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Jurisprudence : E-commerce

vendredi 23 mai 2008
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Tribunal de grande instance de Paris 3ème chambre, 3ème section Jugement du 14 mai 2008

L'Oréal, Lancôme Parfums / Alain F.

e-commerce

FAITS ET PRETENTIONS

La société Lancôme Parfums et Cie (ci-après société Lancôme) est titulaire :
– d’une marque française Lancôme déposée le 31 mai 1990 et enregistrée sous le n° 1595133 pour désigner les produits de parfumerie ;
– d’une marque communautaire Hypnose déposée le 23 décembre 2004 et enregistrée sous le n° 004173621 pour désigner des produits de parfumerie ;
– d’une marque française Hypnose déposée le 8 décembre 2004 et enregistré sous le n° 04 3328579 pour désigner des produits de parfumerie ;
– d’une modèle communautaire de flacon de parfum déposé le 20 août 2004 et enregistrée sous le n°221171-002 ;

La société l’Oréal est titulaire de :
– la marque française “Amor Amor” déposée le 3 décembre 2002 et enregistrée sous le n° 023 197314 désignant les “parfums et eau de toilette” ;

Ces marques sont exploitées pour désigner des parfums de grande notoriété.

La société Lancôme et la société l’Oréal ont appris que sous le pseudonyme “gigimam” étaient commercialisés sur le site internet “ebay.fr” qui appartient à la société eBay France des produits de parfumerie sous les dénominations Hypnose de Lancôme et Amor Amor de Cacharel.

Lors de l’acquisition d’un de ces parfums, il est apparu que le titulaire du pseudonyme précité était M. Alain F. et que les parfums commercialisés n’étaient pas authentiques.

Suite à une opération de saisie-contrefaçon opérée au domicile de M. F., les sociétés l’Oréal et Lancôme l’ont assigné le 26 avril 2007 devant le tribunal pour voir, au visa des articles L 716-1 et L 717-1 du Code de Propriété Intellectuelle :
– dire qu’en commercialisant des parfums sous les dénominations, “Lancôme” “Hypnose” et “Amor Amor” M. F. s’est rendus coupable d’actes de contrefaçon des marques et du modèle précités ;
– interdire la poursuite de ces actes illicites sous astreinte dont le tribunal se réservera la liquidation ;
– condamner le défendeur à leur payer à chacune :
* une somme de 50 000 € au titre de la contrefaçon de marque, une indemnité de 20 000 € au titre de la concurrence déloyale ainsi qu’une indemnité de 2000 € au titre de son manquement à son obligation d’identification résultant des dispositions de l’article 19 de la Loi n° 2004-575 sur la confiance dans l’économie numérique ;
* une somme de 10 000 € à chacune en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

le tout, sous le bénéfice de l’exécution de la décision à intervenir et de l’autorisation de sa publication dans des journaux ou revues ainsi que sur la page d’accueil du site “www.ebay.fr”.

Monsieur F. régulièrement assigné à étude d’huissier n’a pas constitué avocat.

DISCUSSION

Sur la contrefaçon

L’article L 713-2 du Code de Propriété Intellectuelle dispose que « sont interdits sauf autorisation du propriétaire : a) la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, même avec l’adjonction de mots tels que : “formule, façon, système, imitation, genre, méthode “ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement” ».

L’article 9 du Règlement CE du 20 décembre 1993 prévoit que « le titulaire (d’une marque communautaire) est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement de faire usage dans la vie des affaires a) d’un signe identique à la marque communautaire pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée ».

L’article 19 du Règlement CE du 12 décembre 2001 sur le règlement communautaire dispose que le dessin ou modèle communautaire enregistré confère à son titulaire le droit exclusif de l’utiliser de d’interdire à tout tiers de l’utilisation sans son consentement. Par utilisation au sens de la présente disposition on entend en particulier la fabrication, l’offre, la mise sur le marché, l’importation, l’exportation ou l‘utilisation d’un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué ou le stockage du produit à ces mêmes fins.

Il ressort des pièces produites aux débats :
* que sous le pseudonyme “gigimam” étaient vendus sur le site “ebay” en novembre 2006 des parfums “Hypnose de Lancôme”, “amor amor par cacharel” dans des conditionnements identiques (emballages et flacons) à ceux des produits authentiques ;
* que le produit Hypnose de Lancôme acquis par un enquêteur des demanderesses s’est révélé être un faux ;
* que lors de la saisie-contrefaçon opérée chez le défendeur, titulaire du pseudonyme précité, celui-ci révélait qu’il vendait sur ebay des parfums qu’il acquérait auprès de différents vendeurs et qu’il a ainsi acquis 120 produits qu’il a revendus pour un chiffre d’affaires d’environ 4500 €.

Dès lors que les produits sont identiques à ceux visés dans l’enregistrement des marques en cause et qu’ils sont désignés par des signes identiques à ceux déposés et que M. F. met sur le marché des parfums dans un flacon identique au modèle communautaire déposé, le grief de contrefaçon est constitué au regard des dispositions légales précitées.

Sur les actes de concurrence déloyale

Les actes de commercialisation litigieux s’étant effectués sous un pseudonyme, contrevenant ainsi à l’article 19 de la Loi pour la confiance dans l’économie numérique qui impose de mentionner l’identité du fournisseur de biens sur internet, le tribunal considère qu’il s’agit d’actes de concurrence déloyale vis-à-vis des demanderesses qui ont pour activité la fabrication et la commercialisation de parfum.

De plus, les parfums contrefaisants sont commercialisés dans des conditionnements identiques à quelques erreurs typographiques près aux emballages des produits authentiques et en dehors des réseaux de distribution exclusive des demanderesses ; une telle commercialisation constitue également des actes de concurrence déloyale à l’encontre des demanderesses qui commercialisent les produits authentiques.

Les mesures réparatrices

Eu égard à la renommée importante des marques en cause, au volume de la masse contrefaisante (120 produits), à la durée de la contrefaçon (7 mois), le tribunal considère que le préjudice subi par les sociétés demanderesses sera justement indemnisé par l’allocation :
* à la société Lancôme d’une somme de 6000 € au titre de la contrefaçon de marque et de modèle et d’une somme de 4000 € au titre de la concurrence déloyale ;
* la société l’Oréal d’une somme de 1000 € au titre de la contrefaçon de marque et d’une somme de 1000 € au titre des actes de concurrence déloyale.

A titre de dommages et intérêts complémentaires, l’affichage du dispositif de la présente décision sur la page d’Ebay pendant une durée d’un mois est autorisé. En revanche, la publication de celui-ci dans des journaux ou revues n’apparaît pas nécessaire eu égard à la nature de l’offre commerciale contrefaisante.

L’équité commande enfin d’allouer à chaque demanderesse une indemnité de 4000 € en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Eu égard à la nature de l’affaire, l’exécution provisoire de la présente décision est autorisée.

DECISION

Par ces motifs, le tribunal, statuant par décision réputée contradictoire en premier ressort et remise au greffe, sous le bénéfice de l’exécution provisoire,

. Dit qu’en offrant en vente et en vendant des parfums sous les dénominations “Hypnose de Lancôme” et ”Amor Amor“ et dans des conditionnements quasi-identiques à ceux des produits authentiques et s’agissant du parfum “Hypnose” dans un flacon identique à celui déposé comme modèle communautaire sous le pseudonyme “gigimam” courant 2006, M. F. a commis des actes de contrefaçon des marques françaises n°1595133, 043328579, de la marque communautaire n°004173621 et du modèle communautaire n° 000221171-0002 au préjudice de la société Lancôme et de la marque française n°023 197 314 au préjudice de la société l’Oréal et des actes de concurrence déloyale au préjudice de ces deux sociétés ;

. Interdit la poursuite de ces actes illicites sous astreinte de 100 € par jour de retard et par infraction, constatée postérieurement à la signification du présent jugement ;

. Dit que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes ainsi ordonnées en application de la disposition de l’article 35 de la loi du 9 juillet 1991 ;

. Condamne M. F. à payer :
* à titre de dommages et intérêts, à la société Lancôme une somme de 10 000 € et à la société l’Oréal une somme de 2000 € du chefs des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale ;
* application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, à chaque demanderesse une indemnité de 4000 € ;

. Autorise la publication du présent dispositif sur la page d’accueil du site d’eBay pendant une durée d’un mois aux frais de M. F. ;

. Déboute les demanderesses de leurs autres prétentions ;

. Condamne M. F. aux entiers dépens ;

. Fait application des dispositions de l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de Me Damien Challamel, avocat pour la part des dépens dont il a fait l’avance sans en avoir reçu préalablement provision.

Le tribunal : Mme Elisabeth Belfort (vice président), Mmes Agnès Thaunat (vice président), Mme Sophie Canas (juge)

Avocat : Me Damien Challamel

 
 

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.