Jurisprudence : Marques
Tribunal de Grande Instance de Paris, 3ème chambre, 3ème section, Jugement du 17 juin 2003
Afnor / Frédéric C.
certfication - contrefaçon - marque notoire - nom de domaine
Faits et procédure
L’Association Française de Normalisation dite Afnor, association reconnue d’utilité publique a pour activité principale l’élaboration, l’homologation, la promotion des normes en France ainsi que la certification de normes.
Elle est notamment titulaire de la marque semi-figurative NF n°1588831, déposée le 23 juillet 1942 et régulièrement renouvelée en dernier lieu le 30 novembre 1999, qui désigne l’ensemble des produits et services des classes 1 à 42 de la classification internationale.
Ayant constaté qu’était accessible sur internet une adresse www.nf-consulting.com conduisant l’internaute vers un consultant-prestataire informatique, l’Afnor a fait dresser un constat par un agent assermenté de l’Agence pour la Protection des Programmes (APP) le 25 octobre 2002 qui a permis de déterminer que le titulaire du nom de domaine correspondant à ce site était Frédéric C., lequel n’a pas été touché par la lettre recommandée de mise en demeure qui lui a été adressée le même jour.
Par assignation en date du 13 janvier 2003, l’Afnor demande de :
– constater que la marque NF est une marque notoire au sens de l’article L 713-5 du code de la propriété intellectuelle,
– dire et juger que Frédéric C. a commis à son préjudice :
· des actes de contrefaçon de marque sur le fondement des dispositions des articles L 713-2 et L 713-3 du code de la propriété intellectuelle,
· une atteinte à sa marque notoire,
· des actes de publicité mensongère au sens des dispositions de l’article L 121-1 du code de la consommation et 1382 du code civil,
· des actes de tromperie en application de l’article L 115-30 du code de la consommation
En conséquence,
– interdire à Frédéric C. d’utiliser sous quelque forme que ce soit la marque NF sous astreinte de 1000 euros par infraction constatée à compter du prononcé du jugement à intervenir,
– ordonner à Frédéric C. sous astreinte de 1000 euros par jour de retard de faire procéder à la formalité de transmission du nom de domaine www.nf-consulting.com au profit de l’Afnor,
– condamner Frédéric C. à lui payer la somme de 35 000 euros à titre de dommages-intérêts,
– ordonner et ce à titre de complément de dommages-intérêts, la publication du jugement dans trois journaux ou revues au choix de l’Afnor et aux frais de Frédéric C. sans que le coût de chaque insertion ne soit inférieur à la somme de 3500 euros HT,
le tout sous le bénéfice de l’exécution provisoire,
et de condamner le défendeur à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du ncpc ainsi qu’aux dépens recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du ncpc.
Cité selon les dispositions de l’article 699 du ncpc, Frédéric C. n’a pas constitué avocat de sorte que la présente décision sera réputée contradictoire.
La discussion
Attendu que la marque NF est une marque semi-figurative dans laquelle les lettres sont inscrites en capitales d’imprimerie, le N penché vers la gauche et le F penché vers la droite, insérées dans une forme ovale ;
Attendu que cette figuration n’étant pas reprise dans le signe utilisé par le défendeur, qui est lui même composé des lettres « nf » et de la mention « consulting », la contrefaçon doit s’analyser au regard des dispositions de l’article L 713-3 du code de la propriété intellectuelle qui prévoient que sont interdites, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public… b) l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement ;
Attendu qu’il résulte du procès-verbal de constat dressé le 25 octobre 2002, que le site internet www.nf-consulting.com a pour objet de présenter une activité de prestataire en informatique, activité non revendiquée dans l’enregistrement de la marque dont l’Afnor est titulaire ;
Attendu qu’aucun des produits ou services visés au dépôt ne pouvant par ailleurs être considéré comme similaire à l’informatique, l’utilisation par le défendeur de la mention NF n’est pas constitutive de contrefaçon de marque ;
Attendu que l’article L 713-5 du code de la propriété intellectuelle dispose que l’emploi d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur s’il est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cet emploi constitue une exploitation injustifiée de cette dernière ;
Attendu qu’il résulte des pièces versées aux débats que la marque NF est connue de 90% des français ; qu’il s’agit d’une marque ancienne, déposée depuis 1942 et qui est utilisée depuis lors par les opérateurs économiques dans tous les secteurs d’activité ; qu’elle s’est imposée comme la référence la plus connue en France en matière de certification de normes ;
Attendu qu’il est également établi que l’Afnor délivre une certification en matière de logiciels et de technologies de l’information, qui a notamment pour effet de permettre à l’entreprise titulaire d’apposer sur ses produits le logo NF attestant du respect des normes en vigueur ;
Attendu que dans ce contexte l’usage de la mention NF par le défendeur pour promouvoir sur son site internet son activité de consultant en informatique est de nature à porter préjudice à la demanderesse en ce qu’il porte à penser que les services proposés bénéficient de la certification correspondante alors que tel n’est pas le cas ;
Que la demande de ce chef est bien fondée.
Attendu que les dispositions de l’article L 115-30 et L 121-1 du code de la consommation réprimant la publicité mensongère en matière de certification de produits ou services et la tromperie sont vainement invoquées, ces textes ayant pour objet la protection du consommateur et non celle de l’organisme de certification qui ne peut être victime de tels agissements répréhensibles.
Attendu qu’au titre des mesures réparatrices, il sera fait droit aux demandes tendant au transfert du nom de domaine au profit de l’Afnor et à la demande de publicité selon les modalités précisées au dispositif ci-dessous ; qu’il sera alloué à la demanderesse la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de l’atteinte portée à la notoriété de sa marque NF ;
Attendu qu’il convient d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision, exécution provisoire qui n’est en l’espèce contraire à aucune disposition légale ;
Attendu que le demandeur a engagé pour la présente procédure des frais non taxables dont il serait inéquitable qu’ils restent à sa charge ; qu’il lui sera alloué la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du ncpc ;
Attendu que Frédéric C. sera condamné aux entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du même code.
La décision
Le tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
. Dit qu’en déposant le nom de domaine www.nf-consulting.com et en exploitant un site internet proposant un service de consultant en informatique, Frédéric C. a porté atteinte à la marque notoire NF déposée le 23 juillet 1942 par l’Afnor, régulièrement renouvelée et enregistrée sous le n°1588821,
En conséquence,
. Fait interdiction à Frédéric C. de faire usage sous quelque forme que ce soit de la dénomination NF sous astreinte de 1000 euros par infraction constatée à compter du 1er jour du mois suivant la signification de la présente décision,
. Ordonne à Frédéric C. de faire transférer par les organismes compétents à la formalité de transmission du nom de domaine www.nf-consulting.com au profit de l’Afnor et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la signification du présent jugement,
. Condamne Frédéric C. à payer à l’Afnor la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts,
. Déboute l’Afnor du surplus de ses demandes,
. Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision,
. Condamne Frédéric C. à payer à l’Afnor la somme de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du ncpc,
. Condamne Frédéric C. aux entiers dépens et dit qu’ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du même code.
Le tribunal : Mme Belfort (vice président), Mmes Vallet et Renard (vice présidents)
Avocat : Me François Greffe
Notre présentation de la décision
En complément
Maître François Greffe est également intervenu(e) dans les 12 affaires suivante :
En complément
Le magistrat Belfort est également intervenu(e) dans les 32 affaires suivante :
En complément
Le magistrat Renard est également intervenu(e) dans les 17 affaires suivante :
En complément
Le magistrat Vallet est également intervenu(e) dans les 21 affaires suivante :
* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.