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Jurisprudence : Responsabilité

lundi 29 novembre 2010
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Cour d’appel de Paris Pôle 5, chambre 10 Arrêt du 17 novembre 2010

Xooloo / Sully Group

responsabilité

FAITS ET PROCEDURE

Le 4 janvier 2000, un contrat intitulé « Assistance à maître d’ouvrage dans le cadre de la création d’un portail jeunesse » a été signé par les sociétés Xooloo et Sully Group puis, par contrat du 7 février 2000, intitulé « Portail Jeunesse V1 », la société Xooloo a confié à la société Sully Group la réalisation d’un portail de divertissement pour enfants sur la base d’une proposition du 1er février précédent annexée au contrat. Le procès-verbal de réception définitive a été signé le 6 juin 2001 par Monsieur R., directeur technique de la société Xooloo. Par décision du 7 octobre 2002, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure simplifiée de redressement judiciaire à l’encontre de la société Xooloo et, le 8 mars 2004, le juge-commissaire a constaté l’admission des créances de la société Sully Group. Par jugement du 24 mai 2004, ce tribunal a arrêté le plan de continuation de la société Xooloo sur une durée de dix ans, ce plan prévoyant le règlement de la créance de la société Sully Group d’un montant de 68 880,08 € en 9 annuités et pour la première le 24 mai 2005. La SCP Holding, actionnaire de la société Xooloo ayant contesté l’admission de la créance de la société Sully Group par requête du 24 mai 2006, le juge-commissaire a déclaré cette requête recevable mais mal fondée. La cour d’appel de Paris a infirmé l’ordonnance du juge commissaire et a déclaré irrecevable à agir la SCP Holding par arrêt du 4 octobre 2007.

C’est dans ces conditions que la société Xooloo, estimant que la société Sully Group n’avait pas mené à bien la mission qui lui avait été confiée, l’a assignée devant le tribunal de commerce de Paris par acte du 21 mars 2008 aux fins de voir prononcer la résolution judiciaire des deux contrats signés les 4 janvier et 7 février 2000 et en payement de différentes sommes.

Par jugement du 30 septembre 2009, le tribunal a dit que l’admission de la créance de 68 880,08 € de la société Sully Group avait acquis autorité de la chose jugée et a condamné la société Xooloo à payer à celle-ci la somme de 19 286,41 € avec capitalisation des intérêts à compter de la dernière échéance outre une indemnité de 5000 € au titre des frais irrépétibles, le tout assorti de l’exécution provisoire.

Aux termes de ses dernières conclusions du 27 mai 2010, la société Xooloo, appelante, demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris, de prononcer la résolution judiciaire des deux contrats précités et de condamner la société Sully Group à lui payer la somme totale de 323 853,93 €, celle de 50 000 € à titre de dommages-intérêts pour manquements à ses obligations de maître d’ouvrage, celle de 200 000 € pour les gains manqués du fait des manœuvres dolosives exercées au jour de la signature du PV de réception et celle de 20 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile. Elle demande à la cour en page 21 de ses conclusions de prononcer la nullité pour dol du contrat du 7 février 2000.

La société Sully Group conclut dans ses dernières écritures du 8 juin 2010 à la confirmation du jugement et à la condamnation de la société Xooloo à lui payer la somme de 17 908,81 € qui représente les 5ème et 6ème échéances qui lui sont dues dans le cadre de l’exécution du plan de continuation, et ce avec capitalisation des intérêts. En tout état de cause, elle demande à la cour de constater qu’elle a respecté les obligations qui lui incombaient aux termes du contrat du 7 février 2000, de condamner la société Xooloo à lui payer la somme de 17 908,81 € ainsi que celle de 20 000 € au titre de ses frais irrépétibles.

DISCUSSION

Sur la fin de non-recevoir

Considérant que la société Sully Group soulève l’irrecevabilité de la demande en résolution du contrat du 7 février 2000 eu égard au caractère définitif de l’admission de sa créance ;

Que la société Xooloo objecte que l’état des créances n’ayant pas encore été publié au Bodac, la créance de la société Sully Group ne serait pas définitivement admise puisque cette créance peut encore être contestée par tout intéressé dans le délai d’un mois à compter de cette publication en application de l’article R.624-8 du Code de commerce ;

Considérant, ceci exposé, que l’ancien article L.621-105 du Code de commerce applicable à la procédure collective ouverte à l’encontre de la société Xooloo, ouvrait le droit au débiteur de contester les créances déclarées et de porter devant la cour d’appel un recours contre les décisions du juge-commissaire statuant sur l’admission des créances ;

Qu’en l’espèce, il résulte du procès-verbal de dépôt de l’état des créances admises et contestées en date du 19 août 2004, que la société Xooloo n’a formé aucune contestation à l’encontre de la créance déclarée par la société Sully Group à hauteur de la somme de 68 880,08 € ;

Que l’admission par le juge-commissaire de la créance de la société Sully Group au passif de la société Xooloo ayant acquis l’autorité de la chose jugée tant en ce qui concerne son existence que son montant, la société appelante n’est plus recevable à remettre en cause la créance litigieuse ; que la faculté offerte par l’article R.624-8 dernier alinéa du code de commerce à tout intéressé de présenter une réclamation devant le juge-commissaire dans le délai d’un mois à compter de la publication au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales de l’insertion mentionnant le dépôt de l’état des créances au greffe du tribunal n’est ouverte qu’aux tiers ; que cette publication n’a en effet pour objet que d’informer ces tiers de l’existence du dépôt de l’état des créances et de faire courir le délai leur permettant de contester les créances ; que, d’ailleurs, et ainsi que le fait observer à juste titre l’intimée, l’article R.624-10 alinéa 1 du code de commerce dispose que ”les réclamations des tiers mentionnés au dernier alinéa de l’article R.624-8 sont formées par déclaration faite au greffe ou remise contre récépissé ou adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (…) ;

Sur l’exécution du contrat d’assistance du 4 janvier 2000

Considérant que la société Xooloo fait valoir que la société Sully Group aurait failli dans l’exécution de ses obligations issues du contrat d’assistance du 4 janvier 2000, soutenant que ce contrat était lié au contrat signé le 7 février suivant, la société intimée objectant que la société Xooloo tente de lier artificiellement ce contrat au contrat de prestations ;

Considérant que le contrat du 4 janvier 2000 qui se présente comme une “proposition”, non signée, adressée à une société dénommée « Merci » mais dont les parties ne contestent pas qu’elle a été faite à la société My Dream, aujourd’hui dénommée Xooloo, qui l’a acceptée et en a réglé le coût annoncé de 182 000 francs, comporte les mentions suivantes au chapitre intitulé “Contexte et objectifs” : La société Merci ouvre un service “portail jeunesse” sur Internet le 17 avril 2000″ ; que l’article 4.3 de la proposition OST0109BIS du 1er février 2000 annexée au contrat de prestations informatiques du 7 février 2010, intitulé “Portail Jeunesse (fonctionnalités version 1)” énonce que “Pour une inauguration du site le 17 avril 2000 l’intégration chez le fournisseur d’hébergement retenu de l’application version 1 devra se faire à compter du 1er avril, le début de la mission s’est fait le 17 janvier.” ;

Que la date du 17 avril 2000, visée dans les deux contrats des 4 janvier et 7 février 2000 comme devant correspondre à l’inauguration du site, démontre que ces deux contrats étaient liés et portaient, le premier pour l’assistance à maîtrise d’ouvrage, le second pour l’intégration des éléments informatiques et techniques créés par les différents intervenants à la création du site en cause et destiné aux enfants, sur ce même site ; que la durée totale de quinze semaines prévue pour les trois phases décrites dans le contrat d’assistance (mise en place de l’ensemble des conditions et acteurs du projet, élaboration du plan de mise en œuvre et pilotage de la mise en œuvre) correspond précisément à la période qui devait s’achever le 17 avril 2000 ;

Considérant, cependant, que le 6 juin 2001, la société Xooloo a signé sans réserve le procès-verbal de réception définitive des travaux désignés sous le libellé “développement portail Xooloo V1″ ; que la case “Très Bien”, correspondant à l’indice de satisfaction du client, a été cochée par le représentant de la société Xooloo, Monsieur Christophe R., directeur technique de cette société ; que contrairement à ce que soutient la société Xooloo, il n’incombait pas à la société Sully Group, dans le cadre du contrat d’assistance à maîtrise d’ouvrage, de lui conseiller d’émettre des réserves dans le procès-verbal de réception définitive, seul le client appréciant s’il y a lieu ou non d’émettre de telles réserves ;

Considérant que les manœuvres dolosives qu’aurait exercées la société intimée lors de la signature du procès-verbal de réception définitive ne sont pas établies ;

Que, par ailleurs, les nombreux courriers électroniques échangés par la société Sully Group et Monsieur R., signataire du procès-verbal de réception, démentent l’affirmation de la société Xooloo suivant laquelle ce dernier n’avait pas connaissance du contrat de prestations; que, tout au contraire, ces courriers révèlent que Monsieur R. était l’interlocuteur de la société Sully Group dans le cadre de l’opération en cours; qu’en outre, Monsieur R. avait déjà signé un précédent procès-verbal de réception définitive le 29 mars 2001 avec la société Sully Group portant sur d’autres travaux réalisés par cette société sans susciter de réaction de la part de son employeur, ce qui tend à prouver qu’il était habilité à signer des documents de cette nature ;

Que faute pour la société Xooloo de rapporter la preuve de la défaillance de la société Sully Group dans l’exécution de ses obligations résultant du contrat d’assistance à maîtrise d’ouvrage du 4 janvier 2000, la demande en résolution de ce contrat doit être rejetée ;

Sur la demande reconventionnelle

Considérant que la société Xooloo est redevable aujourd’hui envers la société Sully Group de la somme de 17 908,81 € au titre des 5ème et 6ème annuités visées au plan de continuation, montant qu’elle ne conteste pas ; qu’elle sera condamnée au payement de cette somme ; que la capitalisation sera ordonnée dans les conditions de l’article 1154 du code civil ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile

Considérant qu’il y a lieu d’allouer à la société Sully Group la somme de 3000 € au titre de ses frais irrépétibles d’appel ;

DECISION

Par ces motifs.

. Confirme le jugement,

Y ajoutant,

. Condamne la société Xooloo à payer à la société Sully Group la somme de 17 908,81 €,

. Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 du code civil,

. Condamne la société Xooloo à verser à la société Sully Group la somme de 3000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

. Rejette toute autre demande,

. Condamne la société Xooloo aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La cour : Mme Marie-Pascale Giroud (présidente), Mmes Agnès Mouillard et Dominique Saint-Schroeder (conseillères)

Avocats : Me Alain Weber, Me Olivier Iteanu

 
 

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