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Jurisprudence : Marques

mercredi 29 janvier 2003
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Tribunal de Grande Instance de Paris, 3ème chambre, 1ère section, Jugement du 29 janvier 2003

Club de la sécurité informatique française - Clusif / Max P., la société Indomco, Stéphane V.G., la société Presse & Co et la société And Co

constat agent assermenté app - contrefaçon de marque - dénomination sociale - marques - nom de domaine

Les faits

Par actes des 9, 11 et 20 juillet 2001, l’association Clusif (Club de la sécurité informatique française) a fait assigner Max P., la société Indomco, Stéphane V.G., la société Presse & Co et la société And Co.

Les défendeurs ont constitué avocat et conclu.

Par conclusions du 28 janvier 2002, l’association Clusif s’est désistée de ses instances et actions à l’encontre de la société Indomco, Stéphane V.G., la société Presse & Co et la société And Co. Par conclusions du même jour, ces quatre défendeurs ont accepté ce désistement.

Au terme de ses écritures, à l’encontre de Max P., l’association Clusif expose que fondée en 1984 elle a pour vocation de regrouper les principaux utilisateurs et fournisseurs de biens et produits informatiques ; qu’elle souhaite couvrir l’ensemble des domaines relatifs à la sécurité des systèmes d’information et de communication en France ; qu’elle entretient des relations avec des organismes proches (Apsad, Forum des compétences, Afai, Afnor, Cigref) ; qu’elle dispose d’homologues à l’international ; qu’elle a enregistré le 09 mars 1993 à l’Inpi sous le n°93458998 la marque dénominative Clusif en classes 35, 36 et 42 relatives notamment à la sécurité informatique ; qu’elle a également créé un site internet www.clusif.asso.fr portant le titre Clusif ; que Max P. a procédé à l’enregistrement le 23 février 2000 des noms de domaine suivants :

– « clusif.com »

– « clusif.net »

– « clusif.org »

Outre son désistement à l’encontre de quatre défendeurs, l’association Clusif demande au tribunal de dire que l’enregistrement par Max P. des noms de domaine « clusif.com », « clusif.net » et « clusif.org » est constitutive de contrefaçon de marque, de droit d’auteur et d’usurpation de dénomination sociale ; qu’un tel enregistrement par un salarié d’un membre du Clusif ayant signé le code éthique de ce dernier est générateur d’un préjudice moral. A titre subsidiaire, il est demandé de dire fautifs ces enregistrements. Il est en conséquent demandé au tribunal de statuer comme suit :

– condamner Max P. au paiement du 10 000 euros en indemnisation du préjudice subi du fait de la contrefaçon de marque, de droit d’auteur et d’usurpation de dénomination sociale,

– condamner Max P. au paiement de 10 000 euros en indemnisation du préjudice moral suivi par la Clusif,

– interdire à Max P. l’utilisation du titre Clusif sous quelque forme que ce soit notamment à titre de nom de domaine sous astreinte de 1500 euros par infraction constatée,

– à titre subsidiaire condamner Max P. au paiement de 10 000 euros en indemnisation de son comportement fautif,

En toute hypothèse :

– prononcer l’exécution provisoire,

– ordonner la publication dans trois journaux au choix du Clusif pour un coût ne devant pas dépasser 15 000 euros HT,

– ordonner à Max P. de consigner la somme de 15 000 euros HT entre les mains de M. le Bâtonnier, séquestre, sous astreinte de 4000 euros par jour de retard,

– dire que M. Le Bâtonnier attribuera cette somme au Clusif sur présentation d’un bulletin de commande auprès desdits journaux,

– condamner Max P. au paiement de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du ncpc.

Le Clusif se fonde sur les dispositions du code de la propriété littéraire et artistique (articles L 111-1, L 122-4), sur le code de la propriété intellectuelle (articles L 713-2, L 713-3, L 716-10) et sur le code civil (article 1134, 1382 et 1383).

Max P. a conclu au rejet des demandes présentées à son encontre et subsidiairement sollicite de limiter à un euro le montant des indemnisations réclamées. En toute hypothèse, il s’oppose à la demande de publication et réclame la condamnation du Clusif à lui verser 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du ncpc.

Max P. indique que salarié d’une société adhérente au Clusif, il a procédé aux enregistrements litigieux non pour se les approprier mais pour les transmettre ensuite sans contrepartie financière au Clusif ; qu’à défaut par ce dernier de les avoir déposés, des tiers mal intentionnés auraient pu mener une opération de « cybersquatting » sur ces noms de domaine ; que ses propositions de radiation ou de transfert des noms de domaine ont été refusées par le Clusif ; que les faits dénoncés de contrefaçon ne sont pas caractérisés puisque aucun site internet reproduisant le site Clusif n’a été rattaché aux noms de domaine en litige ; que de plus, la dénomination Clusif réunissant les initiales de l’activité de la demanderesse n’est pas protégeable au titre du droit d’auteur ; que l’absence de risque de confusion est exclusive de contrefaçon tant au titre du droit d’auteur, de la dénomination sociale ou de la marque.

La discussion

Sur les demandes principales

Attendu que l’association Clusif s’est désistée de ses instances et actions à l’encontre de la société Indomco, Stéphane V.G., la société Presse & Co et la société And Co ; que ces quatre défendeurs ont accepté ce désistement qui sera dès lors déclaré parfait conformément aux dispositions de l’article 395 alinéa 1° du ncpc ;

Attendu que l’association Clusif a déposé à l’Inpi le 9 mars 1993 sous le n°93458998 la marque Clusif en classes 35, 36 et 42 couvrant la recherche et le développement en sécurité des systèmes d’information, l’analyse et la tarification pour l’assurance des risques informatiques, le recueil et la diffusion aux entreprises de statistiques, de cas pratiques et de solutions en matière de sécurité des systèmes d’information ; qu’afin de promouvoir ses activités, le Clusif a également créé un site internet comportant l’adresse www.clusif.asso.fr ; qu’il est justifié notamment par le constat APP du 12 mars 2001 et non contesté que Max P. a procédé à l’enregistrement le 23 février 2000 des noms de domaine « clusif.com », « clusif.net » et « clusif.org » ; qu’il est d’autre part constant qu’aucun site internet n’a été rattaché à ce nom de domaine ; qu’en cours de procédure, par courrier du 13 octobre 2001, Max P. a donné son accord pour que la propriété des trois noms de domaine en litige soit transférée au Clusif ;

Attendu que l’association Clusif soutient qu’en déposant les trois noms de domaine en litige, Max P. a porté atteinte à son droit d’auteur portant sur le site internet qu’elle a créé ; qu’il convient de rappeler que Max P. a déposé des noms de domaine sans sites corrélatifs ; que Clusif est mentionné sur le site comme dénomination sociale de la personne morale exploitante ; que les conditions de son utilisation doivent être examinées à ce titre ; qu’à défaut de reproduction du site internet, le grief d’atteinte au droit d’auteur n’est pas caractérisé ;

Attendu que la demanderesse justifie par le récépissé de déclaration préfectorale du 18 décembre 1992 que sa dénomination est la suivante : « Club de la sécurité informatique français Clusif » ; que Clusif fait donc partie intégrante de la dénomination et n’en constitue pas uniquement ses seules initiales ; qu’en l’absence de toute autorisation et parfaitement avisé de l’existence et des activités de l’association en sa qualité de salarié de la société Neocles adhérente du Clusif, Max P., sans motifs légitimes, a déposé trois noms de domaine reprenant à l’identique la dénomination Clusif ; qu’il a ainsi usurpé en toute connaissance une dénomination sociale occasionnant un préjudice à l’association victime de cette appropriation d’identité ;

Attendu que l’association est bien fondée à reprocher à Max P. une contrefaçon de sa marque Clusif déposée le 9 mars 1993 ; que les noms de domaine ont reproduit la marque à l’identique ; que dans cette hypothèse, sur le fondement de l’article 713-2 du code de la propriété intellectuelle, il n’est pas nécessaire de justifier d’un risque de confusion ; que le moyen ainsi soulevé par Max P. est inopérant ;

Attendu qu’en indemnisation de l’usurpation de sa dénomination sociale et de la contrefaçon de sa marque il convient d’allouer à l’association demanderesse la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Attendu que si Max P. présente la qualité de salarié de la société Neocles, seule cette dernière est adhérente du Clusif et signataire de son code d’éthique ; que Max P. ne s’y est pas engagé à titre personnel ; qu’il n’y a pas lieu de donner suite à la demande d’indemnisation pour préjudice moral présentée par une personne morale en l’occurrence l’association ;

Attendu que la demande d’interdiction d’utilisation est justifiée ; qu’il y sera fait droit selon des modalités précisées dans le dispositif ;

Attendu que la demande de publication est également fondée ; que toutefois aucune circonstance particulière ne justifie d’ordonner la consignation d’une provision à valoir sur les frais de publication ;

Sur les autres demandes

Attendu que l’exécution provisoire sera ordonnée sauf concernant la mesure de publication ;

Attendu que la solution du litige et l’équité conduisent à condamner Max P. à verser au Clusif la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du ncpc ;

Attendu que Max P., partie succombante, doit être débouté de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du ncpc ;

La décision

Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

. Dit parfait le désistement d’instance et d’action formalisé par l’association Clusif à l’encontre de la société Indomco, Stéphane V.G., la société Presse & Co et la société And Co,

. Dit qu’en procédant à l’enregistrement le 23 février 2000 des noms de domaine « clusif.com », « clusif.net » et « clusif.org », Max P. a usurpé la dénomination sociale de l’association Clusif et a contrefait la marque Clusif,

. Condamne Max P. à verser à l’association Clusif la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts,

. Interdit à Max P. l’utilisation du titre Clusif sous quelque forme que ce soit notamment à titre de nom de domaine sous astreinte de 500 euros par infraction constatée à compter du 30° jour suivant le jour du prononcé du présent jugement,

. Ordonne la publication du présent jugement dans trois journaux au choix de l’association Clusif et aux frais de Max P. pour un coût ne devant pas dépasser 1500 euros par insertion,

. Prononce l’exécution provisoire sauf en ce qui concerne la mesure de publication,

. Condamne Max P. à verser à l’association Clusif la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du ncpc,

. Rejette toutes autres demandes,

. Condamne Max P. aux frais de constat de l’Agence pour la Protection des Programmes ainsi qu’aux dépens.

Le tribunal : Mme Apelle (vice président), Mme Marion et M. Loos (vice présidents)

Avocats : Cyril Fabre, Selarl Fides, Me Emmanuel Jez

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