Jurisprudence : Marques
Tribunal de Grande Instance de Paris 3ème chambre, 2ème section Jugement du 30 novembre 2001
Société nationale de radiodiffusion Radio France / Rémi D.
demande de radiation - enregistrement frauduleux - marques - nom de domaine - salarié
Débats
A l’audience du 24 octobre 2001, tenue publiquement devant Mme Saint-Schroeder, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les parties, en a rendu compte au tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du nouveau code de procédure civile.
La société nationale de radiodiffusion Radio France (ci-après dénommée « Radio France ») expose que M. Pépin, directeur régional adjoint chargé des antennes locales et de l’action régionale, a adressé le 23 juin 2000 pour le 29 juin suivant une convocation aux directrices et directeurs des radios locales pour annoncer et rendre officielle en interne la création de « France Bleu », cette information étant donnée à l’ensemble du personnel le 30 juin, jour où elle déposa le nom de domaine « francebleu.com », pour ensuite déposer cette dénomination à titre de marque les 3 juillet et 9 août 2000.
Ayant constaté que l’un de ses salariés, Rémi D., avait procédé à l’enregistrement des noms de domaine « francebleue.com » et « france-bleue.com » et n’ayant pu obtenir de ce dernier la radiation de ces deux noms, elle lui a notifié son licenciement le 25 septembre 2000 et l’a assigné par acte du 10 novembre 2000 en paiement de la somme d’un franc à titre de dommages-intérêts pour avoir frauduleusement déposé les deux noms précités. Elle demande au tribunal d’ordonner des mesures d’interdiction, de radiation de ces noms de domaine et de publication et de condamner Rémi D. à lui verser la somme de 30 000 F au titre des frais irrépétibles.
Rémi D. fait valoir que ces deux noms de domaine ont été déposés par l’une de ses relations, M. Soutif, lors d’une soirée « arrosée » et que c’est par accident que ces dépôts ont été validés. Il soutient qu’il n’est pas détenteur des codes créés par M. Soutif mais demande au tribunal de lui donner acte de ce qu’il consent expressément à la radiation des noms de domaine litigieux et affirme qu’il n’a jamais eu l’intention de les exploiter tout en considérant l’attitude de la société demanderesse comme dénuée de prudence. Il réclame la somme de 15 000 F en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société Radio France fait observer que le fait par le défendeur d’enregistrer précipitamment les noms de domaine « francebleue.com » et « france-bleue.com », c’est-à-dire en reproduisant l’orthographe utilisée antérieurement dans Radio Bleue, démontre l’intention frauduleuse qui l’animait lors de ces dépôts pour faire obstacle à l’enregistrement par elle-même des noms de domaine.
Motifs de la décision
Attendu que la société Radio France agit à l’encontre de Rémi D. sur le fondement de la fraude pour demander la radiation des deux noms de domaine enregistrés par Rémi D. le 1er juillet 2000 à la suite de l’annonce fait par elle le 29 juin lors d’une communication interne de la création d’une nouvelle radio sous la dénomination « France Bleu » ;
qu’elle justifie avoir enregistré le 30 juin 2000 le nom de domaine « francebleu.com » dès avant le dépôt dont il est fait grief à Rémi D. ;
Attendu que celui-ci ne conteste pas avoir été informé le 29 juin 2000 des projets de son employeur relatifs à la création d’une radio sous le nom « France Bleu » mais prétend que sa responsabilité ne peut être engagée dès lors que l’enregistrement des deux noms de domaine litigieux a été effectué « par accident » par l’une de ses relations, M. S. ;
Mais attendu qu’il résulte du procès-verbal de constat dressé le 31 octobre 2000 qu’il a été procédé à ces enregistrements le 1er juillet 2000 par Rémi D., aucun autre nom n’apparaissant sur la page écran ;
qu’au surplus, à supposer qu’une erreur soit à l’origine de la validation de l’enregistrement des noms de domaine incriminés comme le soutient le défendeur dans ses écritures, il est surprenant que leur radiation n’ait pas été demandée dès qu’elle fut connue par Rémi D., seul titulaire desdits noms ;
que la volonté de Rémi D. de gêner la société Radio France lors de l’enregistrement de son nom de domaine « francebleu.com » est révélée tant par la reproduction du terme « bleue » au féminin utilisé jusqu’alors par la demanderesse pour désigner la station de radio « Radio Bleue » et qui paraissait devoir être repris dans la nouvelle dénomination qui se compose d’un om justifiant l’accord au féminin de l’adjectif le qualifiant que par la précipitation qui fut la sienne pour procéder au dépôt litigieux et son aveu de n’avoir jamais eu l’intention d’exploiter les noms de domaine susvisés ;
qu’il est ainsi établi que Rémi D. a détourné une information donnée par la société Radio France à son personnel pour acquérir des droits privatifs sur deux noms de domaine au préjudice de celle-ci ;
* Sur les mesures réparatrices
Attendu que Rémi D. demande qu’il lui soit donné acte de ce q’il accepte expressément la radiation des noms de domaine qu’il a enregistrés ;
qu’un « donner acte » n’ayant aucun effet juridique et compte tenu de l’inertie de Rémi D. depuis plus d’un an, il sera fait droit à la mesure de radiation demandée par la société Radio France ainsi qu’à la mesure d’interdiction qu’elle a sollicitée et à l’allocation de la somme d’un franc à titre de dommages-intérêts ;
que ces mesures sont suffisantes à réparer le préjudice subi par la société Radio France sans qu’il soit nécessaire d’ordonner la publication du présent jugement.
* Sur l’exécution provisoire
Attendu que l’exécution provisoire, compatible avec la nature de l’affaire, sera ordonnée en raison de l’ancienneté des faits ;
Sur l’article 700 du nouveau code de procédure civile
Attendu que l’équité commande d’allouer à la société Radio France la somme de 15 000 F au titre des frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’exposer pour faire valoir ses droits.
La décision
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort :
. dit qu’en enregistrant les noms de domaine « francebleue.com » et « france-bleue.com », Rémi D. a engagé sa responsabilité à l’égard de la société national de radiodiffusion Radio France ;
en conséquence,
. ordonne la radiation par Rémi D. de ces deux noms de domaine sous astreinte de 2 000 F (ou 304,90 €) par jour de retard à compter de la signification du présent jugement,
. interdit à Rémi D. de faire usage de ces deux dénominations sous astreinte de 1 000 F (ou 152,45 €) par infraction constatée dès la signification de la présente décision,
. condamne le défendeur à verser à la société nationale de radiodiffusion Radio France la somme de 1 F (ou 0,15 €) à titre de dommages-intérêts,
. rejette le surplus des demandes,
. ordonne l’exécution provisoire,
. condamne Rémi D. à verser à la demanderesse la somme de 15 000 F (ou 2 286,74 €) sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,
. le condamne au dépens.
Le tribunal : M. Girardet (vice-président), Mme Saint-Schroeder et M. Chapelle (premiers juges).
Avocat : SCP Bird & Bird et SCPA Gérardin Laugier.
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