Jurisprudence : Logiciel
Tribunal de grande instance de Paris 3ème chambre, 3ème section 25 mars 2003
Iomega Corporation / Albi Media Manufacturing
brevet - contrefaçon - logiciel
FAITS ET PRETENTIONS
La société Iomega Corporation (ci-après Iomega) fabrique et commercialise des supports informatiques de données ainsi que leurs lecteurs spécifiques.
Cette société est titulaire de plusieurs brevets européens visant la France :
– un brevet euro-PCT déposé le 10 octobre 1995, délivré le 8 août 2000 sous le n°EP B-0 789 913 intitulé « cartouche de disque et support d’enregistrement de données destiné à réceptionner une cartouche » ;
– une demande de brevet euro-PCT déposée le 01/03/1996 et portant le n°EP A-789 908 intitulé « schéma de protection de lecture écriture pour chargeur et unité de disques » ;
– une demande de brevet euro-PCT déposée le 29 janvier 1996 et portant le n°EP A-0 789 909 intitulé « marqueur réfléchissant destiné à une cartouche de stockage de données ».
Le 15 mars 2001, la société Iomega a fait procéder à un constat d’achat dans un établissement à l’enseigne Auchan à Fontenay sous Bois de trois « packs » de disquettes de marque « Swap » puis le 22 mars suivant, elle a fait constater que ces disquettes pouvaient être lues dans un lecteur « Zip ».
Estimant que ces cartouches Swap fabriquées et commercialisées par la société Albi Media Manufacturing (dite AMM) reproduisaient certaines revendications de ses brevets, la société Iomega, le 23 mars 2001, assignait cette société en contrefaçon et en indemnisation.
Parallèlement, par acte du 23 mai 2001, la société Iomega saisissait le président du tribunal statuant en la forme des référés aux fins de voir interdire la poursuite de la fabrication, de la mise sous le commerce et de la détention de la disquette Swap.
Par ordonnance en date du 9 juillet 2001, le président du tribunal faisait droit à cette demande.
Cette décision était confirmée en appel le 21 septembre 2001.
Le tribunal de commerce d’Albi ayant prononcé le 9 octobre 2001, la liquidation judiciaire de la société AMM, Me M. en qualité de mandataire-liquidateur et M. B. en qualité de mandataire judiciaire ad hoc de celle-ci intervenaient volontairement à l’instance, le 19 octobre 2001.
Aux termes de ses dernières conclusions du 25 février 2002, la société Iomega demande au tribunal de :
– dire qu’en fabriquant et en commercialisant les cartouches Swap la société AMM a contrefait littéralement, par équivalent ou par fourniture de moyens les revendications 1 et 7 à 9 du brevet EP B-0 789 913, les revendications 1 à 19 de la demande de brevet EP A-0 789 908 et les revendications 1, 3 et 8 à 11 du brevet EP B-0 789 909 en application des articles L 615-1, L 613-3 et L 613-4 du code de la propriété intellectuelle ;
– dire que son préjudice peut justement être réparé par une somme de 85 200 € et en conséquence fixer à ce montant la créance de dommages-intérêts au passif de la société AMM ;
– ordonner la confiscation de tous les articles ou documents comportant les caractéristiques brevetées et de tout outillage conçu pour la fabrication de la cartouche précitée, pour lui être remis aux fins de destruction en présence de tel huissier qu’il plaira au tribunal de désigner ;
– dire que le jugement à intervenir sera opposable à Me M. et à M. B. es-qualités ;
– interdire à la société AMM, à Me M. et M. B. es-qualités, la cession, concession et/ou licence des outils, matériels et logiciels permettant de fabriquer la disquette litigieuse et ce, sous astreinte de 1 500 000 € par infraction ;
– dire que le tribunal sera juge de l’exécution du jugement à intervenir ;
et ce, sous le bénéfice de l’exécution provisoire.
La société AMM, Me M. et M. B. contestent le grief de contrefaçon au motif que la société Iomega confère à chaque revendication de ses brevets un champ de protection plus large que celui dont elle bénéficie au regard de l’art antérieur ; que les caractéristiques de la disquette Swap n’entrent pas dans ce champ plus restreint.
Les défendeurs soulèvent également l’absence de validité du brevet 789 913 pour défaut d’activité inventive au regard de l’art antérieur, tel qu’analysé par l’expert M. Le C. et du brevet EP 0617 425.
Pour ces concluantes, la contrefaçon par fourniture de moyens du brevet EP 789 908 n’est pas non plus fondée dès lors que la seule fourniture d’une disquette Swap et d’un lecteur Zip ne suffit pas à la mise en œuvre du procédé protégé ; que la modification d’un mot de passe par l’utilisateur relève d’un acte accompli dans un cadre privé et non à des fins commerciales.
Aussi, les défendeurs demandent au tribunal de :
– donner acte à Me M. et à M. B. de leur intervention volontaire en qualité respectivement de mandataire liquidateur et de mandataire ad hoc de la société AMM ;
– juger que les demandes de la société Iomega sont devenues sans objet ;
– condamner la société Iomega à payer à Me M., es-qualités, une somme de 30 000 F ou sa contrevaleur en euros au titre de l’article 700 du ncpc.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 1er juillet 2002.
Autorisée par le tribunal pour ce faire, la société Iomega a produit aux débats le 2 octobre 2002 le PV de signification de la déclaration de créance qu’il a réalisée le 9 novembre entre les mains de Me M., es-qualités, au titre des condamnations demandées dans la présente procédure.
LA DISCUSSION
Sur la validité des titres opposés :
Le tribunal relève que dans ses dernières écritures du 19 octobre 2001, la société AMM et ses représentants sollicitent uniquement la nullité du brevet 789-913 pour défaut d’activité inventive au regard notamment des enseignements du brevet EP 0 617 425 ; il importe peu à cet égard que cette demande figure dans les motifs des dites conclusions et non dans le dispositif de celle-ci.
En revanche, la validité des brevets EP A 789 908 et EP B-0 789 909 n’est pas contestée.
Sur la validité du brevet EP 789-913 :
* Sur la portée
L’invention protégée par ce titre concerne un système de stockage de données comprenant une cartouche de disque et un système de stockage de données pour recevoir cette cartouche comprenant des moyens de détection de la présence de la cartouche dans l’appareil et des moyens de protection contre l’insertion de cartouches incompatibles.
Le breveté explique dans la description de son invention :
* que les cartouches de disques amovibles pour le stockage d’informations électroniques digitales comprennent traditionnellement un boîtier comportant deux coques qui reliées entre elles abrite le disque, sur ces coques une ouverture à proximité de la face avant pour fournir accès aux têtes d’enregistrement ou de lecture de l’appareil avec un mécanisme de fermeture pour éviter l’entrée de poussières ou d’éléments indésirables dans la cartouche ;
* que dans l’art antérieur, étaient utilisés des interrupteurs mécaniques pour détecter la présence d’une cartouche à l’intérieur de l’appareil lorsque celle-ci est insérée complètement ;
* que ces systèmes comportent plusieurs inconvénients ;
d’une part, l’interrupteur peut être actionné par un autre objet que la cartouche et cette mise en marche peut causer des dommages aux têtes d’enregistrement, d’autre part ces interrupteurs accroissent le risque de défaillance du lecteur et son coût, enfin l’insertion dans le lecteur d’autres cartouches que celles compatibles avec l’appareil peut provoquer de graves dysfonctionnements.
Pour pallier ces inconvénients, le breveté propose de mettre en œuvre un ensemble constitué d’une cartouche et d’un dispositif de stockage présentant les caractéristiques suivantes :
– la cartouche à des coins frontaux opposés ayant une forme non carrée ;
– le dispositif de stockage comprend une butée de réception présentant une surface médiane sensiblement plane, des bords externes formant un angle et faisant saillie par rapport à la dite surface selon un angle prédéterminé vers l’ouverture d’insertion de la cartouche, ladite surface entrant en contact avec un bord périphérique frontal de la cartouche lorsque celle-ci est insérée et la positionnant de telle sorte que le moyeu de la cartouche soit aligné avec ledit moteur à broche,
– le dispositif comprend des moyens pour valider : un élément d’actionnement près de la surface médiane dont le déplacement provoque la validation de ladite fonction et un bord périphérique frontal de la cartouche de disque en contact avec l’élément d’actionnement lorsque la cartouche est complètement insérée et provoquant la validation de la fonction.
– les bords externes de la butée de réception du dispositif de stockage forment un angle empêchant une autre cartouche présentant au moins un angle frontal sensiblement carré d’atteindre la surface médiane de la butée et empêchent l’actionnement des moyens de validations de la fonction.
La revendication 1 du brevet protège les caractéristiques précitées de la cartouche et de l’appareil compatible avec celle-ci.
La revendication 7 décrit les caractéristiques des coins frontaux de la cartouche : ces coins forment un angle prédéterminé correspondant sensiblement à l’angle des bords externes de la butée du dispositif de stockage.
La revendication 8 prévoit que la forme non carrée de chacun des coins frontaux ressemble à une entaille à angle droit.
La revendication 9 protège une cartouche dont les coins frontaux présentent une forme d’arc concave.
Sur la validité de la revendication 1 :
La revendication 1 du dit brevet est libellé comme suit : « un ensemble de stockage de données comprenant une cartouche de disque et un dispositif de stockage de données pour recevoir ladite cartouche de disque, ledit dispositif de stockage de donnée comportant :
– une ouverture d’insertion destinée à recevoir ladite cartouche de disque ayant un bord périphérique frontal ;
– un moteur de broche pour entraîner en rotation un support de stockage de l’intérieur de ladite cartouche de disque à une vitesse de fonctionnement prédéterminée ;
– des moyens pour valider une fonction nécessaire pour le fonctionnement correct du dispositif de stockage de données.
caractérisée :
en ce que ladite cartouche de disque a des coins frontaux opposés ayant une forme non carrée,
en ce que ledit dispositif de stockage de donnée comprend une butée de réception de cartouche, présentant une surface médiane sensiblement plane et présentant des bords externes formant un angle et faisant saillie par rapport à la surface médiane sensiblement plane selon un angle prédéterminé vers l’ouverture d’insertion du dispositif de stockage de données, la surface sensiblement plane de la butée entrant en contact avec un bord périphérique de la cartouche de disque lorsque la cartouche de disque est insérée dans le dispositif de stockage de données et positionnant la cartouche de disque de telle sorte que le moyeu de la cartouche soit aligné avec ledit moteur à broche ; et
en ce que lesdits moyens pour valider comprenant un élément d’actionnement disposé à proximité de la surface médiane sensiblement plane de ladite butée de réception de cartouche, le déplacement de l’élément d’actionnement provoquant la validation de ladite fonction, un bord périphérique frontal de la cartouche de disque entrant en contact avec ledit élément d’actionnement lorsque la cartouche est complètement insérée dans le dispositif de stockage de données et provoquant ainsi la validation de ladite fonction,
lesdits bords externes formant un angle de butée de réception de cartouche empêchant une autre cartouche d’un type présentant au moins un angle frontal sensiblement carré, d’atteindre la surface médiane sensiblement plane de ladite butée de réception de cartouche et l’empêchant d’entrer en contact avec ledit élément d’actionnement de sorte que ladite fonction ne puisse être validée lors de l’insertion de ladite autre cartouche dans le dispositif de stockage de données.
L’article 52 de la convention de Münich du 5 octobre 1973 applicable au présent brevet européen dispose qu’une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique.
En l’espèce, les défendeurs sollicitent la nullité pour défaut d’activité inventive de la revendication 1 précitée au regard des enseignements des documents analysés par l’expert amiable Le C. dans son rapport versé aux débats.
S’il ressort notamment du brevet US Ikuo Saito n°4 613 044 et du brevet EP 617 425 que les cartouches à coins frontaux non carrés étaient connues de l’art antérieur, ce que l’examinateur européen a pris en compte dans son avis du 23 janvier 1998 versé aux débats, il n’en demeure pas moins que la revendication n°1 du brevet EP B-0 789 913 protège une combinaison de moyens qui ne se retrouvent pas dans les documents cités par M. Le C. C’est ainsi que les défendeurs n’expliquent pas en quoi le document EP 617 425 enseigne les autres moyens de l’invention Iomega ni comment l’homme du métier en l’espèce, l’ingénieur concepteur de cartouche de stockage de données au vu de ce document aurait mis en œuvre l’invention Iomega sans activité inventive. M. Le C. se contente de citer « à titre d’exemple » un extrait de la description de ce brevet qui dit que « les sections obliques sont disposées aux coins de la surface d’entrée de la partie réceptrice et correspondent à un mécanisme empêchant une introduction erronée dans l’appareil, décrit dans la suite ». Ainsi que le relève justement la société Iomega, les documents cités montrent des disquettes présentant des formes adaptées à un « détrompage mécanique » sans aucun moyen pour valider ni pour ajuster la disquette ni pour empêcher l’introduction de disquettes non compatibles avec l’appareil.
Dans ces conditions, la revendication 1 est valable.
Dès lors que les revendications 7, 8 et 9 sont dans la dépendance de la revendication 1 qui a été reconnue valable, elles sont également valables.
Sur la contrefaçon du brevet EP 789 913 :
* de la revendication 1 :
Ainsi qu’il a été rappelé ci-avant, la revendication 1 dudit brevet protège la combinaison d’un lecteur et d’un disque présentant chacun certaines caractéristiques.
– sur le lecteur :
La société AMM soutient que le lecteur Zip avec lequel fonctionne la disquette arguée de contrefaçon s’il présente un détecteur optique permettant de valider le fonctionnement correct du dispositif de stockage de données lorsqu’il reçoit la lumière réfléchie par le réflecteur dont est doté celui-ci lors de son bon positionnement, ne correspond pas à « l’élément d’actionnement disposé à proximité de la surface médiane sensiblement plane de la butée de réception de cartouche » dont le déplacement provoque la validation de la fonction, élément d’actionnement tel que prévu dans la revendication 1.
Le tribunal relève qu’ainsi que le défend la société Iomega, ce détecteur optique est un moyen équivalent à celui de l’élément d’actionnement du brevet. En effet, il remplit la même fonction en vue d’un même résultat de même nature : le détecteur est actionné par le réflecteur d’une cartouche insérée dans le lecteur à la condition que celle-ci ne présente pas des coins frontaux non carrés ; dans le cas contraire, le réflecteur ne peut du fait de la butée arriver en face du détecteur et la lumière émise par la source du détecteur n’est pas réfléchie, entraînant l’éjection de la cartouche. Le remplacement d’un élément mécanique d’actionnement par un élément optique ne constitue qu’un perfectionnement qui n’exclut pas la contrefaçon.
– sur le disque Swap :
La société AMM prétend que la cartouche Swap présente un « coin frontal non carré et un coin frontal carré ».
Il est constant que les revendications d’un brevet doivent se lire à la lumière de la description des dessins qu’il comporte. Or, dans la figure 12 A du brevet décrite dans les lignes 31-33 de la page 17 « la forme non-carrée de chaque coin avant 20,20′ ressemble à une encoche à angle droit…Dans chacun de ses modes de réalisation, la forme non-carrée 20c, 20d va éviter une interférence avec les coins extérieurs 55a, 55b de la butée de la réception de la cartouche ». Dans ces conditions, le coin avant-droit de la cartouche Swap constitue donc un « coin non carré » au sens donné dans la description, ce coin étant non-carré lorsque les bords externes de la butée de réception n’empêchent pas la disquette d’atteindre la surface médiane sensiblement plane de la butée de réception de la cartouche, ces coins non-carrés pouvant présenter des formes variées.
Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que l’ensemble d’un lecteur Zip et d’une cartouche Swap « reproduisent l’ensemble des caractéristiques de la revendication 1 du brevet litigieux : le lecteur Zip qui présente une butée avec des bords externes formant un angle, un détecteur optique qui comme les moyens pour valider ne permet le fonctionnement du lecteur que lorsqu’une cartouche vient au contact de la butée, la disquette Swap qui présente des coins non-carrés qui lui évite toute interférence avec les bords de la butée et un réflecteur permettant par son interaction avec le détecteur optique la validation de la fonction.
La fourniture de la disquette Swap qui comme son emballage l’indique est destinée à fonctionner dans des lecteurs Zip est donc un acte de contrefaçon par fourniture de moyens de la revendication 1 du brevet EP B-0 789 913.
* de la revendication 7 :
La revendication 7 est libellée comme suit : « la cartouche de disque selon la revendication 1 dans laquelle les coins frontaux opposés du boîtier extérieur forment un angle prédéterminé par rapport au bord périphérique frontal sensiblement plat du boîtier extérieur, en s’éloignant de celui-ci, de sorte à former des surfaces formant un angle qui correspondent sensiblement aux bords externes formant un angle de la butée de réception de cartouche dudit dispositif de stockage de données ».
Cette revendication est reproduite par les 2 angles de la cartouche Swap dont les points saillants forment l’angle prédéterminé protégé.
* de la revendication 8 :
La revendication 8 est libellé comme suit : « la cartouche de disque selon la revendication 1 ou 7 dans laquelle la forme non-carrée de chacun des coins frontaux opposés dudit boîtier externe ressemble à une entaille à angle droit ».
Le tribunal considère que cette revendication prévoit une même forme pour chaque coin, ce qui n’est pas le cas dans la cartouche Swap.
* de la revendication 9 :
La revendication 9 est la suivante : « la cartouche de disque selon la revendication 1 dans laquelle les coins frontaux opposés dudit boîtier externe présentent une forme d’arc concave ».
Les coins de la cartouche Swap ne présentent aucune forme en arc concave.
En conclusion, il y a lieu de dire que la disquette Swap contrefait les revendications 1 et 7 du brevet litigieux.
Sur le brevet EP 789 908
*sur sa portée :
L’invention protégée par ce titre concerne un procédé pour prévenir l’écriture et/ou la lecture inadvertantes ou non autorisées d’informations sur et à partir d’un support d’enregistrement amovible (cartouche à disque) comportant les 4 étapes suivantes :
– écriture d’un premier code à un emplacement prédéterminé sur le support d’enregistrement amovible, code représentatif d’un premier mode de protection dudit support d’enregistrement et étant choisi parmi des valeurs de codes assignées pour représenter chacun des modes de protection,
– écriture d’un mot de passe dans un second emplacement prédéterminé sur le support d’enregistrement,
– réception d’une commande de changement du mode de protection du support d’enregistrement pour passer du premier mode de protection à un second mode de protection et en réponse à la commande,
– écriture dudit emplacement prédéterminé sur le support d’enregistrement à la place du premier code d’un second code représentatif du second mode de protection, celui-ci étant choisi parmi les valeurs de codes assignées pour représenter chacun des modes de protection, ladite écriture d’un second code étant réalisées si un mot de passe reçu par ladite commande correspond au mot de passe écrit dans le second emplacement prédéterminé sur ledit support d’enregistrement.
Ce procédé permet une protection à la fois en lecture et en écriture appliquée au support de stockage et la modification par l’utilisateur du mode de protection du support par l’utilisation du mot de passe et sans intervention électrique, mécanique ou interaction physique avec le logement de la cartouche à disque.
La revendication 1 décrit ce procédé en 4 étapes.
La revendication 2 protège les différents modes de protection.
La revendication 3 protège les étapes de lecture par le lecteur de disque du code initial pour déterminer le mode de protection du support d’enregistrement et la mise en route d’un drapeau interne au lecteur pour indiquer le mode de protection en cours.
La revendication 4 protège l’étape de génération d’un message d’erreur lors d’une tentative interdite.
La revendication 5 décrit les caractéristiques du lecteur de disque.
Les revendications 6 et 7 prévoient les étapes de fonctionnement du lecteur de disque correspondant aux étapes de mise en œuvre du procédé.
La revendication 8 protège l’étape de génération d’un signal d’alarme lors d’une tentative contraire au mode de protection déterminé par le support d’enregistrement.
La revendication 9 protège dans la cartouche, support d’enregistrement, l’association d’un mot de passe écrit dans un second emplacement du disque et le code déterminant le mode de protection permettant l’enregistrement d’un autre code à la place du premier.
La revendication 10 protège les différentes hypothèses de protection.
Les revendications 11 et suivantes prévoient les différentes caractéristiques que doit présenter la cartouche pour permettre la mise en œuvre du procédé breveté.
* sur la contrefaçon :
– des revendications 1 et 9 :
La société Iomega s’appuie sur le constat d’huissier dressé par Me A. pour établir que les disquettes Swap reproduisent les revendications précitées.
Il n’est pas contesté que la disquette Swap possède à sa livraison :
– en une première position des « 0 » représentatifs d’un code d’absence de protection et en une deuxième position un ensemble de « 0 » ;
– que ces deux emplacements sont bien reconnus par le lecteur Zip.
La société Iomega soutient que la deuxième série de « 0 » constitue un mot de passe et permet en interaction avec le lecteur Zip de reproduire le procédé protégé par la revendication 1 dudit brevet.
La société AMM soutient au contraire que l’utilisation de la seconde zone comme mot de passe nécessite l’utilisation d’un logiciel Iomega Tools particulier et qu’en l’absence de l’utilisation de celui-ci la cartouche Swap ne présente pas les caractéristiques prévues à la revendication 9 à savoir « l’association du mot de passe avec le code qui indique le mode de protection du support d’enregistrement » et ne permet pas en interaction avec le lecteur Zip l’écriture d’un code à la place du code écrit dans ledit premier emplacement prédéterminé. La société AMM dit en outre que l’utilisateur s’il met en œuvre un lecteur Zip avec le logiciel de protection Iomega Tolls et une disquette Swap agit dans le cadre privé et que dès lors la contrefaçon par fourniture de moyens n’est pas constituée.
Le tribunal relevant :
* que la mise en oeuvre du procédé revendiqué nécessite un ordinateur, une partie de logiciel de protection installée sur celui-ci, un lecteur Zip fourni avec la partie résidente du logiciel de protection et une disquette utilisable dans le lecteur,
*
que la disquette est essentielle à la mise en oeuvre du procédé de par les emplacements qu’elle doit contenir pour l’enregistrement du code de protection et du mot de passe,
* que l’acquéreur d’une disquette Swap est nécessairement doté d’un ordinateur, d’un lecteur Zip et de la partie du logiciel de protection associé obligatoirement à celui-ci,
considère dans ces conditions que la fourniture d’une disquette Swap qui possède les caractéristiques nécessaires à la mise en oeuvre du procédé protégé et notamment qui permet l’association du code de protection et du mot de passe de par les emplacements dont elle est dotée entre dans le champ d’application de l’article L 613-4 du code de la propriété intellectuelle prohibant la fourniture de moyens nécessaires à la reproduction d’une invention.
La circonstance que l’acte de contrefaçon est commis par l’utilisateur dans un cadre privé n’exonère pas du grief de contrefaçon celui qui fournit les moyens nécessaires à la reproduction de l’invention. Au surplus, ainsi que le relève justement la société Iomega, les lecteurs Zip et les disques Swap ne sont pas exclusivement destinés à des personnes les utilisant dans un cadre privé mais sont exploités également très largement à des fins commerciales.
Dans ces conditions, le grief de contrefaçon des revendications 1 et 9 est fondé.
– des autres revendications :
Dès lors que la contrefaçon est reconnue pour les deux revendications précitées, la société AMM ne conteste pas que les autres revendications de ce brevet sont contrefaites par fourniture de moyens.
Dans ces conditions et ainsi que cela résulte également des constatations de Me A., il y a lieu de dire que la disquette Swap constitue une contrefaçon par fourniture de moyens également des autres revendications du brevet EP 789 908.
Sur le brevet EP 789 909 :
* sur sa portée :
Ce titre protège une cartouche pour un lecteur de disque présentant une source d’irradiation et un détecteur de celle-ci, la cartouche comprenant un marqueur constitué dans un matériau rétroréfléchissant qui réfléchit l’irradiation provenant de ladite source vers celle-ci pour détecter si la cartouche est appropriée.
L’invention définit les propriétés du marqueur et le mode d’identification de la cartouche approprié par le lecteur.
La revendication 1 protège le matériau du marqueur.
La revendication 3 définit le caractère approprié de la cartouche.
La revendication 8 protège l’interaction entre le lecteur et la cartouche dotée d’un tel marqueur.
La revendication 9 dit que la source et le détecteur sont à proximité l’un de l’autre.
La revendication 10 prévoit un séparateur de faisceau.
La revendication 11 prévoit une lentille pour le détecteur permettant de discriminer la lumière réfléchie par un matériau autre qu’un matériau rétroréfléchissant.
*sur la contrefaçon :
Le brevet page 3 de sa description définit le matériau rétroréfléchissant comme le matériau qui renvoie l’irradiation qu’il reçoit depuis une source vers cette source presque exactement sur son trajet incident.
Il n’est pas contesté par la société AMM que pour une position donnée de la lumière du lecteur Zip, la disquette Swap dans une partie particulière de sa surface réfléchit la lumière provenant de la source vers la source mais elle soutient que l’invention consiste strictement en la mise en œuvre de matériau rétroréfléchissant et non comme dans la disquette Swap de miroirs sphériques ou cylindriques concaves qui ne présentent pas les mêmes propriétés physiques que des matériaux rétroréfléchissants.
Le tribunal relève que si le marqueur utilisé sur la disquette Swap n’est pas en matériau rétroréfléchissant, la disquette n’en est pas moins reconnue et acceptée par le lecteur Zip en raison du marqueur qu’elle comporte formé de la combinaison de surfaces réfléchissantes dont l’une d’elles réfléchit l’irradiation provenant de ladite source vers ladite source ; que dès lors ce marqueur correspond à la description du matériau rétroréfléchissant du brevet, et ce, même si les surfaces qu’il comporte fonctionne ainsi avec des propriétés dégradées mais suffisantes pour l’emploi envisagé.
Dans ces conditions, la contrefaçon de la revendication 1 est constituée.
* sur les autres revendications :
La reproduction des autres revendications opposées n’est pas contestée.
Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la cartouche Swap constitue la contrefaçon des revendications 1, 3, 8 à 11 du brevet EP 789 809.
Sur les mesures réparatrices :
Pour éviter le renouvellement des actes illicites, il y a lieu de mettre en œuvre une mesure de confiscation et une mesure d’interdiction dans les conditions définies ci-après.
La société AMM a reconnu dans une attestation du 21 juin 2001 avoir commercialisé 34 100 disquettes Swap pour un montant de 1 300 678,15 F de janvier à juin 2001.
Compte-tenu de l’arrêt de la commercialisation en juillet 2001 et de ces éléments chiffrés, le tribunal estime que le préjudice subi par la société Iomega peut être réparé par l’allocation d’une somme de :
-30 000 € au titre de l’atteinte aux trois brevets en cause ,
-40 200 € au titre du préjudice commercial consécutif aux ventes manquées.
L’équité commande en outre d’allouer à la société Iomega la somme de 15 000 € en application de l’article 700 du ncpc.
L’exécution provisoire de la présente décision est ordonnée.
LA DECISION
Le tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort, sous le bénéfice de l’exécution provisoire,
. Donne acte à Me M. et M. B. de leurs interventions volontaires respectivement en qualité de mandataire-liquidateur de la société AMM et de mandataire ad hoc de celle-ci,
. Déclare valables les revendications 1, 7 à 9 du brevet B-0 789 913 dont la société Iomega est titulaire,
. Dit qu’en fabriquant et en commercialisant courant 2001 des cartouches Swap qui reproduisent littéralement, par équivalent ou fourniture de moyens les revendications 1 et 7 du brevet B-0 789 913, les revendications 1 à 19 de la demande de brevet EP A-0 789 908, et les revendications 1, 3, 8 à 11 du brevet B-0 789 909, titres de propriété industrielle dont la société Iomega est titulaire, la société AMM a commis des actes de contrefaçon au détriment de cette dernière,
. Dit que le préjudice subi par la société Iomega est indemnisé par l’allocation de la somme de 70 200 €, somme qui sera portée au passif de la société AMM,
. Interdit à Me M. et à M. B., es-qualités, de céder, concéder et/ou donner licence des outils, matériels et logiciels permettant de fabriquer la disquette litigieuse et ce, sous astreinte de 150 000 € par infraction constatée dont le tribunal se réserve la liquidation,
. Ordonne la confiscation de tous articles, documents comportant les caractéristiques brevetées et de tout outillage spécifiquement conçu pour la fabrication de la cartouche contrefaisante et ce, pour être remis à la société Iomega aux fins de destruction sous contrôle d’huissier choisie par elle,
. Condamne Me M., es-qualités, à payer à la société Iomega la somme de 15 000 € en application de l’article 700 du ncpc et aux dépens,
. Fait application de l’article 699 du ncpc au profit de Me Desrousseaux, avocat, pour la part des dépens dont il a fait l’avance sans en avoir reçu préalablement provision.
Le tribunal : Mme Belfort (vice président), Mmes Vallet et Desmure (vice présidentes),
Avocats : Me Desrousseaux, Me Kuntz.
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