes, doivent les dépens.
La décision
Le tribunal statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
Vidant son délibéré du 26 novembre 2002,
. Déboute les sociétés Star 3 et Astotel dit groupe Astotel en leur demande de nullité de la cession du 19 mai 2000 entre l’Association Hôtels et la société Voldiscount Sa et de reconnaissance d’un droit d’usage exclusif sur le nom de domaine www.hôtel.fr ;
. Déboute par voie de conséquence la Sarl Star 3 et la Sa Astotel de l’ensemble de leurs demandes ;
. Reçoit l’Association Hôtels et la société Voldiscount en leurs demandes mais les dit partiellement fondées ;
. Constate la validité de la cession du 19 mai 2000 entre l’Association Hôtels et la société Voldiscount, portant sur le nom de domaine www.hôtels.fr ;
. Dit que, de ce fait, l’Association Hôtels et la société Voldiscount bénéficient de l’antériorité de l’enregistrement dudit nom de domaine et sont titulaires d’un droit d’usage exclusif sur celui-ci, rendant indisponible l’identifiant « hôtel » ;
. Dit qu’en déposant le nom de domaine www.hôtel.fr les sociétés Star 3 et Astotel se sont rendues coupables de concurrence déloyale, de comportement parasitaire et ont porté atteinte à la dénomination sociale et au nom commercial de l’Association Hôtels ;
En conséquence,
. Fait interdiction aux sociétés Star 3 et Astotel d’utiliser le nom de domaine www.hôtel.fr sous astreinte de 300 € par jour de retard à compter de la signification du présent jugement ;
. Se réserve le pouvoir de liquider ladite astreinte ;
. Ordonne à la société Star 3 d’abandonner le nom de domaine www.hôtel.fr et de procéder à la radiation de celui-ci au Registre de l’Afnic ;
. Condamne les sociétés Star 3 et Astotel à verser à l’Association Hôtels et la société Voldiscount la somme de 15 245 € de dommages-intérêts au titre de la concurrence parasitaire et du comportement déloyal ;
. Déboute l’Association Hôtels et la société Voldiscount de leur demande de dommages-intérêts au titre de l’abus de droit ;
. Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement en ce qui concerne les mesures d’interdiction uniquement ;
. Condamne les sociétés Star 3 et Astotel à verser à l’Association Hôtels et la société Voldiscount la somme de 7622 en application de l’article 700 du ncpc ;
. Condamne les sociétés Star 3 et Astotel aux entiers dépens.
Le tribunal : Mmes Apelle et Marion, M. Loos (vice présidents)
Avocats : Me Brusa, Me Michel
En complément
Maître Carlo Alberto Brusa est également intervenu(e) dans l'affaire suivante :
En complément
Maître Frédéric Michel est également intervenu(e) dans l'affaire suivante :
En complément
Le magistrat Edouard Loos est également intervenu(e) dans les 14 affaires suivante :
En complément
Le magistrat Marguerite-Marie Marion est également intervenu(e) dans les 11 affaires suivante :
En complément
Le magistrat Marie Claude Apelle est également intervenu(e) dans les 38 affaires suivante :
* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.