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Jurisprudence : E-commerce

vendredi 17 décembre 2004
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Tribunal de grande instance de Versailles Ordonnance de référé 14 décembre 2004

Eurodns, Laurent N. / Afnic, intervenants volontaires

agent commercial - charte - e-commerce - nom de domaine - unité d'enregistrement

Vu les motifs développés par la société Eurodns et Laurent N. dans leur assignation en référé en date du 29 octobre 2004 tendant à voir :
– ordonner à l’Association française pour le nommage internet en coopération dite Afnic, qu’elle réactive tous les noms de domaine qu’elle a bloqués le 22 octobre 2004, enregistrés pour le compte des clients de l’unité d’enregistrement qu’elle a accréditée, la société Eurodns, par Laurent N., sous astreinte de 50 000 € par jour de retard,
– ordonner à l’Afnic qu’elle publie en première page de son site l’ordonnance rendue,
– la condamner à payer à titre provisionnel aux demandeurs la somme de 75 000 € et celle de 3500 € en application de l’article 700 du ncpc ;

Vu les conclusions déposées à l’audience par l’Afnic tendant à voir :
– dire n’y avoir lieu à référé ou, à titre subsidiaire, débouter les demandeurs et ordonner sous astreinte la publication sur la page d’accueil de la société Eurodns de la décision à intervenir,
– à titre plus subsidiaire de ne pas prononcer de condamnation à son encontre,
– à titre reconventionnel, autoriser l’Afnic à prendre toute mesure de nature à lutter contre le détournement de noms de domaine par Eurodns et Laurent N. et à faire connaître du plus grand nombre la décision de blocage et les conditions dans lesquelles les noms de domaine bloqués peuvent être réactivés ou transférés,
– condamner les demandeurs à la somme de 15 000 € à titre de provision sur dommages-intérêts, au paiement d’une amende civile et de la somme de 1500 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, et au paiement de la somme de 8000 € au titre de l’article 700 du ncpc ;

Vu les conclusions déposées à l’audience par les intervenants volontaires tendant, selon le cas, soit au débouté des demandeurs et au maintien du blocage, soit au transfert ou à la radiation de noms de domaine portant confusion avec les marques notoires leur appartenant ;

DISCUSSION

Attendu que la société Eurodns et Laurent N. ont conclu le 24 septembre 2003 avec l’Afnic une convention portant adhésion, en son article 1.4, à la charte de nommage et définissant les conditions dans lesquelles la société Eurodns pourra procéder à des actes d’administration sur les noms de domaine de la zone de nommage organisée par l’Afnic au bénéfice de ses clients ;

Attendu qu’il résulte des pièces versées aux débats par l’Afnic qu’Eurodns a eu, à l’évidence et à maintes reprises, des pratiques manifestement contraires notamment à l’article 19 de la charte de nommage relatif au choix du nom de domaine en ce qu’elles portent volontairement à confusion avec des institutions ou des marques notoires, et ce, soit par « cybersquatting » (Académie Française, Cour de cassation…), soit par « typosquatting » (Bouygues…), soit par détournement de préfixe (Caisse d’épargne, Cegetel, Fnac, La Redoute, Michelin, Société Générale, etc…), soit par détournement de suffixe (gouvernement français…) ;

Attendu que ces agissements constituent autant de tentatives de détournement susceptibles d’attenter aux droits des tiers, voir d’être sanctionnés au titre de la législation sur la propriété intellectuelle ou le droit de la concurrence ;

Qu’au demeurant Laurent N. a déjà fait l’objet, au visa de l’article L 713-5 du code de la propriété intellectuelle, de plusieurs décisions judiciaires le déclarant responsable de l’utilisation et de l’exploitation de noms de domaine qu’il avait réservés dans des situations identiques à celles qui nous sont soumises et qui portaient atteinte à des marques protégées ;

Attendu que sont en outre établies par constat d’huissier du 25 octobre 2004 des violations aux dispositions de l’article 4 de la charte de nommage concernant les titulaire d’un nom de domaine au sein de la zone .fr en ce qu’Eurodns a attribué des noms du domaine .fr à des personnes n’ayant aucun lien de rattachement avec le territoire national contrairement au principe admis de territorialité ;

Attendu que, face à ces violations multiples de la charte de nommage qui lui valaient plaintes et protestations de la part de ses autres prestataires, c’est légitimement que l’Afnic, le 13 juillet 2004, a rappelé à Eurodns les obligations incombant aux signataires de la convention d’adhésion ; que cette mise en garde est cependant restée vaine, Eurodns n’en continuant pas moins ensuite d’enregistrer certains noms de domaine tout aussi contestables ;

Attendu qu’après concertation avec son comité d’utilisateurs et son comité de prestataires, c’est en parfaite conformité avec l’article 36 de la charte de nommage, dont la portée est générale en cas de « violation des termes ou de l’esprit » de cette charte, que le conseil d’administration de l’Afnic a décidé de procéder pendant trois mois au blocage des noms de domaine enregistrés par Laurent N. ; que le 22 octobre 2004, date à laquelle ont commencé ces opérations de blocage, l’Afnic, d’une part, a avisé Laurent N. de cette procédure, d’autre part, a mis en demeure Eurodns, en application de l’article 19 de la convention d’adhésion signée le 24 septembre 2003, de respecter les obligations qui en découlent ;

Attendu, dans ces conditions, qu’il ne saurait être fait reproche à l’Afnic de s’être préoccupée du respect des obligations nées tant de la charte de nommage que du contrat d’adhésion du 24 septembre 2003, non plu d’avoir considéré la situation créée par Eurodns comme contraire à la lettre et l’esprit de ces deux conventions ;

Attendu en conséquence qu’il n’apparaît nullement que la mesure de blocage des noms de domaine que l’Afnic a été amenée à prendre pour qu’il soit porté remède aux agissements réitérés d’Eurodns soit constitutive d’un trouble manifestement illicite ;

Que Laurent N. et Eurodns seront donc déboutés de leurs demandes ;

Attendu, sur la demande reconventionnelle de l’Afnic, que l’autorisation qu’elle sollicite d’étendre le cas échéant le blocage à tous les noms de domaine qui seraient déposés par Eurodns ou Laurent N. à partir du 23 novembre 2004, est d’ordre trop général et d’un caractère trop définitif pour être de la compétence du juge des référés ;

Attendu qu’il n’appartient pas non plus à cette juridiction de condamner une partie à des dommages-intérêts hors le cas de procédure abusive ;

Qu’il n’apparaît pas, sur ce dernier point, que l’exercice de l’action en justice des demandeurs ait, en l’espèce, dégénéré en un abus de droit d’ester suffisamment caractérisé pour entraîner une condamnation à des dommages-intérêts de ce chef ;

Attendu, en revanche, que rien ne s’oppose à ce que la présente ordonnance soit publiée sur la page d’accueil d’Eurodns pendant la durée du blocage actuel ;

Attendu que les demandeurs qui succombent en leur action devront supporter les dépens en application de l’article 696 du ncpc ; qu’il est en outre équitable qu’ils soient condamnés, au titre de l’article 700 du ncpc, à payer à l’Afnic 4000 € pour les frais irrépétibles important que cette association a dû exposer ;

Attendu, quant aux intervenants volontaires, que leurs demandes sont devenues sans objet du fait de notre décision avant dire droit du 9 novembre 2004 qui a donné acte à Eurodns et à Laurent N. de leur engagement d’y satisfaire ; qu’il suffira donc de rappeler, en tant que de besoin, le détail des transferts ou suppression des noms de domaine ordonnés par cette première décision ;

DECISION

Statuant en matière de référé, publiquement, par ordonnance contradictoire et en premier ressort ;

. Déboutons la société Eurodns et Laurent N. de leurs demandes ;

. Ordonnons que la présente ordonnance soit publiée sur la page d’accueil de la société Eurodns pendant la durée du blocage des noms de domaine au format minimum ½ écran, et ce sous astreinte de 1000 € par jour de retard passé le délai de cinq jours à compter de sa signification ou par jour d’absence de cette publication pendant la durée du blocage ;

. Nous réservons la liquidation éventuelle de cette astreinte ;

. Condamnons la société Eurodns et Laurent N., in solidum, à payer à l’Afnic la somme de 4000 € au titre de l’article 700 du ncpc ;

. Disons n’y avoir lieu à référé pour les autres demandes reconventionnelles de l’Afnic ;

. Confirmons notre ordonnance avant dire droit du 9 novembre 2004 et, en tant que de besoin, ordonnons à la société Eurodns et à Laurent N. :

– d’une part, le transfert forcé des noms de domaine ci-après :

* « 9online.fr », « neufonline.fr », « wwwneuf.fr » à la société Neuf Telecom,

* « particulierssocietegenerale.fr », « wwwsocietegenerale.fr » à la Société Générale,

* « credit-de-nord.fr » à la société Crédit du Nord,

* « caisse-epargne.fr », « caisseepargne.fr », « caissepargne.fr », « wwwcaisse-epargne.fr » à la société Caisse nationale des caisses d’épargne et de prévoyance,

* « degriffetour.fr », « degrifftours.fr », « lastminute.fr », « lasteminut.fr », « lastmunite.fr », « lasminute.fr », wwwlasminute.fr » à la société Lastminute,

* « free.fr », « adslfree.fr », « freeadsl.fr », wwwfree.fr » à la société Free,

* « wwwfnac.fr » à la société Fnac,

* « laredo.fr », « laredout.fr », « laredoute.fr » à la société La Redoute,

* « verbeaudet.fr » à la société Sadas,

* « lacinq.fr » à la société La Cinquième,

* « 2xmoincher.fr », « 2xmoinschere.fr » à la société Trokers,

* « etapehotel.fr », « formul1.fr » à la société Accor,

* « micheline.fr », « wwwmichelin.fr » à la société Michelin,

* « wwwsfr.fr » à la société SFR,

* « wwwcegetel.fr » à la société Cegetel,

* « fance3.fr », « frace.fr » à la société France 3,

* « frace2.fr », « fanc.fr », « forboyard.fr », « piramyd.fr », « pointroute.fr », « telematin.fr » à la société France 2,

* « voyageurdumond.fr » à la société Voyageurs du monde

– d’autre part :

* la radiation de « nostlagie.fr », « www.nostalgy.fr », « nrj.fr », « nrjantilles.fr », « rireetchanson.fr » et « riresetchansons.fr » ;

. Condamnons in solidum la société Eurodns et Laurent N. aux dépens.

Le tribunal : M. Bernard Darcos (président)

Avocats : Me Olivier Iteanu, Me Eric Barbry (Cabinet Bensoussan), Me Isabelle Leroux (Bird & Bird), Me Marie Laure Rouquet, Me Yves Coursin, Me André Bertrand, Me Cyril Fabre

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